Révérend Pasteur N’toumi.
Par : Guy Milex M’BONDZI
D’aucuns pensaient que l’accord de ¨Cessez¨ le feu et de cessation des hostilités dans le département du Pool, signé entre le Gouvernement de la République du Congo et le Révérend Pasteur Ntumi, devrait permettre la levée ipso facto de toutes les charges qui pèsent sur ce dernier. Il n’en est, malheureusement, rien.
En effet, la session criminelle, actuellement en cours à Brazzaville, a inscrit, entre autres, au rôle, 60 dossiers, portant sur l’affaire Bintsamou Frédéric, alias Pasteur Ntumi, et autres, contre le ministère public, pour atteinte à la sureté intérieure de l’Etat. Il convient de dire que, dans son communiqué final du 20 janvier 2018, sanctionnant les travaux de la Commission Mixte-Paritaire sur la mise en œuvre de l’accord susmentionné, le ministre congolais de l’intérieur, Raymond Zéphirin Mboulou, déclarait pourtant ce qui suit : « Il a été également retenu que l’implication du Révérend Pasteur Ntumi est essentielle à la réussite de cette opération. A cette fin, la commission a proposé qu’il recouvre sa liberté de mouvement. (…) Elle a, pour terminer, sur ce point, fait remarquer que le Révérend Pasteur Ntumi, serait l’ambassadeur le plus efficace auprès des ex-combattants ».
« Je n’accepterai pas qu’un seul de mes hommes soit jugé »
Comment le Révérend Pasteur Ntumi peut-il réellement s’impliquer dans cette paix, quand le mandat d’arrêt, lancé contre lui et deux de ses proches, sur le plan national, court toujours et qu’il sera très bientôt jugé par contumace ? S’interroge-t-on à Brazzaville. Inutile de rappeler ce que, du reste, tout le monde sait, que la levée desdits mandats d’arrêt et l’abandon des poursuites sont une exigence et un préalable pour le Révérend Pasteur Ntumi et ses représentants. En cela, « je n’accepterai pas qu’un seul de mes hommes soit jugé », confiait, en privé, l’actuel Chef de la rébellion du Pool.
Une grâce présidentielle en perspective ?
Par ailleurs, une source, très proche du gouvernement, avec laquelle nous nous sommes entretenus, a soutenu : « le Congo n’est pas une République bananière. Des mandats d’arrêt ont été émis, il faut que la procédure soit bouclée, après quoi on trouvera des mécanismes pour relaxer le Pasteur Ntumi et ses hommes conformément à l’accord de Cessez-le-feu ». Une façon à peine voilée pour notre source de dire, que le Pasteur Ntumi et ses hommes seront jugés et condamnés par contumace, ensuite, ils bénéficieront d’une grâce présidentielle. Or, ladite grâce selon la loi congolaise, est soumise à des principes, entre autres, ne sont graciées que les personnes ayant déjà été condamnées et ayant purgé une partie de leurs peines.
L’emprisonnement actuel, à la Maison d’Arrêt de Brazzaville, de plus d’une centaine de partisans du Révérend Pasteur Ntumi, au-delà des délais de détention préventive, sera-t-il considéré, par le pouvoir, comme la purgation des peines qui seront infligées à ces derniers lors de la cession criminelle en cours ? Attendons de voir. S’agissant du Pasteur Ntumi lui-même et de ses représentants, ils ont simplement plaidé en faveur d’une loi d’amnistie.
Le Révérend Pasteur Ntumi respecterait sa part de l’Accord
Dans l’entretemps, « Ntumi et ses hommes respectent l’accord de cessez-le-feu, en ne créant aucune entrave à la libre circulation des personnes et des biens, au rétablissement de l’autorité de l’Etat, ainsi qu’au déploiement de la Force Publique dans les zones de conflit, déploiement jugé, par certains, excessif », argumente-t-on à Brazzaville. Et cette opinion d’ajouter : « Le Chef de la rébellion du Pool ne doit pas, non plus, faire de déclarations, conformément au communiqué final de la Commission Paritaire mise en place pour gérer l’application du cessez-le-feu, selon lequel, ¨Le Pasteur Ntumi s’engage à garantir le respect et l’application stricts de l’Accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités dans le département du Pool, du 23 décembre 2017, aussi bien dans ses communications que dans ses actes¨ ».
Le Révérend Pasteur Ntumi : un cavalier solitaire ?
Information très importante, toutes les sollicitudes du Pasteur Ntumi à obtenir un dialogue avec le gouvernement du Congo, sous l’égide de la communauté internationale, et la libération sans condition des prisonniers politiques, à l’instar de Jean Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, se seraient heurtées à une fin de non-recevoir des autorités de Brazzaville. Lesquelles auraient fait savoir poliment aux représentants du Pasteur Ntumi, de circonscrire les négociations uniquement au département du Pool et de ne pas se mêler des affaires qui ne les concernent pas au risque de tout compromettre. Autrement dit, des affaires Mokoko, Okombi et autres. Selon des informations recoupées, les représentants du Pasteur Ntumi n’ont pas également pu insérer dans leur liste de prisonniers que le pouvoir doit libérer à l’issue de la cession criminelle, le journaliste Ghys Fortuné Ndombé-Mbemba, pourtant incarcérer à la Maison d’Arrêt, pour complicité, avec le Révérend Pasteur Ntumi, d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat. L’évocation de son nom a simplement été interdite lors des travaux de la Commission Ad-hoc Mixte et Paritaire, de peur de voir le pouvoir faire machine arrière. « Dans de telles conditions, qui lui ont été imposées, le Révérend Pasteur Ntumi n’a donc pas eu le choix et, surtout, qu’il s’agit de mettre un terme aux souffrances du peuple du Pool, de poursuivre les négociations avec le gouvernement », affirme un des représentants de ce dernier, et non des moindres.
Epilogue, comment le pouvoir fera-t-il pour, d’une part, gracier le Révérend Pasteur Ntumi et ses hommes – pris en flagrant délit de rébellion armée contre les institutions de la République -, et d’autre part, condamner à de lourdes peines d’emprisonnement ferme, Jean Marie Michel Mokoko (déjà condamné), André Okombi Salissa, Norbert Dabira, Jean Martin Mbemba et autres, lesquels n’ont pas concrétisé leurs projets de coups d’Etats, des plans qui, du reste, s’ils sont tous avérés, n’ont été qu’une vue de l’esprit ? En des termes plus clairs, relaxer Ntumi et condamner les autres relèvent, ni plu ni moins, que d’une injustice au regard du principe judiciaire selon « tous les citoyens sont égaux devant la loi ». Toutefois, condamner le Pasteur Ntumi, fut-il pour le gracier ensuite, c’est rendre les relations exécrables au sein même de la Commission Mixte et Paritaire chargée d’appliquer l’Accord du 23 décembre 2017, et prendre le risque de relancer les hostilités dans le département du Pool.
Guy Milex M’BONDZI