Par Laurent DZABA
L’apartheid ou ségrégation est le fait de séparer, de mettre volontairement de côté un groupe social d’avec les autres.
Le projet de rétrogradation scolaire promut par le Ministre Anatole Collinet Makosso qui consiste à rétrograder en classe inferieure un élève qui a des difficultés scolaires est un projet mené contre les pauvres, contre toutes ces familles issues des milieux populaires, dont les membres ne sont pas suffisamment instruits et qui n’ont pas les moyens financiers qui leur permettraient d’assurer le suivi des enfants en dehors du système scolaire.
Quoi de plus humiliant et de plus traumatisant que de rétrograder un enfant simplement parce qu’il a des difficultés à l’école ?
Quid des conditions d’apprentissage et de vie de l’enfant, le simple fait de ne pas maitriser l’orthographe et le calcul, dans un pays où les enfants ne savent même pas à quoi ressemble une bibliothèque, peut faire qu’un enfant de CM2 se retrouve 4 ans plutard au CP. Le Ministre Anatole Collinet Makosso s’est il posé une seule fois la question de savoir, comment, avec un niveau aussi bas, ces enfants se sont ils retrouvés dans des classes supérieures ? Quelle est la responsabilité du ministre et des enseignants dans cette déchéance ?
A ce rythme, il ne serait pas étonnant de voir des jeunes de 20 ans se retrouver en classe de 6e dans le département du Pool, qui connait depuis près de 20 ans des épisodes de conflits armés. Le défi du Ministre Anatole Collinet Makosso devrait avant tout être celui de mettre le maximum d’élèves dans les mêmes conditions que ceux qui sont à l’Ecole Militaire Général Leclerc ou dans les établissements d’excellence de Mbounda ou d’Oyo. Vouloir mettre en place un système qui a fait ses preuves nulle part, c’est ouvrir la boite à échecs. On ne prend pas des risques insensés et superflus avec « les enfants des autres ».
Il est difficile de comprendre cette fascination et ce désir croissant dont fait montre certains responsables au pouvoir à Brazzaville, à vouloir sanctionner et humilier les populations les plus vulnérables qui ont déjà du mal à se soigner et à se nourrir. Incapable de sanctionner les citoyens riches et corrompus qui circulent en toute liberté dans les villes, nos gouvernants déversent leur frustration et leur mal être sur ceux qui n’ont aucune protection. La politique anti pauvre du gouvernement est nocive à la bonne marche de notre pays. Cette rupture de la chaine de solidarité qui n’accorde les chances de réussite qu’aux enfants des familles les plus aisées est tout simplement criminelle.
Cette marche à reculons de notre société va infine tuer l’école publique au profit des écoles privées simplement parce que les redoublements ne sont pas légions dans ce type de structures. Aussi, ne soyons pas surpris si dans les années qui viennent, il y’a une forte recrudescence des cas de viol sur mineur parce qu’avec un tel projet, la course aux notes faciles deviendra le seul objectif pour des filles en difficultés scolaires, quitte à mettre en danger leur propre vie.
Dans la phase de crise économique aigüe que traverse notre pays, ce projet ignoble de rétrogradation et de rétropédalage est une double sanction infligée aux familles des zones rurales et des campagnes qui par manque de temps pour assurer le suivi scolaire des enfants et par incapacité à financer doublement la scolarité de leur progéniture, finiront simplement par jeter l’éponge; ce qui entrainera une croissance exponentielle du taux d’analphabétisme dans notre pays.
Quand le Ministre Anatole Collinet Makosso affirme dans le forum « Les Démocrates Congolais » que « aucun texte et dans aucun pays, on ne permet à un enfant n’ayant pas de niveau de reprendre la classe autant de fois qu’il le veut », cela n’est pas exact. Tout parent qui a un enfant scolarisé dans une école primaire en France par exemple, sait qu’à la fin de chaque année, il est demandé aux parents, quelque soit les résultats scolaires de l’enfant, de se prononcer sur le passage en classe supérieure ou sur le redoublement.
Cela est vraiment ahurissant et alarmant de constater la légèreté avec laquelle les experts du ministère de l’enseignement défendent des mesures aussi irresponsables et nuisibles, qui auront sans aucun doute des conséquences néfastes et irréversibles sur la vie de plusieurs générations de congolais. Néanmoins, les congolais ne s’y trompent pas. Ils sont conscients que s’il y’a des personnes à rétrograder dans notre pays, on les trouverait en majorité au sein des gouvernements successifs, dans la haute fonction publique et au sein de nos forces de sécurité; eux qui ont clairement montré leur incapacité et leur inaptitude à travailler pour le bien du peuple.
Les enfants du Congo ont besoin d’être aidés et pas d’être punis. Pour cela, le ministère de l’enseignement primaire et secondaire devrait créer les conditions qui permettraient aux enfants d’avoir une scolarité normale. Le temps est arrivé de créer plusieurs bibliothèques dans notre pays. Puisque le compte à rebours été déclenché, il devient urgent de lancer une reforme des programmes scolaires afin de dégager du temps pour le soutien scolaire. Il serait aussi possible de raccourcir les périodes de vacances scolaires (noël, pâques et/ou grandes vacances) afin de permettre aux enfants en difficulté et en échec scolaire de bénéficier de cours de rattrapage qui leur permettraient de combler le retard accumulé (participation avec l’accord des parents). Dans ce cas de figure, une prime devrait être proposée aux enseignants qui auront la responsabilité de s’atteler à cette tâche (enseignants sélectionnés sur la base du volontariat). Il serait aussi souhaitable qu’il soit organisé un symposium sur la formation, le recrutement et la rémunération des enseignants, qui dans la plupart des cas (plus de 50 % des enseignants de notre pays) sont des diplômés sans emploi, des vacataires et volontaires, qui sont payés à la main ou en nature, par des députés, maires, chefs de village ou encore parents d’élèves.
Il est aussi étonnant de constater, dans ce pays qui a accumulé autant de retard dans le système éducatif, que les gouvernants aient pu, année après année, procéder à la construction des palais présidentiels (non utilisés à ce jour) dans tous les départements, dans le cadre du programme de municipalisation accélérée alors que le nombre d’écoles construites n’a pas changé depuis les années 70, malgré le triplement de la population congolaise. Cette façon de faire est une insulte à l’intelligence des congolais.
Il est aussi clair que si l’Etat congolais avait recruté des enseignants à la place des milliers de militaires enrôlés ces 5 dernières années, le niveau de notre système éducatif ne serait pas aussi minable.
Enfin, puisque le Ministre Anatole Collinet Makosso est cbeiste de l’église évangélique du Congo, il serait possible que l’état congolais engage un partenariat avec certaines églises qui pullulent dans nos villes et villages afin que les « ainés » diplômés puissent, en échange d’une petite allocation, encadrer les jeunes en difficulté. Sinon, à quoi serviraient ces églises, puisqu’ils ont lamentablement échoué dans l’œuvre de conscientisation des citoyens.
Pour le reste, nous demandons solennellement au Ministre Anatole Collinet Makosso qui est un citoyen lucide et ouvert au dialogue à mettre fin à ce projet discriminatoire et funeste qui favorise un apartheid social et scolaire et qui pénalise les populations les plus pauvres et les plus vulnérables de notre pays.
Nous sommes le Congo Uni, plus jamais sans nous !