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Le discours de Macron sur l’Afrique: Un assemblage de mots sans substance.

Le clin d’œil de Gilbert GOMA
Gilbert GOMA

Le discours de Macron sur l’Afrique.  Un assemblage de mots sans substance.

 

Le discours prononcé par Emmanuel Macron, le président français, avant son voyage en Afrique en ce mois de mars 2023, s’inscrit dans la routine de la politique africaine de la France et n’augure aucune lueur de changement. Comme à l’accoutumée, l’Afrique est réduite en enjeu géopolitique et géostratégique ; elle est  assignée au rôle de réserve de matières premières qu’il faille avoir à sa remorque et protéger jalousement pour s’en servir copieusement. Qu’importe le prix à payer en termes de relations avec les dictatures ou du non respect des droits de l’homme, etc.
En somme, l’Afrique, berceau de l’humanité, où vivent des hommes, des  femmes et des enfants, dont le droit de disposer d’eux-mêmes est inaliénable, cette Afrique, est ravalée à la géographie et non à l’Histoire. Elle n’est donc  pas considérée comme dotée de Raison, consciente d’elle-même ou sujet pensant. On s’arroge la partenité de penser à sa place, de la protéger, de l’aider, etc. Quel mépris ! Quelle infantilisation ! Comment ne pas se rappeler du discours méprisant de Nicolas Sarkozy à Dakar, insinuant que l’Afrique n’est pas encore entrée dans l’histoire. Ce genre de discours, s’alimentant du déni de la réalité, nourrit l’idéologie déhumanisante et suprématiste de la Françafrique. De quel droit peut-on se permettre une telle licence ou une telle arrogance ? D’où vient que l’on arbore l’étendard de chantre de l’humanisme, alors qu’on exhale le mépris, la condescendance.
Emmanuel Macron ne peut proposer mieux aux Africains, quand bien même il en aurait les velléités, parce qu’il est enfermé dans la prison obscure du partage de l’Afrique à Berlin, en 1885,   qui a consacré le déni et l’infériorisation des Africains à partir des théories racistes du 19 è siècle. Le président français exprime également sa fidélité à l’esprit de la conférence de Brazzaville de 1944 où  De Gaulle avait obstinément écarté toute velléité d’indépendance des colonies africaines, contrairement aux recommandations de l’article 3 de la Charte de  l’Atlantique en 1941, stipulant le principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Cette recommandation, prévoyant la remise en cause des empires coloniaux, a été incorporée dans la déclaration des Nations unies du 1er janvier 1942.  De Gaulle posait par ce refus les fondements du système de la Françafrique à la suite des « indépendances » de 1960.
L’élite politique française est bloquée. Glissant sur la pente de ses certitudes, de son formatage, elle refuse de regarder en face notre monde en perpétuel mouvement. Sa conception de l’Afrique s’appuie sur un imaginaire de celle-ci qui a été tronquée et falsifiée à dessein pour justifier la violence coloniale et la domination qui en a résultée. De ce fait, elle est engluée dans un passé impérial dont les fondements reposent sur le sang et les larmes des Africains à travers l’esclavage et la colonisation. En cette élite, point de remise en question de cette tragédie humaine subie par les Africains et par laquelle s’est construit le développement de la France. Elle est incapable  d’innover, de réinventer de nouveaux rapports, des nouvelles solidarités avec les pays Africains. Actuellement, Centrafrique, Mali et  Burkina Faso en sont des parfaites illustrations.
La consolation de cette incapacité à se réformer est dissimulée dans un discours accusateur d’un  soi-disant « sentiment anti-français » qui existerait actuellement en Afrique. Il s’agit-là d’une vue de l’esprit, d’un évitement pour se donner bonne conscience. Les Africains étant liés à la France et son peuple par l’Histoire, l’objectivité commande d’évoquer plutôt un sentiment anti-françafrique, un sentiment contre un système de prédation qui  a posé son genou sur le cou des pays africains depuis des lustres.
L’Afrique doit en permanence être étouffée par le désespoir, les conflits fratricides et la tristesse, tel est le crédo de ce système.
Le monde bouge et aucun espace, aussi minime soit-il, n’est disponible dans la conscience du peuple africain pour loger ce genre de discours puéril et méprisant. 
Assemblage de mots sans substance, sublimant l’esthétisme plutôt que de  s’accommoder avec la réalité, le discours de Macron étale avec éclat   les atermoiements d’une élite politique française en perte de repères, une élite qui s’obstine dans le rejet de sa mutation. 
Dans la configuration actuelle du monde, avec une population consciente de ses problèmes au quotidien et une jeunesse ambitieuse, éprise de justice et en phase avec son époque, les pays africains, notamment les anciennes colonies françaises, voire au-delà,  à moins de vouloir pérenniser le statu quo, n’ont jamais été en aussi bonne posture pour faire entendre leurs voix et matérialiser une nouvelle approche des rapports avec la France et le monde, dont le principe gagnant-gagnant doit en  être le socle. 
Aucune société n’est à l’abri d’une quelconque débâcle, mais aucune non plus n’est condamnée à une débâcle à perpétuité. Chaque société a une force vitale qui lui permet de se redresser quelles que soient les péripéties.
Gilbert GOMA

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