Au moment où l’idée du dialogue circule avec insistance dans les états-majors politiques, les laboratoires du PCT sont déjà à l’œuvre pour offrir un marché de dupes à leurs adversaires politiques au cours de ces assises. Tandis que les opposants, travaillent activement dans les laboratoires maçonniques, pour obtenir du pouvoir de Brazzaville, une Transition politique.
Peu importe qui la dirigera (le Président sortant n’y étant pas exclu) – pourvu que leur soit offert le prestigieux poste de Premier-ministre. Pour leur part, le peuple congolais et la communauté internationale sont dans le qui-vive. Ils n’attendent que de voir Denis Sassou-N’guesso mettre la clé sous le paillasson en 2016 et organiser une élection présidentielle transparente. Sinon… Eclairage.
Nous sommes en pleine compétition de la trentième édition de la CAN, Guinée Equatoriale 2015. Dans le cadre de son ultime match de la poule A, le Congo-Brazzaville joue son va-tout contre le Burkina Faso. Au coup de sifflet final, les Diables-Rouges réussissent brillamment à battre les Etalons du Burkina Faso (2-1) et obtiennent par la même occasion leur ticket des quarts de finale. C’est l’occasion tant attendue par quelques malins du PCT pour dresser des banderoles dans certains points névralgiques de la capitale congolaise, sur lesquelles on pouvait lire : « Le Congo n’est pas le Burkina Faso. La preuve… ».
« Et les chiens se taisaient »
Sur le plan politique, les caciques du pouvoir voulaient ainsi répondre à ceux qui s’opposent au changement de la Constitution en s’appuyant sur la révolution burkinabé des 30 et 31 Octobre 2014. Erreur. Le jour même de la victoire de notre équipe nationale sur le Burkina Faso, des jeunes gens incontrôlés s’en sont pris aux biens publics et privés dans certains quartiers de Brazzaville, en scandant parfois des slogans hostiles au pouvoir, par exemple : « Pas de changement de Constitution, Sassou doit partir en 2016 ». De même, à l’issue du match Congo/RDC, des actes de pillages ont été commis par des jeunes gens qui ont voulu ainsi manifester leur ras-le-bol face à la dépréciation sociale qu’ils subissent quotidiennement. Le Congo-Brazzaville est devenu ainsi pire que le Burkina Faso, pour avoir agi autant, non pas pour un déclic politique comme dans ce dernier pays, mais pour un simple match de football, victoire, défaite et match nul, confondus. Ce qui a donné du grain à moudre au PCT. Comme dans le titre du livre de feu l’écrivain martiniquais, Aimé Césaire : « Et les chiens se taisaient », le PCT est resté bouche cousue, préférant se fendre d’un communiqué au moyen duquel, il n’est pas allé par quatre chemins, pour pointer un doigt accusateur en direction de l’opposition dite radicale, laquelle s’oppose au changement de Constitution. Il l’a fait, en marge d’un meeting, qui n’a convaincu que les naïfs, au rond-point de Mikalou. En clair, le PCT accuse ses adversaires politiques d’avoir instrumentalisé les actes de vandalisme et de pillages, perpétrés par des jeunes gens, à chaque sortie de l’équipe nationale de football.
Rouler dans la farine tous ceux qui s’opposent au changement de la Constitution
De l’avis des observateurs de la scène politique nationale, cet excès de fièvre qui s’est promptement emparé des jeunes, laisse entrevoir les prémices d’une surchauffe au cas où Sassou venait à amorcer un passage en force pour se maintenir au pouvoir, à travers son idée de changement de Constitution. C’est, semble-t-il, ce qui oblige les caciques du PCT, engagés dans le changement de la loi fondamentale, à revoir leurs copies. Selon certaines indiscrétions, Pierre Ngolo, Michel Ngakala, Arlette Soudan Nonault… seraient à pied d’œuvre pour concocter un plan malicieux visant à rouler dans la farine les naïfs politiques de l’opposition qui croient aux vertus du dialogue. Cette idée, en cours d’élaboration, dans les laboratoires du parti au pouvoir, viserait à endormir l’opposition et les autres acteurs politiques, y compris ceux du PCT, opposés au changement de la Constitution du 20 Janvier 2002. La revendication forte, qui rejaillit de façon récurrente dans les états-majors politiques, sauf dans celui du PCT, n’est autre que la remise à plat du système électoral. Il s’agit en clair de procéder à un nouveau recensement administratif spécial, à un nouveau découpage électoral, pour corriger la grossière erreur de la quantification d’un corps électoral plus important au Nord du pays par rapport au Sud, de donner un coup d’accélérateur à la biométrie et de créer une commission électorale véritablement indépendante…
« C’est là que se situe le bon piège »
En bon roublard politique, il semble que le PCT, son président en tête, aient la malicieuse intention, au cours du dialogue qui se profile à l’horizon, d’accéder « imbécilement » à ces revendications. « C’est là que se situe le bon piège » (1), confie, sous couvert d’anonymat, un proche du parti au pouvoir. S’il est évident que les partis de l’opposition et les autres personnalités morales verront en cet accord, une avancée dans le débat ou dans leur lutte politique, force est de reconnaître, d’après certains analystes, que le PCT pourrait en profiter pour jouer sur l’élasticité du calendrier électoral, comme cela a failli être le cas en RDC. En l’espèce, c’est lui qui tient les manettes du pouvoir pour mobiliser les ressources financières et humaines nécessaires à un recensement administratif spécial ainsi qu’à toutes les opérations préélectorales. Et, à un an de la fin du mandat de Denis Sassou-N’guesso, les caciques du parti congolais du travail sont convaincus que le timing ne permettra pas d’organiser un recensement administratif et une présidentielle incontestables. En plus, Sassou et ses compères politiques, engagés dans le changement coûte que coûte de la loi fondamentale, pourraient bien jouer sur la corde en faisant retarder la proclamation des résultats de ce recensement.
D’autres alibis que pourrait faire prévaloir le pouvoir
Au-delà des aléas climatiques, véritables entraves à une meilleure mobilité des hommes à certains endroits de la République dans le cadre dudit recensement, il faut surtout noter des alibis financiers que pourrait évoquer le camp présidentiel pour justifier des retards dans l’applicabilité des décisions prises de communs accords au cours de ce dialogue en perspective. En effet, le pouvoir pourrait faire prévaloir la carte de la baisse des coûts du pétrole sur le marché international, et pourquoi pas, l’engloutissement de plus de 500 milliards dans l’organisation des Jeux Africains à Brazzaville.
Le pouvoir fait miroiter à certains opposants des postes ministériels
De l’avis des analystes politiques, avant même d’aller au dialogue, Sassou a déjà gagné sa bataille face à une opposition lézardée, dépourvue de stratégie politique, désargentée, et dont certains responsables ne rêvent plus qu’à appartenir à un gouvernement d’union nationale dans le cadre d’une future Transition. Ainsi qu’on le constate, il va sans dire que la stratégie du PCT et de Sassou lui-même, est de jouer, à l’issue de ce futur dialogue, à la flexibilité de l’échéance présidentielle de 2016. Ce qui, naturellement, conduira la République vers un système de Transition souhaité par l’actuel locataire du Palais du peuple. Par conséquent, Sassou bénéficierait alors de l’onction d’une classe politique qu’il aurait réussi à rouler dans la farine par l’octroie de postes à certains caciques de l’opposition. Selon des indiscrétions, plusieurs parmi eux auraient été discrètement approchés par les missi dominici de Sassou qui feraient miroiter à chacun d’eux, un poste de ministre ou de ministre d’Etat pendant la Transition. « La meilleure, c’est que, spécule un analyste politique, Sassou pourrait bénéficier d’une Transition de deux ans, le temps de voir partir François Hollande de l’Elysée et Barak Obama de la Maison Blanche ». Qui sont considérés comme les deux bourreaux du Président congolais dans son entêtement au changement de la Constitution. « A propos, le Chef de l’Etat congolais serait-il naïf au point de croire que le départ de ces deux Présidents lui ouvrirait un boulevard qui le conduira droit à un énième mandat ?» s’interroge un politiste congolais. « Qui ne se souvient pas que Chirac a imposé les accords de Marcoussis à Gbagbo et que c’est Sarkozy qui est venu le destituer avant de le faire arrêter et de l’envoyer à la CPI ?» s’est-il à nouveau interrogé.
La Franc-maçonnerie à la rescousse du pouvoir de Brazzaville
Selon un enfant de la veuve qui a requis l’anonymat, certains francs-maçons congolais proches de l’opposition, toutes obédiences confondues, militent également, au nom de la fraternité, pour une Transition dirigée par Sassou.
En termes de retour de l’ascenseur, ce dernier leur offrira un poste de Premier-ministre de Transition. Parmi ceux qui s’activeraient pour occuper ce poste, les noms de Mathias Dzon (Grande Loge Nationale du Congo), Pascal Tsaty Mabiala, Jean Itadi, Guy Romain Kinfoussia (Grand Orient), Christophe Moukouéké, Clément Mouamba, Marion Madzimba Ehouango (Grand Orient) circulent avec insistance dans les milieux maçonniques. Toutefois, Guy Romain Kinfoussia et Mathias Dzon seraient en pole position. Et pour cause, le premier est des plus hauts gradés de la loge. Le deuxième, un grand donateur et pourvoyeur des fonds au moyen desquels s’organisent les tenues maçonniques à Brazzaville.
Pour faire passer cette idée de Transition dirigée concomitamment par Sassou et un Premier-ministre de l’opposition, sorti des entrailles maçonniques, des réunions secrètes se seraient tenues à Brazzaville puis à Paris en compagnie des frères et sœurs trois points français.
Marion Madzimba Ehouango joue sa propre carte
Selon notre source, le récent déplacement dans la capitale française de Marion Madzimba Ehouango, viserait à s’attirer la sympathie de ses frères de lumière pour mettre sous l’éteignoir les prétentions de Mathias Dzon et de Guy Romain Kinfoussia. En termes plus explicites, pour obtenir de la Franc-maçonnerie, qu’elle parraine, au détriment des deux challengers précités, sa candidature de Premier-ministre de Transition. Les informations recueillies dans d’autres milieux maçonniques font état d’une lutte serrée entre ces trois personnes pour accéder à la primature.
Guy Romain Kinfoussia
Sassou et ses frères de lumière de la Grande Loge du Congo accéderont-ils à ces offres ? Rien n’est moins sûr. Il y en a qui voient en Guy Romain Kinfoussia, un homme « irresponsable ». Ces méchantes langues vont jusqu’à le qualifier d’« homme instable sur le plan sentimental qui, en bon militaire de formation, tire sur tout ce qui bouge ». Sous le règne de Pascal Lissouba, « Sassou est loin d’oublier le rôle de père spirituel joué par Kinfoussia auprès de cet ancien Chef d’Etat pour déclencher la guerre du 5 juin », confie une source bien introduite au Palais du peuple. Mais, il n’en demeure pas moins vrai que cet ancien saint-cyrien est doté de capacités intellectuelles pour rivaliser avec Mathias Dzon qui lorgne aussi le poste de Premier-ministre.
Mathias Dzon
En effet, ce dernier, ancien ministre de Finances de Sassou et président fondateur de l’UPRN, bien côté dans les milieux de la finance internationale, reconnu comme ami de l’ancien président français Nicolas Sarkozy, traîne malheureusement l’image de pilleurs de deniers publics au moment où il était en poste. Heureusement, Dzon n’est pas seul dans ce cas : le détournement des deniers publics au Congo-Brazzaville est devenu un bon petit sport national, seuls ceux qui volent moins de cent (100) millions vont à la Maison d’Arrêt. Comme si besoin en était, ses adversaires politiques qui se recrutent dans le camp de la majorité présidentielle, taxent Mathias Dzon de « pied nickelé en politique » fabriqué par Sassou. Et il semble que ce dernier est très loin d’oublier sa « traîtrise ».
Marion Madzimba Ehouango
Quant à Marion Madzimba, certaines langues revêches voient dans son activisme politique de bon aloi, « la marque d’un vindicatif qui voudrait prendre sa revanche sur Okemba Dominique pour une affaire de femme ». Il se dit dans les couloirs du Palais du peuple que Sassou et son neveu Okemba sont loin de lui pardonner son péché d’avoir voulu ressusciter Marien Ngouabi, à travers l’association ¨Marien Ngouabi et Ethique¨. Laquelle association, l’a conduit (lui et Emilienne Lekoundzou) au Palais présidentiel à Luanda, où ils auraient reçu une aide financière considérable pour immortaliser l’œuvre de Ngouabi… Tout au moins, dans les milieux universitaires, Marion Madzimba Ehouango est reconnu comme un homme érudit qui fait ses preuves dans les universités françaises et africaines. Au nom de la Franc-maçonnerie, Sassou-N’guesso, que l’on présente comme « rancunier », passera-t-il en pertes et profits le passé tumultueux qui le lie à ces trois hommes ?
Une Transition politique qui permettrait de mettre toutes les Institutions de la République à plat
De ce fait, la Transition politique malicieusement concoctée par le pouvoir et l’opposition, occasionnera, du point de vue du droit constitutionnel, un vide juridique et la mise à plat de toutes les institutions de la République. Ce qui, inéluctablement, conduira au partage du pouvoir entre la majorité et certains leaders de l’opposition et, surtout, à l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui épousera les désidérata de son principal artisan, Denis Sassou-N’guesso. Certaines sources font d’ailleurs état du fait que ladite Constitution serait précieusement gardée dans un tiroir du Palais du peuple et n’attendrait que son exhumation. Tout compte fait, la machine infernale du boulanger politique qu’est Sassou est à l’œuvre.
Ils seront tous « nguirités » tout en étant en déphasage avec les aspirations réelles des populations
En plus, il n’est pas impossible que des nguiris (sacs d’argent) viennent à la rescousse pour résoudre tant soit peu les problèmes d’intendance de certains hommes politiques congolais qui n’attendent que cette occasion. Le comble en l’affaire est que tous ces calculs de politique politicienne pourraient bien s’avérer faux, d’autant qu’il existe à présent un décalage énorme, voire même une déconnexion, entre les acteurs politiques congolais (pouvoir/opposition), leurs intérêts n’étant pas en reste, et les aspirations réelles de la population : l’alternance démocratique, l’accès à un emploi décent, l’accès aux services sociaux, l’accès à une gouvernance potable… Au Burkina Faso, au Sénégal par exemple, c’est la société civile et la jeunesse qui ont pris de court la classe politique de ces deux pays. Toute proportion gardée, il faut éviter que toutes ces combines politiques d’acteurs du troisième âge soient sans influence aucune sur une jeunesse désemparée, une jeunesse qui vit au rythme des réseaux sociaux et de l’évolution du monde, d’autant qu’elle vit dans la misère dans un pays trés riche. Les actes de vandalisme qu’elle a perpétrés récemment, à chaque sortie de notre équipe nationale, ne sont-ils pas le reflet de cette frustration plutôt que le fait d’une soi-disant main noire politique que le PCT cherche aveuglement et stérilement ?
Le Congo sera pire que le Burkina Faso
Au demeurant, ces propos lumineux d’un fin observateur du landernau politique africain sur les ondes de RFI méritent de la considération et devraient inspirer de la prudence aux hommes politiques (majorité/opposition) : « Au Burkina Faso, la révision de la Constitution a été légale, puisque autorisée par la Constitution, mais illégitime, parce que rejetée par le peuple. Au Congo, le changement est non seulement illégal, puisque non prévu par la Constitution, mais aussi illégitime, parce que rejeté par le peuple ». La complexité du cas congolais par rapport à la condition burkinabée est la preuve irréfutable que le changement de Constitution ou tout autre manœuvre visant à gagner du temps et à maintenir le Président Sassou aux affaires, question de mieux rebondir sous une autre forme, augure des lendemains plus ou moins incertains au Congo-Brazzaville qu’au Burkina Faso. D’autant que dans ce dernier pays, à part quelques moments de relâchement, notamment les 30 et 31 Octobre 2014, lors de la destitution de Blaise Compaoré, les opposants avaient la maîtrise de la situation et le contrôle des populations, auxquelles ils pouvaient donner des injonctions et adresser des appels au calme. Ce qui n’est malheureusement pas le cas au Congo-Brazzaville où l’opposition n’a pas le contrôle de la population, où elle a perdu le contact réel avec sa base. En République du Congo, la population ne fait plus confiance aux hommes politiques qu’elle traite de « menteurs et de corrompus ». Elle a appris, à travers les médias et les réseaux sociaux, auprès d’autres peuples d’Afrique, qu’elle peut elle-même venir à bout d’une dictature. Par conséquent, on trouve au sein du peuple congolais aujourd’hui des gens qui veulent du départ du Président Sassou parce qu’ils se battent réellement pour un idéal politique. Parmi eux, d’une part, ceux qui attendent que le peuple leur donne le pouvoir sur un plateau, d’autre part, ceux qui se préparent par tous les moyens, y compris les moyens non recommandés, à arracher le pouvoir des mains des dirigeants actuels. D’autres par contre, désirent la destitution du Président Sassou par enthousiasme. Parce qu’ils veulent, comme qui dirait, vivre le printemps arabe chez eux. Ceux qui n’ont jamais tenu les armes rêvent de les prendre. A leurs côtés, nombreux souhaitent le désastre pour des intérêts matériels et égoïstes, précisément, pour le pillage et les règlements de comptes. Galvanisés par les uns et les autres, plusieurs citoyens pourraient, le moment venu, être entraînés et chasser Sassou, naïvement. Là où le bât blesse c’est que tous ces gens constituent aujourd’hui la majorité de la population congolaise. Ceci étant dit, la classe politique, dans son entièreté (majorité/opposition), risque d’être confondue et surprise, si, elle n’a pas définitivement compris cette réalité. Toute initiative visant donc le maintien du Président Sassou aux affaires, prise par la majorité, même de façon concertée avec l’opposition, ne passera pas dans l’opinion nationale et ne fera que renforcer les ambitions de chaque camp mentionné. Et pourtant, l’annonce officielle, par le Chef de l’Etat, du respect stricto sensu de la Constitution du 20 Janvier 2002, sa déclaration claire qu’il ne briguera pas un troisième mandat, sont les seules décisions à même d’éclaircir le ciel politique du pays et de tourner en dérision les prétentions de tous ces gens qui ne jurent que par la guerre. Mais, il faut le faire !
Guy Milex Mbondzi
(1) – SASSOU NGUESSO PRIS DANS SON PROPRE PIÈGE