Le Congo-Brazzaville : signera ou ne signera pas avec le FMI ?

Sassou-Nguesso et Christine Lagarde

Par Guy Milex M’BONDZI.

Près de (4) mois se sont écoulés depuis que Clément Mouamba, Premier ministre de la République du Congo, a annoncé devant le Parlement, la signature d’une lettre d’intention avec le Fonds Monétaire International (FMI). Depuis, tous les détails de la convention n’ont toujours pas été parachevés. La récente mission de travail de la délégation du FMI, sous la houlette d’Alex Segura-Ubiergo, qui s’est tenue du 06 au 14 novembre 2018 à Brazzaville, a débouché sur des conclusions dont voici à peu près la substance : « le FMI a noté des avancées du côté de la partie congolaise, notamment dans le secteur pétrolier. Il exhorte le Congo à poursuivre sa maîtrise du secteur hors pétrole ainsi que les négociations avec ses créanciers extérieurs ».

En effet, en dépit des nombreuses descentes des représentants du Fonds Monétaire International à Brazzaville, l’État congolais n’a toujours pas fini les négociations avec la Chine et les Traders pour assouplir sa dette extérieure. En conséquence, la signature d’un accord avec l’institution de Bretton Woods n’est pas pour demain, d’autant plus que le dossier du Congo n’a pas encore été validé par le Conseil d’Administration du FMI, étape préliminaire avant la signature dudit accord.

Il n’est un secret pour personne que lors du dernier sommet des Chefs d’État de la CEMAC, le Congo-Brazzaville et la Guinée Équatoriale ont été pointés du doigt comme des pays qui tirent la Sous-région vers le bas et l’exposent à une énième dévaluation du FCFA. À ce propos, les mises en garde ont été claires et insistantes, Brazzaville et Malabo doivent se hâter de conclure avec le Fonds Monétaire International si l’on veut économiquement sauver la Sous-région. En ce qui le concerne, non seulement le Congo-Brazzaville continue à montrer peu d’enthousiasme dans la traque des dilapidateurs de fonds publics, mais aussi dans l’assainissement des régies financières, comme l’a indiqué la lettre du continent n°787 du 31 octobre 2018.

Le rapatriement au Congo des fonds volés et placés dans les paradis fiscaux – souhait de certains élus du peuple parmi lesquels le député Cyr Ebina – se fait toujours attendre, alors qu’une telle initiative aurait pu apporter une bouffée d’oxygène aux finances publiques. S’agissant de la lutte contre la corruption, une nouvelle institution, impartiale et neutre, détachée de l’Exécutif, serait déjà dans les tuyaux, tel qu’annoncé dans le compte rendu d’un récent conseil des ministres. La déclaration du patrimoine une fois nommé à de hautes fonctions, quant à elle, a fait l’objet d’une loi qui vient d’être promulguée. Le problème de cette loi c’est que, cette déclaration est prévue trois (3) mois après la nomination à des fonctions d’État. Et comme la loi n’a pas d’effet rétroactif, elle ne concerne que les nouveaux « nominés », c’est-à-dire, ceux qui le seront à compter de la date de promulgation de cette loi. Or, nous savons fort pertinemment que ce sont plutôt certains anciens nominés qui ont plongé le pays dans le chaos et c’est eux qui, en principe, devaient commencer par répondre de leur gestion chaotique de la chose publique avant quiconque. Hélas !

Maintes fois annoncé et reporté jusqu’à nouvel ordre, le gouvernement dit « de resserrement », qui devra comporter moins de ministres et cumuler plusieurs ministères en un seul, se fait toujours attendre, alors qu’un remaniement ministériel aurait pu donner, au FMI, un exemple et un signal fort pour ce qui est de la réduction du train de vie de l’État.

Sur la pacification du Congo et la fin des hostilités dans le Pool

S’agissant de la pacification du département du Pool qui – rappelons-le – était l’une des exigences du FMI, il convient de dire que le gouvernement et les émissaires du Pasteur Ntumi sont largement avancés ; les mandats d’arrêt lancés contre trois ténors de la rébellion, y compris le chef rebelle, ont été levés. Plus de 80 hommes et femmes acquis à la cause du Pasteur Ntumi ont été libérés de la Maison d’Arrêt par le gouvernement. Parallèlement, près de 8.000 armes (Kalachnikovs, fusils de chasse, FM, lance-roquettes et autres explosifs) ont été ramassées dans le Pool, alors qu’au lancement officiel de l’opération de ramassage d’armes dans ce département, les autorités brazzavilloises tablaient plutôt sur 3.000 armes. C’est dire que la Commission ad hoc mixte et paritaire chargée de l’application de l’accord de paix dans le Pool n’y est pas allée de main morte. Aux dernières nouvelles, le trafic ferroviaire, reliant Pointe-Noire à Brazzaville, reprendra d’ici peu et confortera la thèse selon laquelle, le Président Denis Sassou-N’guesso et le Pasteur Ntumi ont définitivement fumé le calumet de la paix.

Que dire sur la décrispation du climat politique, particulièrement sur la libération des prisonniers politiques ?

Ce que le FMI a omit de dire c’est que, bien qu’il reste encore beaucoup à faire, les autorités congolaises ont également progressé dans la décrispation du climat politique dans le pays. À ce jour, la majorité des prisonniers politiques détenus à la Maison d’Arrêt de Brazzaville a été libérée. Nous citons par exemple les cas de Paulin Makaya, Libongo Ngoka, Jacques Bananganzala, Jean Ngouabi… C’est une avancée considérable, même si certaines forces de l’opposition congolaise attendent toujours la libération de deux autres opposants au régime, et pas des moindres : Jean Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa. Si pour le premier, le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, dans son rapport du 9 novembre 2018, vient de recommander la relaxe pure et simple, il n’en demeure pas moins vrai que les autorités brazzavilloises continuent à parler de lui, non pas comme un prisonnier politique, mais de droit commun qui purge sa peine de vingt (20) ans pour atteinte à la sureté d’État. André Okombi Salissa, également candidat malheureux à la présidentielle de 2016, n’a jamais été, pour sa part, jugé ni condamné. Il est toujours détenu dans les locaux de la DGST à Brazzaville depuis le 10 janvier 2017, et comparait de temps à autre devant un juge d’Instruction du TGI de la même ville.

Pourquoi la crise persiste-t-elle malgré la hausse du prix du baril de pétrole ?

Le prix du baril de pétrole a récemment été revu à la hausse (79,29 dollars le baril) – avant de chuter à 60,19 dollars le baril ce lundi 26 novembre 2018 -, tandis que la fin de la crise a été, théoriquement, décrétée, au courant du mois de mai 2018. Mais qu’est-ce qui fait que malgré la remontée peu à peu du prix du baril de pétrole, la crise persiste et le Congo ne fait que s’enfoncer ? 79,29 dollars le baril, ou récemment 60,19 dollars le baril, ce n’est pas rien ! Il sied de rappeler que dans les années 85, au sortir du plan quinquennal, le Congo fut également frappé par une crise économique très aigüe et que le prix du baril de pétrole était descendu jusqu’à 9 dollars. De 2014 à début 2018 (période déclarée de la crise due à la chute des cours du pétrole sur le marché mondial), le prix du baril de pétrole n’a pas atteint le même niveau qu’en 1985.

Comment a-t-on fait, lors de cette crise antérieure des années 85, pour continuer à assumer les charges de l’État, et pourquoi de nos jours on en est pas capable ? Faut-il rappeler qu’au moment où nous mettons sous presse, l’Université Marien Ngouabi est en grève faute de paiement, qu’il en va de même pour les pensions des retraités, que certains ministères et la présidence de la république accusent plus de neuf (9) mois d’arriérés de salaires tandis que les primes et autres traitements des cadres ont carrément été coupés ?

Selon des informations recoupées, la remontée du prix du baril de pétrole n’a pas, pour le moment, d’incidence sur les finances publiques au Congo à cause des échéanciers à honorer, relatives à la dette contractée au moyen des préfinancements obtenus auprès de certaines sociétés pétrolières. En des termes plus explicites, une bonne partie du pétrole a déjà été gagée et la République du Congo ne dispose pas librement de la vente de ses cargaisons pétrolières, qui sont essentiellement affectées à ses nombreux créanciers (Lukoil, Glencore, Trafigura, Sinopec…). Au demeurant, l’embellie financière que le Congo a connue de 2003 à 2012, au point de dégager chaque année des excédents budgétaires, au total 14.000 milliards, aurait pu lui permettre de se constituer des réserves de cash pour parer au plus pressé en cas de besoin.

Mais au lieu de tout cela, on a plutôt assisté à des détournements et à l’enrichissement personnel et illicite de certaines autorités, lesquelles sont devenues milliardaires en un tournemain. À cela, il faut ajouter que dans différents pays du monde, lesdites autorités congolaises sont citées dans des scandales économiques, dans des affaires de biens mal acquis et d’ouverture de comptes bancaires dans les paradis fiscaux. A en croire les fins limiers économistes, si la dette extérieure du Congo-Brazzaville s’est retrouvée quasiment à 5329 milliards de FCFA, soit 110% du produit intérieur brut (PIB) selon le FMI, c’est parce qu’il y a eu un désordre dans la manière de s’endetter. Cette charge ne revenait plus seulement au ministère des Finances (via la CCA et ses autres structures), habilité à le faire, mais aussi aux Grands Travaux et à la SNPC. Lesquels, s’endettaient au mépris des règles élémentaires en matière économique et sans parfois se référer au ministère susmentionné.

La dette due à la Chine serait entre autres liée à des affaires top secret

Que peuvent faire, dans ces conditions-là, la France et les États-Unis pour appuyer le dossier du Congo au FMI, d’autant que ces deux pays sont conscients du fait que, nonobstant la crise économique due à la chute des cours du pétrole sur le marché mondial, les autorités congolaises sont, en partie, responsables de ce qui arrive à leur pays et avancent à pas d’escargot pour initier les réformes souhaitées par l’Institution financière internationale ? Qui plus est, à l’époque, Washington et Paris s’étaient décarcassées pour que le Congo accède à l’initiative PPTE à travers laquelle sa dette extérieure fut entièrement effacée. En 2009, lors de la visite officielle de Nicholas Sarkozy, ancien Président de la République française, au Congo-Brazzaville, celui-ci avait déclaré devant le Parlement ce qui suit : « J’ai bien l’intention de poser lors du G20 la question de la dette africaine pour peu, mes chers amis, que vous acceptiez la cohérence qui voudrait que si certains pays parmi les plus riches du monde remettent votre dette ou l’annulent, il ne faut pas alors que vous vous rendettiez avec d’autres dans des conditions moins bonnes… ». Mais force est de constater que quelques années seulement après l’annulation de la dette extérieure, soit huit (8) ans après, le Congo-Brazzaville s’est retrouvé plus endetté ; et ce, non pas avec la France et les États-Unis, qui semblent avoir été remerciés en monnaie de singe, mais avec la Chine. Laquelle, si on excepte le secteur du pétrole où la filiale française Totale est en pole position, rafle l’essentiel des marchés publics au Congo-Brazzaville via la Délégation des Grands Travaux.

Selon certaines indiscrétions, le problème de l’insoutenabilité de la dette due à la Chine – 1776 milliards de FCFA soit 34,15% du montant global de la dette extérieure –, dont le FMI souhaite absolument que le Congo éclaircisse les contours, est dans certains cas lié à des affaires top secret. À titre d’exemple, cette dette serait, entre autres, liée à des contrats d’achats d’armes, bombes lacrymogènes et autres au bénéfice de Brazzaville ; des contrats signés avec les militaires chinois de Norenco, auxquels, le Congo, en échange, n’a pas fini de livrer des cargaisons de pétrole. « S’intéresser à toutes ces affaires, c’est comme qui dirait faire atteinte à la souveraineté même du Congo-Brazzaville qui, en plus, a le droit de continuer à se réarmer », raconte un membre du Haut commandement militaire avec lequel nous nous sommes entretenu. « Que le FMI nous dise, par rapport à nos revenus et notre dette intérieure et extérieure – sans entrer dans les détails inutiles -, combien va-t-il nous prêter, et ensemble nous regarderons dans l’espace de combien de temps nous allons rembourser ce gage. Est-ce difficile à comprendre » ? Confie, d’un air embarrassé, une source très proche du dossier, et non des moindres.

Le Congo-Brazzaville signera avec le FMI ou ne signera pas ? Cette question, tous les Congolais se la posent tout en espérant une plus grande volonté politique et économique de la part des autorités congolaises. Lesquelles, selon toute vraisemblance, ont du mal à appliquer entièrement les recommandations du FMI alors que Christine Lagarde, patronne du Fonds Monétaire International, et Bruno Le Maire, de leur côté, en été très clairs à ce sujet : « Il faut une transparence totale du côté de Brazzaville avant d’espérer signer un accord d’ajustement structurel avec le FMI. »

La signature avec le FMI est quelque peu un cadeau empoisonné sollicité auprès de la communauté internationale

Selon certains analystes, si la transparence totale, la prise des mesures d’austérité, le nettoyage des écuries d’Augias et la traque des dilapidateurs de fonds publics, donneront des gages sûrs au FMI pour pouvoir rapidement boucler le dossier du Congo, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils seront très mal accueillis dans les états-majors politiques de la majorité présidentielle. Il n’est pas exclu que toutes ces réformes soient à la base des dissensions au sein du pouvoir, ce qui n’est pas prudent en ces temps d’assèchement financier où les membres de la majorité présidentielle devraient resserrer leurs rangs. Qui n’a pas constaté la division au sein de la classe politique au pouvoir, occasionnée par les poursuites judiciaires lancées contre les ministres Jean Marc Thystère Tchicaya, Rigobert Maboundou et Rosalie Matondo pour de présumés détournements de fonds dans leurs ministères respectifs ? Dans ces dernières affaires par exemple, si quelques proches collaborateurs ont été interpellés, incarcérés et pour certains relaxés, il n’est pas moins vrai que lesdits ministres eux-mêmes restent intouchables.

La lettre du continent précitée a fait allusion à la même situation en ces termes : « L’organisation (le FMI) pousse à une meilleure efficacité de ces structures, mais bute sur leur caractère stratégique pour le régime ». Relever donc de leurs fonctions certains cadres de la République (décision salutaire pour le pays), équivaudrait, malheureusement, à créer une grande fissure au sein du système ayant en mains les manettes du Congo. D’un autre point de vue, il n’est pas sûr que les populations, en ce qui les concerne, supportent également de serrer la ceinture si des mesures draconiennes sont adoptées dans le pays en vue de faciliter la signature avec le FMI. Imaginez tant soit peu la réaction que pourrait susciter, au Congo-Brazzaville, la réduction des salaires des fonctionnaires et, surtout, ceux des militaires et policiers en cette période où ceux-ci ont déjà du mal à joindre les deux bouts du mois et où le paiement des salaires accuse très souvent un certain retard ? Déjà, le nouveau décret présidentiel sur l’avancement ou non aux grades, décret qui concerne les militaires, fait grincer des dents au sein de l’Armée. Tout bien considéré, les réformes imposées par le FMI sont toujours impopulaires dans les pays où elles sont faites et il ne faut pas se leurrer à ce sujet. Selon des informations recueillies à bonne source, si l’on ajoute à ce climat malsain dû à la crise économique, la libération des prisonniers politiques tels que le général Jean Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa – comme le préconisent certains avant la signature d’un quelconque accord avec le FMI-, Brazzaville s’exposera au pire.

En effet, il n’est pas impossible que ces deux-là, une fois libres, en compagnie d’autres membres de l’opposition, capitalisent la dépréciation sociale qui naîtra de la prise des mesures d’austérité, pour solder définitivement le compte du pouvoir de Brazzaville. En tout état de cause, la signature avec le FMI, en respectant stricto sensu ses exigences, s’apparente à un cadeau quelque peu empoisonné sollicité auprès de la communauté internationale. Sauver le pays de la banqueroute ou fragiliser le pouvoir en respectant à la lettre les exigences du FMI, tel est le dilemme face auquel les autorités du Congo-Brazzaville se trouvent. Selon un sécurocrate du pouvoir que nous avons pris la précaution d’interroger : « L’accord avec le FMI est le meilleur choix pour les autorités congolaises. Faire pourrir la situation sera contreproductif pour le Congo. Mais il faudra à tout prix prendre des mesures sur le plan sécuritaire pour parer à toute éventualité. Par exemple, rééquiper la police en la dotant d’un nouveau et conséquent matériel anti-émeutes. Il faut, en quelque sorte, se préparer à un autre passage en force comme ce fut le cas pour le changement de la Constitution, période au cours de laquelle le Président s’était fait beaucoup d’ennemis, y compris dans son propre camp, mais au finish, a fini par surmonter les difficultés ». Une fiche aurait été faite dans ce sens et acheminée à qui de droit.

Un bon usage des fonds qui seront versés par le FMI est nécessaire

« A l’allure où vont les choses, si le Congo-Brazzaville ne signe pas avec le FMI, il arrivera un moment où ses propres populations, auront du mal à s’acheter ne serait-ce qu’un bout de pain », explique un économiste congolais que nous avons rencontré. Qu’à cela ne tienne, nous osons croire que la crise que traverse actuellement le Congo servira de leçon aux autorités de ce pays, et que, cette fois-ci, elles feront bon usage des fonds qu’elles recevront du Fonds Monétaire International. A ce propos, tout le monde s’accorde à dire : « Si les fonds tant attendus ne devront servir qu’au paiement de la dette, des salaires ou à l’achèvement des chantiers amorcés à travers le pays, à quoi bon s’endetter auprès de cette institution de Bretton Woods, puisqu’ à court terme, les caisses de l’État redeviendront à nouveau vides. Et le Congo se retrouvera dans la même situation que celle d’aujourd’hui, voire pire. La meilleure façon d’agir serait de se servir desdits fonds pour financer le Programme National de Développement (PND) ou la création d’usines et autres unités de production afin de propulser une dynamique de prospérité dans le pays.»

À dire vrai, si les activités pétrolières pouvaient redevenir fructueuses comme auparavant, les autorités du Congo éviteraient d’ingurgiter la pilule amère du FMI et de subir un traitement aussi humiliant. « Le FMI est trop exigent et commence à en faire un peu trop », pense-t-on dans les Hautes Sphères du pouvoir. Quoi qu’il en soit, pour un pays, s’endetter est toujours une mauvaise chose. Le secteur pétrolier congolais, bien que ne nourrissant plus l’Etat comme par le passé, promet des lendemains meilleurs. Les experts de ce domaine fixent la production actuelle du pétrole congolais à 350.000 barils par jour. Ceci, grâce, en grande partie, aux bonnes performances des gisements Moho-Nord de Total, mais aussi à l’augmentation de la production des nouveaux gisements découverts par ENI, notamment Nene-Banga Marine et Litchendjili. Nene-Banga Marine seul devrait atteindre une production de 140.000 barils par jour. Si l’on ajoute à cela l’optimisation des vieux champs pétroliers tels que Zatchi, Loango, Yanga-Sendji, Tchibouela et le développement de Mengo-Kundji-Bindi (MKB), le Congo devrait atteindre une production de 500.000 barils par jour d’ici 2020. Les autres grosses découvertes de ENI, qui incluent les gisements Minsala et Nkala Marine, devraient ajouter en moyenne 200.000 barils par jour d’ici à 2025. Somme toute, les experts du secteur pétrolier tablent sur une production globale, d’ici à 2020, de 600 à 700.000 barils de pétrole par jour au Congo-Brazzaville, soit trois (3) fois la production actuelle. « Pourquoi, avec toutes ces prévisions rassurantes, le FMI ne nous fait-il pas confiance et continue à traîner les pieds pour signer son accord avec le Congo », explique doctement et tout sourire un expert du secteur pétrolier.

À quand la signature avec le FMI ?

Que l’on ne s’y méprenne pas, le processus de négociation avec le FMI, de la signature au renflouement des caisses de l’État congolais, demande beaucoup de patience. Nous avons encore en mémoire que pour atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE, le Congo-Brazzaville a quasiment attendu onze (11) ans. Les négociations débutèrent en 1999 à l’époque où Mathias Dzon était ministre des Finances, le point de décision fut atteint en 2007 sous Rigobert Andely, et le point d’achèvement en janvier 2010 sous Gilbert Ondongo. Loin de nous la prétention selon laquelle les négociations actuelles prendront également tout ce temps. Mais en toute logique, donner l’impression aux citoyens congolais que l’on peut boucler ce dossier en un peu de temps, ou par un coup de baguette magique, est irresponsable.

Une diversification de l’économie s’impose au Congo-Brazzaville

À long terme, seule la diversification de l’économie nationale évitera une galère plus grave au pays. Mais faudrait-il encore que les autorités congolaises améliorent le climat des affaires qui accuse un très grand retard au Congo-Brazzaville. À preuve, le dernier rapport Doing Business, du 31 octobre 2018, classe ce pays à la 180e place, derrière le Kenya (61e), le Rwanda (29e) et l’Ile Maurice (20e) pour ne citer que ceux-là. Le secteur pétrolier, qui finance actuellement le budget de l’État congolais à 80%, ne pourra plus le faire à la même hauteur à partir de 2030. Il faut donc déjà commencer à penser à l’après-pétrole, d’où la nécessité de diversifier l’économie et d’assainir le climat des affaires. Pour l’an prochain par exemple, selon le trader Vitol, cité par l’agence Reuters, les projections sur le prix du baril de Brent sont pessimistes et tablent sur une fourchette plutôt de 70 à 65 dollars le baril voir plus bas. De plus, à moyen et long terme le prix du baril de pétrole sera négativement affecté par l’entrée en scène de la voiture électrique. Actuellement, les voitures à essence constituent environ 35% de la demande mondiale de pétrole.

Or, la demande de voitures électriques, qui représente pour le moment 1% du marché mondial, atteindra les 30% d’ici 2040. Plusieurs pays ont annoncé le retrait de la circulation des voitures à essence, dont la Chine en 2025, la France en 2040, l’Inde en 2030, l’Allemagne et l’Angleterre en 2040. Ce sera donc un très grand manque à gagner pour les pays producteurs de pétrole et, surtout, ceux dont les budgets sont essentiellement financés par cette matière première. Voilà pourquoi bon nombre desdits pays commencent à planifier en douceur l’après-pétrole et tiennent à diversifier leurs économies. C’est à ce titre que l’Arabie Saoudite, avec son fonds souverain, est devenue le plus gros investisseur dans les nouvelles technologies et détient de grandes parts dans TESLA et LUCID, deux fabricants de voitures électriques.

Comment le Congo-Brazzaville entend-il, de son côté, relever ces nouveaux défis qui s’imposent à l’humanité, quand déjà, en ce qui concerne le dossier brûlant d’aujourd’hui, celui de la signature avec le FMI, il semble tergiverser, nonchalant, quand bien même la survie de la Nation tout entière, y compris celle de la Sous-région, en dépend ?

Guy Milex M’BONDZI