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Le vent de libération de l’Afrique qui souffle actuellement est irréversible. On n’arrête pas la mer avec ses bras.

Le clin d’œil de Gilbert GOMA

Le vent de libération de l’Afrique qui souffle actuellement est irréversible. On n’arrête pas la mer avec ses bras.

Gilbert GOMA
Par   Gilbert GOMA
La volonté et la détermination de la jeunesse africaine de vivre dans un monde où l’Afrique est considérée en tant que continent où vivent des êtres humains, qui ont autant que les autres le droit de penser, de sentir, de s’indigner ou d’améliorer leur existence, et non comme une réserve de matières premières avec une dimension géostratégique et géopolitique au profit des grandes puissances, sauf de l’Afrique elle-même.
C’est dans cette optique qu’il faut saisir les récentes déclarations des dirigeants africains à la 78è session de l’assemblée générale de l’ONU. Celles-ci traduisent la volonté des Africains de vivre dans un autre monde plus juste, plus ouvert et solidaire.
Mamady Doumbouya, le président guinéen, a recusé le modèle de développement occidental imposé aux pays africains à travers moults leviers. Robert Dussey, ministre togolais des affaires étrangères et Bassolma Bazié, ministre du Burkina Faso, lui ont quasiment emboîté le pas en stigmatisant le système de domination postcoloniale qui étreint l’Afrique et constitue de manière déterminante un frein pour son développement.
Les discours d’assignation de l’Afrique dans des classifications ou des concepts fallacieux, sont des anesthésiants qui participent à son engourdissement. Il s’agit-là des entraves à son émancipation, des leurres visant à entériner et perpétuer sa domination, sa marginalisation sur l’échiquier mondial, avec pour ultime solution la politique des AIDES comme modèle de développement, alors qu’un autre regard, inclusif et dynamique, au plan économique, social et culturel, est possible pour peu de changer de paradigme en impulsant de nouveaux rapports avec ce continent. C’est pourquoi, il faut sortir de la fiction qui attribue à la jeunesse africaine des parrains chinois, russes ou autres, quant à sa volonté de voir l’Afrique recouvrer sa souveraineté et sa liberté d’action. Il n’y a pas pire insulte à l’égard du continent africain tout entier que cette condescendance, cette infantilisation. Ce mépris des âges révolus est un jauge de l’attitude des gardiens du statu quo. La jeunesse africaine n’a nul besoin de parrain, mais des partenaires, quels qu’ils soient, dont la coopération avec leurs pays est établie en termes d’égalité et d’équité, autrement dit sous le principe gagnant-gagnant.
Parce que le panafricanisme est l’un des pilliers de la libération de l’Afrique qu’il faille le brocarder pour diluer l’élan de mobilisation de la jeunesse africaine. Pour ce faire, les adeptes du statu quo, de l’inertie de l’Afrique, s’y emploient obstinément et religieusement, participant ainsi, par opportunisme pour certains, à la logique de la banalisation de la souffrance des Africains et de leur diaspora par rapport à l’esclavage, la colonisation et la postcolonisation. Nombre des ancêtres africains, notamment les Nègres marrons, ces esclaves qui se sont battus sans relâche dans des conditions inhumaines pour leur dignité, doivent avoir leur éternel sommeil troublé par le dévoiement de ces détracteurs du panafricanisme. Ne sont pas non plus épargnés par ce trouble de sommeil, Sylvester Williams, Marcus Garvey, W.E.B Dubois, Georges Padmore, etc., initiateurs et figures emblématiques du panafricanisme, mouvement de lutte contre toutes les formes de domination et d’oppression en Afrique pour sa libération et son unité. Il a été créé au 19è siècle dans la diaspora, par les Afrodescendants, et a inspiré plusieurs leaders africains dans leur lutte contre la colonisation, dont Kwamé Nkrumah qui en a été l’un des plus ardents théoriciens comme l’illustre son livre « l’Afrique doit s’unir », dans lequel il exhorte l’Afrique à l’unité pour sa renaissance.
La jeunesse africaine a une consciente croissante de la nécessité de cette unité et de la philosophie du panafricanisme qu’elle intègre aux réalités de son époque. Époque caractérisée par le rétrécissement du monde à travers les nouvelles technologies de l’information et de la circulation massive et instantanée des savoirs. La jeunesse africaine veut vivre librement dans son continent en le transformant pour son développement. Elle ne veut plus être condamnée à l’exil politique ou économique, ou s’offrir en holocauste dans les eaux glaciales de la méditerranée ou sous le soleil brûlant du désert du Sahara, à la recherche d’une hypothétique pitance en Occident.
Le monde est pluriel. Cette pluralité, étant une richesse, doit être le ferment des rapports internationaux, or tel n’est pas le cas. Le conseil de sécurité de l’ONU, par exemple, est un espace réservé à une poignée de pays qui ont des droits exclusifs sur les problèmes du monde, alors que l’Afrique, un continent, n’y figure pas. Telle est la conséquence de l’approche unipolaire qui régit les relations internationales. Cette approche excluante, monocentrique, érigée en norme depuis, se résume par toutes sortes de violences, à l’instar de l’esclavage et la colonisation dont l’Afrique a été victime. Ce qui est insultant pour l’humanité tout entière, dont l’histoire réelle se décline dans la diversité, par des rencontres entre les hommes et les femmes différents, par des échanges et des brassages multiformes. Il s’agit-là d’un contre-modèle de l’humanisme qui, lui, est fondamentalement ouverture à l’Autre. Son essence même se résume par la négation de l’alterité, par la sublimation des rapports de force, par les déchirures et la permanence des guerres.
Parangons de l’humanisme, comme elles s’en proclament, les grandes puissances sont hélas à l’étroit du réel, d’autant plus qu’elles denient par dogmatisme monocentrique la pluralité du monde, et par conséquent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elles sont loin de penser les rapports avec les Autres sous le prisme de l’égalité et de l’équité. Mais sans une remise en question de cette conception surranée, face à la volonté actuelle de la jeunesse africaine de voir les pays africains recouvrer leur souveraineté confisquée par les pouvoirs dictatoriaux et corrompus, dont certains sont soutenus par elles, ces grandes puissances vont déchanter parce que l’Histoire va s’écrire sans elles.
Aucune grande puissance n’est éternelle, telle est la logique de l’Histoire. Avant la chute du mur de Berlin, l’historien Paul Kennedy, dans son livre « Naissance et déclin des grandes puissances », avait prophétisé sur la décadence des grandes puissances symbolisant la bipolarisation du monde à cette époque, citant, en s’appuyant sur les aspects économiques, politiques et militaires, les grandes civilisations et les empires précédants qui ont disparu dans l’Histoire.
Quelles qu’en soient les causes, l’affaissement des grandes puissances est une réalité imparable et consubstantielle aux changements qui caractérisent l’histoire de l’humanité. Ne pas en tenir compte ou le nier, c’est être hors de l’Histoire. En ce sens, le vent de libération qui souffle actuellement sur l’Afrique est irréversible. Les grandes puissances qui exerçaient leur hégémonie sur le monde depuis tant d’années, sont en fin de cycle et n’y peuvent rien. On n’arrête pas la mer avec ses bras. D’autres puissances émergent, notamment la Chine, l’Inde, la Turquie, etc. L’Afrique également à toute sa place dans cette nouvelle configuration, et doit y jouer un rôle prépondérant. D’où la nécessité de recouvrer sa souveraineté et sa liberté d’action.
Gilbert  GOMA

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