Les remous sociopolitiques, qui secouent depuis quelque temps le Congo-Brazzaville, augurent des lendemains tristement funestes. Cet état de choses fragilise davantage les plus vulnérables, en l’occurrence les femmes qui, comme de coutume, payent un lourd tribut en pareilles circonstances. Raison de plus, pour elles, par un éveil de conscience propulsif, de prendre en main leur destin, en massifiant intelligiblement leur combat de toujours. Sur cette lancée, les femmes congolaises sont susceptibles de mener des actions dignes d’admiration, et de tenir le haut du pavé. Partant, il paraît judicieux de faire des constatations sur ce combat, puis d’en cerner les perspectives, afin de mieux appréhender son impact.
DES CONSTATATIONS LUGUBRES : ENTRE STAGNATION ET RÉGRESSION.
De tout temps, au Congo-Brazzaville, les femmes peinent à se frayer une place au soleil, nonobstant les aptitudes, intellectuelles ou manuelles élevées, dont quelques-unes d’entre-elles peuvent faire montre. Toutes les autres femmes, qui constituent sans doute la majorité, subissent des discriminations de tous genres, et surtout liées au genre, bien entendu féminin. D’où le noble combat qui est bravement engagé, de longue date, par elles pour acquérir les droits, qui leur sont injustement déniés.
Pourtant, les gouvernements, qui se sont succédé, ont toujours prôné, quelquefois par des textes de lois, l’émancipation de la femme, l’égalité des chances ou encore l’égalité entre l’homme et la femme, etc. Et comme un effet de mode, actuellement, c’est la parité homme-femme, qui est partout célébrée à tue-tête.
Au regard de la condition féminine au Congo-Brazzaville, il y a lieu de se demander qu’ont servi et valent aujourd’hui tous ces apophtegmes, ou simplement ces slogans à répétition. D’entrée de jeu, nul ne peut contester que les femmes congolaises ont acquis des droits, qui témoignent évidemment d’un changement notoire, depuis l’époque coloniale jusqu’à maintenant. Il est également incontestable que ces droits acquis, non seulement ne sont pas toujours librement exercés, mais ils deviennent insignifiants, compte tenu des exigences du monde moderne.
De tous les droits qu’ont pu obtenir, depuis une éternité, les femmes congolaises, singulièrement le droit de se scolariser, de travailler et de choisir son conjoint, la situation a stagné comme si le moment n’était pas encore venu, pour accorder plus de droits aux femmes, quand bien même ces dernières les revendiquent sans cesse. Par exemple, malgré le combat mené contre la polygamie, qui est légalisée jusqu’à quatre épouses pour un homme, son abolition a été renvoyée aux calendes grecques. Lorsqu’il est évoqué des libertés de la femme en phase avec le modernisme, les sexistes s’appuient sur les us et coutumes, pour justifier cet état de fait. Pour les femmes congolaises en général, et les féministes en particulier, le statu quo devient ahurissant, étant donné qu’on assiste même à une certaine régression. En effet, il y a des femmes qui sont à la merci de leurs supérieurs hiérarchiques, auxquels rien ne peut être refusé, au risque de subir continuellement sermons et châtiments, pouvant aller jusqu’à un licenciement abusif, sans aucun recours fiable. Par des mécanismes de piston ou de copinage, aux contreparties avilissantes, certaines promotions professionnelles, tant dans le privé que dans le public, deviennent sujettes à caution, sans oublier les cas de concussion.
Toujours est-il que par le discours officiel, les pouvoirs publics entendent assurer la défense des intérêts des femmes. C’est par l’entremise du ministère de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement, administré naturellement par une femme, que sont mises en avant les questions relatives à la femme, avec le concours de multiples associations qui s’y retrouvent selon leur objet, à l’instar du réseau des femmes congolaises pour le développement. A priori, tous ces termes sont louables pour les femmes congolaises. En revanche, rien ne garantit ni la liberté ni l’autonomie d’actions, lorsque l’on analyse les rapports entre un ministère et une association, du point de vue des objectifs fixés par l’un ou l’autre. Quelle peut donc être la portée de toutes ces associations, lorsque l’on sait qu’en général, les règles sont instaurées avec enthousiasme, mais le respect scrupuleux de celles-ci pose souvent problème ? C’est pourquoi, d’aucuns pensent qu’il s’agit d’une mise en scène voire d’un trompe-l’œil, dans la mesure où les faits ne reflètent guère ce qui devrait en résulter. À croire qu’il y aurait une entrave manifeste à mettre les femmes sur un piédestal.
La situation sociopolitique présente, qui n’affiche qu’un calme apparent, suite à un illogisme constitutionnel, où la torpeur gagne malignement les populations et leurs activités, peut s’envenimer. Si tant est que cette situation dégénère, les femmes seront encore et toujours les plus exposées, ainsi que leurs enfants. Que recommande la raison dans ce contexte labyrinthique, si ce n’est le dialogue auquel est viscéralement attaché le peuple congolais. Pour ce faire, il est urgent de rétablir, courageusement, la paix et la concorde, si chères à ce digne peuple. Pour sortir de cette impasse, le pouvoir en place, l’opposition, la société civile et la communauté internationale, doivent se réunir en vue d’engager des discussions sur la gouvernance électorale, qui est apparue, en dépit de nombreuses divergences, comme le seul point de consensus entre les protagonistes. Pourquoi les femmes congolaises n’useraient-elles pas de leurs aura et nombre, pour faire triompher le bon sens ? La question est si cruciale, qu’il semble impérieux de ne pas laisser, principalement, entre les mains des hommes, qui ont souvent montré leurs limites par l’intolérance et l’égocentrisme, le sort de ces femmes et enfants disséminés sur le territoire national.
En période de crise politique, les risques de violence sont importants et permanents. S’agissant des violences faites aux femmes, lesquelles se manifestent dans la famille, dans le foyer conjugal, en milieu professionnel, et parfois dans des lieux publics, les règles de défense, de protection et de sanctions sont loin d’être à la mesure des délits commis. Dans ces conditions, les femmes congolaises pourraient être en proie à un doublement de risques de violence. Lorsqu’un homme se croit tout permis, pour avoir épousé une femme, après s’être acquitté de ses obligations pécuniaires envers sa belle-famille, notamment la dot, celui-ci se comporte comme un maître avec son esclave. Il s’octroie alors le droit de violer son épouse, car il s’agit bien d’un viol lorsque celle-ci n’est pas consentante. Des fois, il ne s’empêche pas de la battre, même devant les enfants, et rien ne peut lui arriver, parce qu’il s’adjuge le droit d’imposer sa loi chez lui. C’est le cauchemar que vivent de nombreuses femmes, à cause de leur dépendance financière. Au pire des cas, non seulement, elles ne se défendent point, mais au contraire, elles prennent la défense d’un tel homme, en cas d’intervention par un tiers, comme si elles étaient atteintes du syndrome de Stockholm, jusqu’au jour où elles risquent de passer de vie à trépas. C’est ainsi que des femmes battues et résignées ont malheureusement laissé des orphelins, donnant du fil à retordre à la société congolaise. De tels hommes, qui sont en réalité de sacrés misanthropes, ne devraient-ils pas, pour mériter leur liberté, être d’abord internés dans un cabanon ou incarcérés dans un cachot ?
Le harcèlement sexuel, les viols, les atteintes à la liberté, les humiliations, les privations et d’autres maux, dont souffrent les femmes, sont devenus si banals, qu’on croirait se perdre dans la nuit des temps. À cet obscurantisme, qui est nûment une régression, on peut adjoindre la difficulté qu’ont certains hommes d’accepter l’autorité des femmes, pire encore d’avoir tant soit peu de l’estime pour elles, car ils les considèrent avant tout comme le sexe faible, peu importent leur statut. Ce qui témoigne formellement de la misogynie. Toutes ces stupidités devraient être combattues et occultées par l’apologie des valeurs morales, qui accordent une place de choix aux femmes congolaises. Concurremment, ces femmes devraient agir, de manière structurée, populaire si nécessaire, pour faire plier les décisionnaires, pourquoi pas parvenir à créer des conditions requises pour leur épanouissement tous azimuts.
DES PERSPECTIVES ENGAGEANTES : ENTRE ÉVOLUTION ET RÉVOLUTION.
À n’en point douter, les femmes congolaises aspirent à la liberté et à une évolution, en harmonie avec le temps. Il se trouve que le monde a évolué, et continue d’évoluer. Vouloir s’affirmer par la force ou s’agripper à des biens temporels, c’est autant rétrograde que nuisible, car on échafaude inlassablement les ingrédients d’un remue-ménage, dont on ne saurait dompter les débordements. Ne pas suivre cette évolution, c’est ramer à contre-courant, jusqu’à un point où on risque de perdre tout contrôle, si on ne se ravise pas à temps. Malgré les discriminations dont elles pâtissent, les femmes congolaises sont de plus en plus cultivées, informées et instruites. Aidées par les nouvelles techniques d’information et de communication, elles ont assimilé des concepts leur permettant d’aborder avec objectivité la situation sociopolitique délétère dans leur pays, qui est étroitement liée à la leur, en tant que femmes. A l’occasion, elles n’hésiteront pas à prendre clairement position, dans leur intérêt et celui du peuple, dont elles font partie. Même les femmes, qui ne sont jamais allées à l’étranger, et qui n’ont pas eu un cursus universitaire, se sont néanmoins adaptées à la mondialisation, qui est venue à elles, de diverses manières. Il devient alors rarissime de trouver des moutons de panurge, lorsque la réalité diffère de la propagande. Pour nombre de femmes congolaises, la duperie rémanente, qui est devenue surannée, a déjà connu ses heures de gloire. Maintenant, le temps est à la prise de conscience et à la réflexion sur les perspectives d’ascension sociale pour la gent féminine. Le noble combat des femmes congolaises sur le terrain est galvanisé par leurs échanges enrichissants avec les femmes congolaises de la diaspora, en particulier la diaspora congolaise en occident.
Assurément, les séjours occasionnels ou permanents des femmes congolaises en occident, ont façonné ces dernières, qui ont développé certains réflexes, par des processus cognitifs, leur ayant apporté de l’eau au moulin dans ce noble combat pour la liberté, l’autonomie, la dignité, le respect et la promotion de la femme. Dans cette évolution des mentalités, force est de constater que ce combat est en train de franchir un nouveau cap. À l’instar des mouvements féministes en occident, et leurs actions médiatisées, la tendance est à la fédération des associations, organisations et mouvements de femmes, afin de procéder à la synergie de toutes ces énergies, dans le dessein de faire bouger les lignes. Conscientes de pouvoir constituer une majorité, à laquelle pourrait se joindre des hommes justes et progressistes, les femmes congolaises, de par la voix de certains leaders d’opinion, projettent de conduire des actions remarquables, devant aboutir au résultat escompté, à savoir la promotion de la femme dans les domaines divers et variés, bannissant ainsi les discriminations d’antan. Parallèlement, ce potentiel qui découle de ces femmes, essentiellement par leur supériorité numérique, devrait être mis au service des causes justes et des plus démunis, pour pallier progressivement les inégalités et injustices sociales.
Au demeurant, d’aucuns estiment que l’ascension des femmes au sommet de l’État ou des grandes entreprises publiques ou privées, prend trop de temps. Aussi, préconisent-ils la discrimination positive, au profit donc des femmes, par le mécanisme des quotas. Cependant, cette alternative comporte des effets pervers, qui pourraient conduire à mésestimer celles-ci et à pervertir leur promotion. À l’opposé, la parité homme-femme paraît plus équitable et séante. De ce fait, les femmes congolaises devraient davantage oser postuler à des postes de responsabilité, y compris dans des domaines de technicité ou technologie hautement élevées. Elles pourraient s’inspirer, du reste, de Marie Curie, qui a été nobélisée en chimie et en physique, un fait exceptionnel dans deux disciplines scientifiques distinctes, de surcroît à une époque, où les femmes n’avaient que très peu de droits et de moyens. Et naguère, pour promouvoir l’autonomisation des femmes en Afrique, la compagnie aérienne éthiopienne a effectué un vol international aller-retour avec un personnel exclusivement féminin, des préparatifs de vol sur sol, des services des douanes et de l’immigration, jusqu’à l’équipage.
Sur le plan politique, les femmes congolaises devraient s’engager massivement, et faire connaître explicitement leurs doléances, en s’y impliquant au point d’ambitionner leur accession aux hautes instances, où se décident les grandes orientations nationales. Descendre dans l’arène requiert des qualités particulières, car le monde politique peut parfois être cruel et ingrat. Le courage, la compétence, l’intelligence, le sens du devoir et des responsabilités, l’ambition, la loyauté, l’abnégation et la probité morale s’avèrent être nécessaires, pour pousser ces femmes politiquement engagées à se muter graduellement en sommités. Comme en leur temps, la reine Ngalifourou et Kimpa Vita, dans la sphère politique, se forment des femmes congolaises possédant le pouvoir de drainer des masses, pour l’édification d’une nation solide, en magnifiant les valeurs républicaines. Hormis les qualités susmentionnées, ce sont le volontarisme et une organisation rigoureuse, qui feraient la différence entre ces femmes. Qu’elles soient ou non, diplômées ou mariées, toutes ont leur chance de succès.
L’impact du noble combat des femmes congolaises se révèle être notable, tellement les enjeux sont de taille, pour la démocratie, la liberté et le progrès. À l’approche de l’année 2016, qui pourrait être le début d’une période charnière, pour un nouveau paradigme, devant porter les femmes congolaises aux nues, on ne peut que leur souhaiter la meilleure des chances.
Par : Gisèle Patricia GOULOU