Lorsque l’euphorie et l’enthousiasme, vagues d’émotions qui transportent plus qu’elles ne portent, semblent soudain faire de tout un peuple sa proie, à un moment où aucune erreur n’est permise pour en finir avec l’une des dictatures les plus féroces de notre temps, il est nécessaire que ceux qui observent, analysent, et font de la prospection sur la situation politique en République du Congo, sachent raison garder.
Soyons lucides, faisons-nous violence, et posons-nous les questions que personne aujourd’hui n’ose se poser au risque de déplaire à un élan national qui tend, si on y prend garde générer encore des grandes déceptions.
Le premier constat objectif sur le parcours du général Jean Marie Michel MOKOKO que je fais est que tous les éléments qui semblent contribuer à l’élan de sympathie que bénéficie le général Jean Marie Michel MOKOKO aujourd’hui, sont liés à son passé. Et encore, c’est un passé dont la foule qui ne s’intéresse qu’aux généralités, ne souhaite pas scruter les détails, de peur de trouver le diable qui s’y cacherait.
Ce passé imputé au général Jean Marie Michel MOKOKO, qui semble faire de lui aujourd’hui l’homme de la situation, n’a été possible, disons-le, que grâce à un contexte national, sous régional et international propice.
Sur le plan national, le général Jean Marie Michel MOKOKO était le chef d’État Major de l’armée, il en assurait donc le commandement effectif, y était influent, et tous les officiers supérieurs étaient réputés être sous son commandement.
Sur le plan sous régional, l’Afrique centrale était en paix,exception faite de l’Angola, et bouillonnait d’une fièvre démocratique encouragée et entretenue par la communauté internationale, consécutivement à la chute du mur du Berlin.
Or, tous ces éléments contextuels qui ont rendu possible les faits républicains imputés au général Jean Marie Michel MOKOKO, ont évolué dans le temps et l’espace, de sorte qu’il n’est plus raisonnablement et objectivement possible de penser que ce dernier puisse accomplir les mêmes prouesses que jadis. A changement de contexte, changement de marge de manœuvre.
Le général Jean Marie Michel MOKOKO a quitté le commandement de l’armée congolaise depuis belle lurette, et entre temps, cette armée a été vidée de sa substance, de sorte que la seule armée disposant d’une capacité opérationnelle conséquente aujourd’hui, est la milice du dictateur. Le général Jean Marie Michel MOKOKO qui avoue s’être fait piégé par l’histoire de la vidéo, démontre des faiblesses d’improvisation, de naïveté, et de légèreté, impropres à son grade militaire et à sa stature. L’affaire de la vidéo, au-delà de la manipulation éhontée qu’avait voulu en faire le régime en place, a eu le mérite de nous enseigner sur un aspect de la personnalité du général Jean Marie Michel MOKOKO : la capacité à se faire embarquer sur des actions improvisées et sans lendemain, dont il n’a ni les tenants ni les aboutissants.
Il suit de là qu’il ne serait pas étonnant que l’espérance suscitée par le général Jean Marie Michel MOKOKO accouche des déceptions à l’occasion de l’épreuve de force post-électorale qui pointe à l’horizon. Renverser un régime aussi militarisé, et bénéficiant des soutiens aussi multiformes que celui de Brazzaville, exige une préparation minutieuse et sans faille en amont de plusieurs années : cela ne s’improvise pas en quelques mois. D’ailleurs Denis Sassou Nguesso a débuté la préparation du renversement du président Pascal Lissouba dès le jour où il avait quitté le palais présidentiel.
Sur le plan national, il y a donc un doute sérieux sur la capacité du général Jean Marie Michel MOKOKO à opposer à Denis SASSOU NGUESSO
une insurrection conséquente et victorieuse.
Sur le plan sous régional, le calme relatif en Centrafrique, l’élection présidentielle qui pointe à l’horizon au Tchad, ne sont pas de nature à encourager une déstabilisation même sur le moyen terme en république du Congo, au risque de se répercuter sur le reste des pays de la sous-région. Ainsi, s’il doit y avoir une action insurrectionnelle tolérable dans ce pays, elle doit être brève, rapide, et efficace, sinon, elle va susciter l’indignation des populations et de la communauté internationale.
Enfin, à supposer même que le général Jean Marie Michel MOKOKO renverse le régime en place en République du Congo, cela n’est aucunement la garantie de la réhabilitation d’une République au vrai sens de ce mot. En effet, ceux qui constituent aujourd’hui l’essentiel de l’entourage de ce général, sont pour la plupart, ceux-là même qui ont été la caution morale et intellectuelle du Coup d’Etat du 5 juin 1997.
Ces mêmes personnes, en rupture de ban avec le régime en place, croient avoir trouvé un nouveau champion pour se venger de leurs vexations, et agir comme avec sassou à l’époque, c’est-à-dire, s’accaparer de la souveraineté du peuple, en instrumentalisant l’Etat à leur tour.
Autour du général MOKOKO, gravitent des anciens sassouistes,avec la même culture politique du tribalisme et de la violence, comme gravitait autour de Lissouba en son temps, la même engeance. Pour notre part, l’heure est à la vigilance, car notre devoir de veilleur de la République ne nous autorise pas au sommeil émotionnel, notre raison doit demeurer ardente et généreuse pour discerner ce qui se profile à l’horizon, et anticiper, les désenchantements de demain.
Par : Maître Brice NZAMBA