Par : PATRICK ERIC MAMPOUYA
Tout le monde semble découvrir les esclaves noirs de la Libye, mais de qui se moque-t-on ? Tous les Noirs qui ont séjourné ou habitent dans les pays du Maghreb ou Arabes savent que les Noirs y sont considérés comme des animaux. N’eut été les gouvernements plus ou moins forts de ces pays, les Noirs n’y seraient même pas admis. Même dans nos pays où ils habitent et s’enrichissent allègrement à l’abri de nos autorités et de notre naïveté, les Arabes ou les Maghrébins nous montrent que nous ne valons pas plus que les animaux (l’affaire Barros contre Hodjeij à Pointe-Noire).
Les occidentaux qui sont plus civilisés n’en pensent pas moins dans une moindre mesure, les manifestations récurrentes pour les droits civiques aux USA en sont un exemple. À la faveur d’un reportage sur une télévision américaine et française, même les panafricanistes défenseurs de Mouammar Kadhafi osent s’indigner du sort de leurs frères noirs en Libye alors que ces pratiques ne datent pas d’aujourd’hui. Si ce n’est pas le syndrome de Stockholm alors il faut me dire ce que c’est. Ce sont les mêmes Noirs qui s’en remettent aux Dieux de leurs bourreaux en les louant/priant tous les jours pour avoir une vie meilleure. Si ce n’est pas le syndrome de Stockholm alors il faut me dire ce que c’est. Non, je ne participerais pas à cette campagne contre l’esclavage en Libye, le noir a toujours été une marchandise. Hier les nôtres ont vendu sans vergogne nos frères qui errent dans les Antilles et les Amériques, aujourd’hui, ce sont encore les nôtres qui poussent nos jeunes au désespoir pour qu’ils aillent se jeter dans la gueule des nouveaux négriers.
Le problème, ce n’est pas les Libyens, le problème c’est nous avec nos chers dirigeants que nous aimons tant. Alors continuez à prier et à croire que tout le monde est bon et beau, et que nous sommes tous frères. Vous serez respectés quand vous serez respectables, en d’autres termes, restez autonome chez vous et vous aurez des bonnes relations avec tout le monde. Tant que vous compterez sur les Dieux des autres pour vous sauver, vous serez toujours leurs sujets, leurs esclaves. Au Congo-Brazzaville, les Maghrébins qui tiennent les commerces, les boulangeries et les moyennes industries font venir leurs parents ou les ressortissants noirs non-congolais (en réalité des esclaves) pour ne pas recruter les Congolais d’origine. Quand il y a recrutement, les salaires sont modiques et il n’y a pas d’inscription à la caisse de sécurité sociale pour certains puisque c’est du travail au noir. Ils le font avec la complicité de nos autorités qui n’exigent même pas la traçabilité de leurs activités moyennant quelques argents pour corrompre par-ci, par-là. Comme je le disais plus haut, pour être respecté il faut être respectable et comme nous ne sommes pas respectables même dans nos pays, alors les étrangers abusent de nous à l’intérieur ou à l’extérieur de nos pays. Chez nous au Congo-Brazzaville, les plus grands importateurs sont des non-congolais, les commerces et la moyenne industrie qui raflent même les marchés publics sont tenus par des non-congolais. Comment voulez-vous qu’on nous respecte ? Combien de temps faut-il pour former des maçons qui nous viennent de RDC ou de Chine ? combien de temps faut-il pour former des ingénieurs ou des commerciaux congolais capables de faire aussi bien que les non-congolais ? Il n’est donc pas étonnant que les étrangers pensent à juste titre que nous sommes des bon-à-rien, surtout quand ils nous voient arriver dans leurs pays.
L’indignation gratuite ou les manifestions sans actions concrètes contre l’esclavage, contre la cours pénale internationale, contre la FCFA ou autres incongruités ne servent qu’à se donner bonne conscience si nous ne sommes pas sérieux, et ce n’est pas les pseudos impérialistes ou les anciens colonisateurs qui nous empêchent d’être sérieux. Avis aux panafricanistes du dimanche, quel héritage concret nous laissera un Kémi Séba, sinon le souvenir d’une personne qui virevolte très bien avec la langue française. Pour gagner la respectabilité les Noirs africains devraient exiger la réciprocité dans tous les rapports commerciaux, et surtout dans tous les rapports entre États, favoriser et réserver aux africains noirs dans nos pays les marchés publics comme le font les États les plus libéraux du monde, investir massivement dans l’enseignement et enfin faire respecter nos lois dans nos pays. Voilà les vrais combats de notre époque sur lesquels on devrait se mobiliser et ces combats sont gagnables si les nôtres ne privilégiaient pas de s’abrutir dans les églises pour attendre que Dieu veille sur eux. Le coup de l’émotion numérique éphémère est bon pour émouvoir les grands-mères.
Il est vrai que je suis contre ce qui se passe en Libye mais, je ne pense pas que nous les africains soyons crédibles pour critiquer ce qui se passe en Libye parce que nous n’avons aucun respect pour la vie dans nos pays. En effet, c’est curieux de voir les ressortissants de certains pays qui arrivent parfois à maltraiter silencieusement les opposants voire tuer des vieilles personnes dans leurs pays, parce que soit-disant, ils sont sorciers, ou encore lapider les petits voleurs alors qu’ils applaudissent les grands voleurs en col blanc, que les ressortissants de ces pays qui ne se sont jamais indignés publiquement devant ces maltraitances puissent aujourd’hui demander le respect de la vie humaine. Il est politiquement correct de s’indigner contre ces Libyens, mais commençons aussi à nous faire respecter nous-même, à traiter avec dignité nos enfants, nos parents, nos opposants, et nos grand parents, bref à respecter la vie et là, votre indignation contre la Libye aura plus de cohérence. Combien sont-ils encore dans notre pays, dans nos pays qui rêvent de voyager vers un ailleurs prometteur au péril de leur vie ? Des millions certainement et rien n’est fait, aucune manifestation, aucune mesure n’est prise pour les dissuader quand bien même tout le monde connaît les raisons qui les fait partir. Pour avoir fait moi-même le voyage, je sais qu’il n’est jamais aisé de partir de son pays.
Quand bien même on trouve une meilleure vie dans les pays des autres, on est toujours mieux chez soi. C’est la désespérance économique et les problèmes politiques qui font prendre des risques à ceux qui partent quand bien même ils savent qu’ils peuvent finir comme esclave-volontaire ou esclave non-volontaire ou même mourir en Libye ou ailleurs en Europe. Voilà les combats qui sont à notre portée et qu’on peut gagner. Quand on sait que l’économie dépend de la politique, alors le choix des combats à mener est simple. Nous gagnerons la respectabilité des autres en construisant nos pays de tel manière que nous soyons mieux chez nous que esclave chez les autres, et c’est possible.
PATRICK ERIC MAMPOUYA