Le Congo vaut bien une messe.

Nul intérêt de personnaliser le débat politique dans notre pays. Cela doit être l’affaire de tous congolais et toutes congolaises. Ainsi, il est temps de revoir nos positions figées, inconciliables, pour penser à l’intérêt général. Huit (8) mois après le hold-up électoral, les lignes n’ont pas bougé. Le peuple congolais a trop souffert et personne ne peut s’en réjouir. L’heure de la négociation politique a sonné au Congo-Brazzaville.

La guerre que livre le gouvernement congolais ne peut se résumer en une lutte fratricide entre Sassou, Ntumi et Okombi Salissa, hier alliés politiques. Ce pouvoir à l’agonie vient encore de s’illustrer de manière déplorable par la découverte d’armes au domicile de l’épouse d’Okombi Salissa afin de l’inculper de détention illégale d’armes de guerre et tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. La ficelle est un peu grosse et cela nous rappelle l’histoire scabreuse de l’inculpation du Général Jean-Marie Michel Mokoko. Décidément, ils sont à bout de souffle, car ils n’arrivent même plus à magouiller. Les gesticulations du Procureur de la république de Brazzaville sont grotesques.

Aujourd’hui, nous sommes tous meurtris par ce qui se passe dans notre pays. La genèse de tous ce charivari réside dans le fait qu’un seul homme par le fait du prince ait décidé de se maintenir au pouvoir à travers des arguties juridiques. La suite est le chaos dans lequel il a plongé le pays sans s’en soucier. La solution à ce problème épineux devrait être trouvée collectivement avec tous les acteurs politiques, la société civile, les ONG et la communauté internationale dans son rôle d’arbitre et de suivi des conclusions du dialogue inclusif.

Les rôles de Sassou en shérif, le Pasteur Ntumi et Okombi Salissa en bandits, ne sont qu’une manœuvre pour certains ou une diversion pour d’autres afin de nous éloigner d’une plaie béante qu’aucun soignant ne veut prendre en charge. Dans cette histoire, le Pasteur Ntumi et Okombi Salissa ne sont que des boucs émissaires que l’on veut exhiber afin de mieux dissimuler les véritables raisons de la crise au Congo notamment la violation de la constitution du 20 janvier 2002, le hold-up de l’élection présidentielle anticipée du 20 mars 2016 et la malgouvernance qui a conduit à l’effondrement de notre économie suite à la chute du prix du baril de pétrole.

La résolution de tous nos problèmes avec le conflit du Pool ne se fera qu’au travers d’un dialogue inclusif rassemblant tous les Congolais au-delà de nos divergences politiques. Mais, Sassou tel un papy fait de la résistance. Un tyran trouvera toujours un prétexte pour justifier sa tyrannie. La guerre dans le Pool résulte de la seule volonté d’un régime finissant de se maintenir coûte que coûte aux affaires. L’analyse politique responsable invite aujourd’hui les uns et les autres à privilégier l’intérêt général afin de soulager les souffrances du peuple congolais. La gestion calamiteuse, tribaliste, clanique, affairiste, sans vision de la chose publique doit cesser dans un pays comme le nôtre qui regorge de nombreux talents. Nul besoin dans une république d’être mbochi, ressortissant d’Oyo, franc-maçon, adhérent du PCT, de la famille régnante ou courtisan pour espérer accéder aux postes de responsabilités.

Le spectacle que livre Sassou, dont on aurait pu penser qu’il a acquis une certaine maturité politique, est indigne d’un homme qui a passé plus de 32 ans à la magistrature suprême, tant il est vrai que l’on ne peut pas faire d’un âne un cheval de course. Ce monsieur est ancré dans ses certitudes et son schéma de pensée ne change jamais. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir ses compagnons de lutte grabataires qui servent toujours, encore et même dans sa nouvelle république. Dans ces conditions, comment ne pas s’étonner que le statu quo permanent devienne la norme de la politique congolaise. La trahison, la corruption, le népotisme, le vol, le clientélisme et tous ces mauvais maux qui nous minent, constituent le socle de la politique congolaise d’aujourd’hui. Il faut que le paradigme de la politique change au Congo et il y a lieu de nettoyer les écuries d’Augias.

La résolution de la crise congolaise plus profonde car anté-électorale ne saurait être l’œuvre de quelques individus qui se livrent à des conférences de presse par médias interposés. Les Congolais que nous sommes, devrions nous réapproprier notre destin au risque d’être conduits dans l’abîme par ceux qui sont aveuglés par une rhétorique guerrière.

La paix des braves doit passer par : – L’arrêt immédiat des hostilités dans le Pool ; – Le retrait de la milice de Sassou de ce département ; – La libération de tous les prisonniers politiques ; – L’arrêt de la traque des militants et leaders politiques de l’opposition ;

– La convocation immédiate du dialogue inclusif afin de solutionner au mieux les problèmes de notre pays.

Sassou qui ne parle jamais de son bilan tant il est ténu au regard de l’immense fortune dilapidée, a échoué. Il devra partir pour redonner une chance au Congo de repartir de l’avant. Les jeux de cirque et le pain ne suffisent plus au peuple car la démocratie ne s’accommode pas de la pauvreté ni de la précarité. Le sang et les larmes, l’alpha et l’oméga de cette politique de la terreur, nuit gravement à l’éclosion d’un processus démocratique. Dans un pays qui renferme autant de franc-maçons au km², il est triste de constater que les valeurs qui fondent une nation les ont quittées, à savoir l’humanisme, l’égalité, la tolérance, la liberté, le pardon, l’écoute, la fraternité et la compréhension des autres.

En tant que Congolais, Sassou est un adversaire politique quelque soit sa moralité. En cela, le dialogue pour son départ n’est pas un sujet tabou. Quoi qu’il fasse, qu’il dise, il est le nœud gordien de nos problèmes qu’il conviendrait de trancher. Sassou est à l’origine du problème congolais, il est le problème, donc il ne peut plus faire partie de la solution, incapable qu’il a été de se hisser au dessus de la mêlée lorsque les événements l’exigeaient. Qu’il sache que dans notre société, il n’existe aucun homme providentiel. Sassou doit partir pour mettre un terme au bain de sang dans le pays. Il laissera ainsi les vrais démocrates impliqués dans l’avenir et le bien être des congolais, avancés sur une voie consensuelle de résolution de crise avec le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique comme points non négociables.

J’exhorte tous les Congolais à ne pas se laisser intimider par la politique du coup de menton, les soubresauts de ce gouvernement de fait en fin de règne. La hauteur de vue nous commande de discuter avec nos bourreaux pour que le Congo sorte de cette chienlit dans laquelle ils nous maintiennent. Allons seulement pour en finir une fois pour toute avec cette mascarade. Le peuple congolais vaut mieux que les exactions macabres suivies en riposte de dégradations des ouvrages et édifices publics. Tout ceci a un prix que l’on paiera tôt ou tard. En agissant ainsi, Sassou veut garder l’initiative pour nous imposer sa volonté d’un pouvoir hégémonique. Ce n’est pas la vision de la république “ res publica : chose publique ” telle que nous la concevons.

Il faut en finir avec les lamentations, les jérémiades car la situation est grave et s’enlise. La guerre nécessite des moyens colossaux et cette dernière n’est là que pour nous appauvrir de plus belle au profit des seigneurs de guerre. Notre société se délite.

Comme il a voulu ethniciser l’élection présidentielle, Sassou veut personnaliser la crise post-électorale, le conflit du Pool et nier l’évidence de sa mauvaise gestion au passage. Tous les congolais sont concernés pour la résolution de cette crise nationale. La force de la négociation que commande l’intérêt supérieur de la nation réside dans sa capacité à faire avancer les choses. Il arrive un moment où les armes doivent se taire pour laisser une chance à la véritable paix, pas celle des cimetières ni de la terreur à laquelle l’on nous soumet. La guerre n’est que la dernière solution quand la diplomatie a échoué. Les positions sont figées d’où la nécessité de sortir par le haut et la tête haute. Personne ne sera humiliée car seule la raison l’emportera. “ Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse ” dixit Nelson Mandela, qui a bien négocié avec Frederik de Klerk pour mette fin au régime ségrégationniste d’apartheid en Afrique du Sud afin de construire la nation arc en ciel. Sassou doit être le dernier dictateur congolais et ainsi s’achèvera notre longue marche vers la liberté.

Pour ne pas demeurer dans une impasse, le temps est venu de panser nos blessures, le moment est venu de réduire les abîmes qui nous séparent, le temps de la reconstruction dans la fraternité approche. Nous sommes tous arc-boutés dans nos certitudes. Mais, nous devrions savoir qu’aucune certitude n’est acquise car l’impossible est toujours possible. Notre seul rêve est celui d’un Congo démocratique débarrassé à jamais des dictateurs.

Le Président John Fitzgerald Kennedy disait “Ne négocions jamais avec nos peurs. Mais n’ayons jamais peur de négocier.” Le Congo vaut bien une messe car c’est de notre avenir dont il s’agit.

Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA