«Elle hante les milieux des ex-combattants, cobras et ninjas, l’information selon laquelle des hauts-gradés de la Police et de l’Armée procèdent actuellement au recrutement de ces ex-miliciens, à qui, selon certaines indiscrétions, l’on confie déjà, dans le cadre du changement de Constitution qui permettra à Sassou de garder le pouvoir, des missions de basse besogne. Les noms de deux Officiers apparaissent avec une fréquence déconcertante dans les confidences de certains ex-combattants que nous avons pris la précaution de rencontrer. Le premier, Colonel Serge Oboa, Directeur général de la sécurité présidentielle (DGSP), s’est déjà constitué sa milice. Le recrutement de 500 jeunes s’est opéré, discrètement, il y a un mois, dans les locaux de la présidence de la République. Ce sont pour bon nombre d’entre eux des ex cobras qui ont pris part aux guerres de 97-98, ainsi que des jeunes recrutés sur des bases d’adhésion au sassouisme, notamment dans les quartiers nord de la capitale congolaise.
Déjà un mort et des déserteurs
Selon nos informations, ces 500 jeunes sont en formation dans le district d’Igné, où un camp d’entraînement clandestin a été construit. Sur les 500 éléments qui suivent une formation commando, on parle déjà d’un mort et d’une cinquantaine de cas de désertion, tant la formation, aux dires des déserteurs, est réputée très rude. Maniement des armes, champ de tirs, arts martiaux, footing… constituent le menu de formation de ces jeunes commandos. « On nous a dit que nous allons intégrer la Direction générale de la sécurité présidentielle », raconte l’un d’eux. Chose curieuse, l’Etat-major des FAC n’est pas au courant de ce recrutement. En clair, « il s’agit d’une milice chargée de sévir à la moindre incartade dans le cadre du passage en force du changement de Constitution », argumente, sous couvert d’anonymat, un Officier proche du dossier. A preuve, poursuit-il, se sont les services de la présidence de la République qui se sont chargés de tous les frais relatifs à la constitution des dossiers et au paiement des examens médicaux au Laboratoire nationale. Trop de généreuse pour une armée qui veut procéder au recngrutement de ses éléments. Du jamais vu.
Ndeuguet jette son dévolu sur les ex-commandants ninjas
Le deuxième haut-gradé, dont le nom est sur tous les lèvres des ex-ninjas, c’est le Général Jean François Ndengue, Directeur général de la police. Ce dernier est également en train d’asseoir sa propre milice. Bien qu’il ait déjà recruté dans ce cadre certains ex-cobras à l’instar des Vital, Moubenda, Mouchapata, Akim et autres, c’est surtout dans les milieux des ex-combattants ninjas qu’il a jeté son dévolu. Pour y parvenir, le DGP a bâti une stratégie solide autour du dernier cartel des ex-ninjas fidèles au défunt Mpandou Anicet alias Willy Mantsanga et au Pasteur Ntumi. Parmi eux circulent déjà les noms de : Satu, Karadine, Malcom, Maka Bouro, Gauche-Gauche, Satan, Corombo… But : former une milice appelée : FADD (Force d’Auto-défense Dynamique), un peu à l’image de l’ancien CADD-MJ. Les missions assignées à cette milice, dont la gestion permanente est confiée au Général Albert Ngoto, Directeur général adjoint de la police, consistent à établir une unité de 500 jeunes hommes. Qui seront chargés de suivre tous les faits et gestes de certains opposants irréductibles au changement de Constitution : Clément Mierassa, Pascal Tsaty Mabiala, Paulin Makaya, André Okombi Salissa, Parfait Kolelas, Paul Marie Mpouele…
D’importants moyens financiers et matériels ont été mis à contribution
En plus, il s’agit pour eux de dénoncer auprès de leur Chef tout suspect, hostile au changement de la Constitution du 20 Janvier 2002, afin qu’il soit mis aux arrêts. Pour cela, d’importants moyens financiers et matériels sont mis à contribution par Ndengue pour entretenir « sa » milice. Des Motorola ont été dotés à certains chefs ex-ninjas pour assurer une communication permanente avec le Général Ngoto. « Il y en a même qui ont reçu des moyens roulants : véhicules et motos Jakartas », croit savoir une source, et pas des moindres, que nous avons interrogée. Des armes de type kalachnikovs et une somme de 500.000 FCFA ont également été remis à certaines nouvelles recrues. En outre, le généreux Général Jean François Ndengue leur promet, à titre de bonus, une somme hebdomadaire de 100.000 FCFA pour mener à bien les missions de basse besogne qui leur incombent.
Sont aussi visés, les groupes de bandits et de badauds
S’agissant du nerf de la guerre et des armes, Jean François Ndengue, qui, aux dires de ses proches, dispose d’une armurerie dans son village d’Obouya, préfère s’en remettre à son neveu, le Capitaine Clovis, qu’à son adjoint. En clair, c’est le Capitaine Clovis qui se charge exclusivement des problèmes d’intendance et de la distribution des armes aux nouvelles recrues. En dehors des ex-ninjas, sont aussi visés, les groupes de bandits et de badauds des quartiers sud comme, par exemple, la 402 à Mpissa, Yorobi au marché Commission, Nimbi Lolo à Bacongo, La Favela au quartier Makélékélé, Dahomey à la Case de Gaulle… Ils sont appelés à intégrer la fameuse Force d’Auto-défense Dynamique.
Cyriaque Tanguila, le bras droit de Ndengue dans les quartiers sud
On parle d’un certain Cyriaque Tanguila, ex-ninja de son état, bien connu dans les milieux de l’équipe de football Diables Noirs. Il est homme à tout faire de Ndengue. Pour la petite histoire, c’est lui qui a fait passer la carte du DGP dans les milieux de « Yaka dia Mama ». Au finish, Jean François Ndengue réussit à se faire admettre comme président de la section football de l’équipe la plus populaire du Congo. D’après ce qui se dit, il s’agissait, pour le nouveau président, de mieux contrôler les écuries des ex-combattants ninjas en errance dans le département du Pool et, aussi, dans les quartiers sud de Brazzaville. En fait, de donner l’illusion aux supporters de cette équipe qu’il porte les Diables Noirs dans son cœur. Il n’en était rien. Dans le cadre de l’opération de recrutement des miliciens appelés à composer la FADD, « C’est Cyriaque Tanguila, qui prend attache avec bon nombre d’entre nous pour intégrer cette fameuse milice. Mais moi j’ai refusé de l’intégrer », confie un ex-combattant ninja. En rapport avec cette tâche que lui a confié le DGP, Tanguila dispose désormais d’un bureau à la Direction générale de la police. Selon certaines indiscrétions, Jean François Ndengue écoute religieusement son protégé Tanguila tel un chien écoute son maître, au point d’agacer les collaborateurs immédiats du DGP qui taxent cet « intrus » de quelqu’un qui a « marabouté » leur chef. D’après les ex-ninjas que nous avons interrogés, des réunions se tiennent dans la parcelle familiale de Cyriaque Tanguila, sise au 15, rue Makita, aux abords de l’école publique l’Amitié, dans le deuxième arrondissement Bacongo. D’autres lieux, notamment au Château d’Eau, chez la concubine de Cyriaque Tanguila, une certaine mère So, où il serait par ailleurs considéré comme « mario », selon l’expression locale pour désigner un homme qui vit au domicile de sa femme ; après le Djoué, à Massissia, chez tantine Jacky, à Kinsoundi, dans les encablures du Séminaire ; au Bar Digeni situé au quartier Barrage ; au bar victoria situé au quartier NZoko vers la ferme… Tous ces lieux abritent donc, selon nos sources, des rencontres entre nouvelles recrues, Albert Ngoto et Cyriaque Tanguila.
Force d’Auto-Défense Dynamique FADD déjà à l’œuvre
Le premier polar de cette force a été enregistré à Lékana. Où séjournait André Okombi Salissa, président du CADD et membre du Bureau politique du PCT. Selon les premières informations en notre possession, Karadine et Gauche-Gauche, qui ont été reçu le jour même par le Général Ndengue, auraient fait partie du commando qui a tiré sur un véhicule de l’ancien Ministre André Okombi Salissa. Etait-ce pour l’assassiner ou pour l’intimider ? Toujours est-il que ce coup qui s’apparente à une machination montée par Ndengue, est considéré comme le premier coup d’essai, pas forcément un coup de maître. Et pour cause, le complot ourdi à huis clos a fini par transpirer pour une histoire du partage de l’enveloppe financière prévue à cet effet. Une situation qui a mis Jean Dominique Okemba dans tous ses états, d’autant que d’importants moyens financiers avaient été consacrés pour la réussite de cette opération. Comment donc l’aspect financier pouvait-il exposer les commanditaires de cette tentative d’assassinat ? Jean Dominique Okemba l’a vertement fait savoir à Jean François Ndengue ; surtout que le Secrétaire Général du Conseil National de Sécurité (CNS) voudrait que ce genre d’opération se passe à la « Fantômas ». Il sied de signaler que pour la circonstance Jean François Ndengue s’est exonéré des services de Sabin, un personnage bien connu à Lékana.
Les chefs d’antennes de la FADD dans les quartiers sud
Le Pasteur King, habitant la rue Nkouka Batéké à Bacongo et ayant une église de type Ngounza sur cette ruelle, se charge de recruter les petits dans cette zone et fait venir Cyriaque Tanguila. Selon la rumeur, des armes ont déjà été distribuées tout le long du grand caniveau ¨Zanga Dia Ba Ngombé¨. Nina, renseigne et recrute dans la zone du marché ¨Commission¨. Nkounkou Pacôme, qui habite la rue Makita, au quartier Mabouaka, un ancien du cercle spirituel du Pasteur Ntumi, se charge du recrutement dans la zone Mabouaka. Mama wa Ndombi quant à lui, recrute à Massina où il a fait venir certains incontrôlés du Pasteur Ntumi et les louent une maison dans ce quartier. Lazar a déserté les réunions et n’est plus visible dans les écrans de la FADD. Castro et Bakoua Marion, alias Satan, recrute dans la zone allant du Séminaire jusqu’au quartier Barrage. Lili et Armel, alias Terminator, recrutent à Météo. Ils auraient même rallié à la cause plusieurs jeunes de l’écurie ¨KGB¨. Le Sergent Moukouyou quant à lui, recrute à Madibou jusqu’à Kibina. Il aurait déjà distribué des armes à des jeunes du parking de Kombé où l’on s’approvisionne des pierres servant au secteur du bâtiment. Vakaro, chef du parking de véhicules qui font Brazzaville-Pointe-Noire, se charge de toute la zone de Bifouiti. Tandis que Guess recrute à Makélékélé. Doudou (un ancien petit de Lasky) et Ply (habitant la rue Antoneti) recrutent dans la zone de l’école 5 chemins, de Bimangou, du Vatican et de la Main Bleue.
Le Grand coup
D’après les ex-combattants que nous avons rencontrés, une des grandes missions qui leur ont été assignées est celle d’infiltrer une éventuelle marche de contestation sur le changement de Constitution. Une marche que le pouvoir accordera facilement à ceux qui s’opposent à ce projet après qu’il aura mis en place le dispositif nécessaire. La police chargera quelques de ses éléments pour la dispersion de cette marche, tandis que d’autres policiers filmeront l’événement. Les miliciens, en civil, introduit dans la foule, ouvriront le feu sur les éléments de la Force publique. Ils profiteront en outre de cette occasion pour fusiller certains leaders de l’opposition et faire un carnage. Ainsi, avec à la clé quelques morts, dont les responsables seront à tort les manifestants, la Force publique pourra ainsi organiser une vague d’arrestations définitives des leaders de l’opposition. Tout ceci pour faciliter la tenue sans heurts d’un référendum sur le changement de Constitution. Nous demandons donc au peuple de demeurer vigilant. »
Thomas Mbourangon