Le Colonel Marcel Ntsourou est-il un contestataire politique du régime Sassou ou un officier aigri ?

TRIBUNE LIBRE DE CHRIS ABELA

Tous les congolais savent que le Colonel Marcel Ntsourou n’est pas un leader politique. Alors, d’où est née sa fronde à vilipender Denis Sassou Nguesso qu’il avait aidé à conquérir militairement le pouvoir en déposant le président Pascal Lissouba pourtant élu démocratiquement par les Congolais ?

1- L’incompatibilité du statut de militaire et d’homme politique

En somme, après sa sortie de prison, le Colonel Ntsourou souffle le chaud et le froid. Dans les milieux de ses sympathisants, il est présenté, parfois, comme un officier invincible, parfois comme une victime du pouvoir qui veut le réduire au silence, pour avoir menacé de faire des révélations sur l’affaire des disparus du Beach, alors qu’il fut l’un des accusés au procès de Brazzaville sur cette affaire, et n’avait pas fait des révélations fracassantes.
Mais, lorsqu’on a été pendant des années membre à part entière d’une camorra, toute velléité de repentance n’induira pas que les autres membres du clan vous caressent dans le sens des poils. Bien au contraire.

Officier Supérieur actif de l’armée, le colonel Marcel Ntsourou, n’a pas su canaliser ses pulsions « maniaco-dépressives » qui étaient le résultat du refus de Denis Sassou Nguesso de le nommer au grade de général et sa mise au placard après sa condamnation à 5 ans de travaux forcés avec sursis en multipliant des erreurs professionnelles et personnelles stratégiques.

La rétrogradation du Colonel Marcel Tsourou au grade de « soldat de 2e classe » par Denis Sassou Nguesso au motif de « manquement à l’obligation de réserve dans l’expression écrite et orale, faute contre l’honneur, la probité, ou les devoirs généraux du militaire, faute contre la discipline militaire » n’est que la suite funeste du conflit qui oppose les deux hommes. (1)

Marcel Ntsourou a commis l’impertinence de défier et d’insulter le grand « Kani ». Marcel Ntsourou a-t-il oublié que l’intimité est funeste à toute grandeur ?

Marcel Ntsourou avait déclaré dans les médias en lâchant la phrase suivante: « Sassou n’a jamais rien fait pour ma carrière » a reçu la récompense inattendue d’être rétrogradé « soldat de 2e classe » par décret présidentiel n° 2013-794 du 28 décembre 2013 (1). A présent, il revient au ministre délégué à la défense nationale, le général Charles Richard Mondjo, de signer la note de radiation de l’armée. Finalement Marcel Ntsourou a été radié des effectifs de la force publique, par décision du Chef d’Etat-Major Général (CEMG) n° 0219 du 30 décembre 2013.

Le Colonel Marcel Ntsourou, brillant AET, aurait dû anticiper sa démission de l’armée car il savait personnellement que sa situation dans cette institution militaire était devenue intenable. Le billet d’écrou de 45 jours signé par le ministre délégué à la défense nationale et à la gendarmerie devait servir au colonel comme signal d’alarme. Il ne devait ignorer qu’à l’issue de l’exécution de cette punition, il devait passer au conseil de discipline pour se voir notifier sa radiation de l’armée.

Au regard des évènements meurtriers du 16 décembre 2013, Aimé Emmanuel Yoka, oncle de Sassou Nguesso et ministre de la justice, va jouer de tout son poids auprès des juges afin que Marcel Ntsourou puisse écoper une peine de 20 à 30 ans d’emprisonnement ferme. La peine de mort étant abolie au Congo-Brazzaville, en théorie !

Une autre erreur commise par le Colonel Marcel Ntsourou est d’avoir poussé le culot en vilipendant Sassou Nguesso, chef suprême des armées et certains membres du haut commandement dans les journaux indépendants.

Christophe Boibouvier de RFI l’a, d’ailleurs, présenté, lundi 16 décembre dernier, comme un «opposant déclaré» au régime de Sassou Nguesso. Mais, à ce que l’on sache, le colonel Ntsourou n’est pas un leader politique, mais plutôt, un officier supérieur des F.a.c, condamné par la justice de son pays et qui se retrouve sans fonction. Et en tant qu’officier de la force publique, il est astreint au devoir de réserve et au respect de la hiérarchie.

Le colonel Marcel Ntsourou aurait multiplié des déclarations publiques de sa fronde anti-Sassou, Ce qu’il considère comme une ingratitude intolérable de la part du maître qu’il a servi et à qui il veut à tout prix faire regretter cette attitude. D’où son discours au vitriol contre le président Sassou, à la célébration de son anniversaire, le 3 mars 2012, à la veille des explosions meurtrières de l’ex-camp du régiment blindé de Mpila. L’intéressé, lui-même, tout en accusant, directement, dans des articles incendiaires qu’il signe lui-même, dans la presse, Denis Sassou Nguesso, Jean Dominique Okemba, Jean François Ndenguet, Philippe Obara et autres officiers du clan d’en vouloir à sa vie. Le ministre Aimé Emmanuel Yoka et le procureur de la République, André Oko Ngakala n’étaient pas épargnés.

2- L’aigreur d’un officier supérieur

Après avoir retrouvé la liberté, le comportement du Colonel Marcel Ntsourou était des plus surprenants en omettant volontairement ou par inconscience tout acte de discrétion autours de sa personne et de son domicile. Vouloir s’entourer de jeunes civils armés qu’il entretenait à son domicile situé dans une caserne militaire, n’est-il pas un acte d’aigri dépressif ?

Les faits meurtriers du 16 décembre 2013 sont la manifestation exprimée par le pouvoir clanique d’Oyo d’entériner l’acte de décès ou d’enfermer définitivement le Colonel Marcel Ntsourou, un « aigri » du clan. La plus grande folie de ce pouvoir clanique est d’avoir laissé échapper Marcel Ntsourou, un aigri, de la prison définitive après le procès du 04 mars 2012 en le lâchant dans la société après avoir passé 18 mois à la Maison d’Arrêt de Brazzaville, quand bien même il était devenu plus dangereux. Le ministre de la justice avait reçu la mission de garder Marcel Ntsourou en prison aussi longtemps que ce dernier représentait pour la préservation du pouvoir clanique d’Oyo. Pour préserver à tout prix le pouvoir, Aimé Emmanuel Yoka devait traiter Marcel Ntsourou comme un aliéné. C’est-à-dire, le garder en prison aussi longtemps qu’il se montrerait dangereux pour le pouvoir incarné par Sassou Nguesso, d’autant plus que Marcel Ntsourou avait auparavant accompli les besognes criminels de ce pouvoir (la poudrière de Pointe-Noire, liquidation des opposants après avoir orchestré la chute du pouvoir de Pascal Lissouba, fomenter des coups d’états imaginaires dans le but de liquider ou d’enfermer les opposants…)

L’emprisonnement cellulaire et la condamnation aux travaux forcés à 5 ans avec sursis n’ont fait qu’accroître l’instinct criminel de Marcel Ntsourou. Un criminel de son acabit ne change pas du jour au lendemain.

Denis Sassou Nguesso ayant mis une croix définitive de nommer Marcel Ntsourou au grade de général, ce dernier est devenu aigri et maniaque, en multipliant les sorties dans la presse nationale (privée) et internationale (RFI).

Ce militaire aguerri a oublié les règles militaires élémentaires de renseignements en méprisant les faisceaux d’indices qui pourraient l’accabler.

Il devait quitter sa résidence de fonction située dans une caserne militaire et ayant comme voisin immédiat le CMEG et un général juste en face. L’immeuble en face qui héberge des militaires donnait un angle positif de surveillance. Le quartier dans lequel vivent des ministres, des officiers généraux et supérieurs, ne lui était certes pas favorable.

Il devait choisir de vivre dans un quartier populaire (Moungali, Ouenzé, Talangaï ou Mikalou). Dans ces quartiers, il aurait constitué facilement un bouclier humain auprès des jeunes désœuvrés. La crise aidant.

Lui-même, sa femme et tout son personnel, ses domiciles, ses véhicules, ses communications et certains de ces visiteurs faisaient l’objet d’une surveillance policière permanente (filature, écoute téléphonique…)

La non restitution à son supérieur hiérarchique des armes recueillies pendant l’opération de ramassage.

L’achat des armes aux anciens ninjas et cobras. Pouvait-il faire face à Sassou qui est superbement armé et bien renseigné ?

Le recrutement de miliciens dont il n’avait aucune maîtrise de contrôle car à l’exception de certains ninjas, nombreux étaient des agents de renseignements au service du pouvoir.

Le manque de discernement et de confidentialité du personnel recruté.

Son épouse s’occupait de la logistique, de la ration  et de la remise des finances aux miliciens. Un véritable appel d’air aux jeunes cobras, ninjas et anciens militaires désœuvrés du Congo-Brazzaville.

Militaire brillant et stratège, Marcel Ntsourou s’est embourbé dans la naïveté des délices du pouvoir d’Oyo. Etant n°2 du Conseil National de Sécurité (renseignements spéciaux et généraux), il ne pouvait ignorer que Denis Sassou Nguesso a un mal récurrent qui consiste à éliminer par empoisonnement ou physiquement tous les proches qui osent faire des révélations ou qui connaissent les dossiers sensibles ou les affres commises par le grand « Kani ».

Les illustrations sont légendes: Ange Diawara, Marien Ngouabi, le cardinal Emile Biayenda, Alphonse Massamba-débat, Kibouala-Kaya, le capitaine Barthélémy Kikadidi, Auxence Ikonga, François-Xavier Katali, Pierre Anga, Justin Lékoundzou-Itihi-Ossetoumba, Monsigeur Ernest Kombo, André Milongo, Jean-pierre Thystère Tchicaya, Antoine Ngayot, Roger Massema, Yves Motandot, Blaise Adoua

En promettant de livrer aux juges français les informations qu’il détenait sur l’affaire des « disparus du Beach » de Brazzaville, Marcel Ntsourou avait de ce fait signé son arrêt de mort ou sa descente aux enfers.

L’arrestation du colonel Ntsourou s’est faite dans un bain de sang ayant entraîné plusieurs morts parmi les jeunes dont il s’est servi comme bouclier humain au mépris des procédures de sécurité qui recommandent la reddition par la négociation avec des psychologues, des parents ou des amis. Le spectacle choquant des cadavres jonchant le sol de sa résidence témoigne de sa témérité dépressive.

L’usage disproportionné de la force pour procéder à l’arrestation d’un groupe d’individus civils ou armés est une expression de la barbarie, une fois de plus, du pouvoir d’Oyo. L’assaut militaire à la résidence du Colonel Marcel Ntsourou s’est fait avec l’usage d’un armement lourd, grenades offensives, lance-roquettes, chars et hélicoptères de combat militaire.

L’affaire Ntsourou a mis à nu le déficit ahurissant de communication, disons d’explication du gouvernement de Sassou Nguesso, acculé à une certaine défensive. Dans cette affaire, le gouvernement a donné un goût amer en versant dans une propagande mensongère en usant une technique agressive confinée hélas dans des finasseries langagières de droit et aguicheuses digne des vertus de parangon et de défenseur de la légalité et des droits humains des congolais.

Quelque soit l’issue finale de cette affaire, certes douloureuse, il est certain qu’elle provoquera à court et à long terme une scission tribale, ethnique et régionale entre les tékés et les mbochis. Quoi qu’on dise que la querelle opposait Marcel Ntsourou à Denis Sassou Nguesso et son clan.

L’opinion congolaise a besoin d’être convaincue, tout en espérant que l’affaire Ntsourou soit traitée dans le cadre des lois de la République, autrement dit dans la légalité et la clarté.

Chris ABELA

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