Les avocats du barreau de Brazzaville déclenchent une grève à compter du 21/02/2017

Les avocats Congolais rentrent en grève à la suite de l’arrestation et l’interrogation par la police de l’un des avocats du colonel Marcel Ntsourou.

Au Congo-Brazzaville, la mort en détention du colonel Marcel Ntsourou continue de susciter de nombreuses interrogations parmi ses proches. L’ancien numéro deux des services de renseignement est mort vendredi 18 février, et dans la foulée, l’un de ses avocats a été placé en garde-à-vue par les enquêteurs congolais pendant le week-end. Il est interrogé depuis samedi après-midi.

Ce n’est pas parce qu’il avait défendu le colonel Ntsourou que maître Esseau a été interpellé, ni même parce qu’il défendait d’autres prisonniers politiques.

Si l’avocat est en garde-à-vue depuis samedi après-midi, c’est officiellement parce qu’il est le dernier visiteur à être entré dans la cellule du colonel Ntsourou, le jour même de sa mort. Et ce alors qu’il était officiellement venu à la maison d’arrêt pour rencontrer un autre détenu de ses clients.

C’est ce qu’explique le porte-parole du gouvernement, le ministre Thierry Moungalla : « Maître Esseau, qui a vu le colonel Ntsourou quelques minutes avant son décès, avant son malaise, est tout à fait passible d’être entendu à ce stade comme témoin. Pour ceux qui s’inquiètent du sort de cet avocat, on ne peut pas à la fois demander qu’il y ait des diligences qui soient accomplies pour en savoir plus, et en même temps s’étonner que ces diligences arrivent justement pour que nous déterminons les circonstances du décès. »

Aucun problème légal, confirme le bâtonnier du barreau de Brazzaville, qui précise cependant rester vigilant. Maître André-François Quenone : « En principe, en ma qualité de bâtonnier, je me dois d’être présent, tout au moins avoir été informé. On essaiera de mettre au clair la procédure. Nous aurions aimé le voir déférer aux convocations en toute liberté, mais ce sont les enquêteurs qui décident du bien-fondé de ce que nous voulons. »

Par ailleurs, le bâtonnier du barreau de Brazzaville explique que c’est maître Esseau lui-même qui l’a prévenu de son interpellation : « J’ai eu l’appel de mon confère qui se trouvait à la gendarmerie, m’informant qu’il [était] en garde à vue pour des besoins d’enquête. Alors je me suis empressé de le rejoindre pour en savoir davantage. Et c’est alors qu’il va m’expliquer que cela avait un lien avec le décès du détenu du colonel Ntsourou, qu’il était entendu depuis quelques heures. »

Le bâtonnier du barreau de Brazzaville explique qu’une nouvelle audition est prévue pour ce lundi et qu’il compte bien, cette fois, y assister pour soutenir maître Esseau.

■ Mort du colonet Ntsourou : « Il est très important de pouvoir clarifier la situation »

Le colonel Ntsourou purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité, notamment pour « rébellion, détention illégale d’armes de guerre ». Pour Florent Geel, directeur du bureau Afrique de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), le décès du colonel Ntsourou arrive dans une période de durcissement du régime à l’égard de l’opposition, d’où l’importance de faire toute la lumière sur les conditions de sa mort.

« Il faut garantir un maximum de transparence pour qu’on comprenne quelles sont les pratiques politiques au Congo-Brazzaville. »

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Déclaration solennelle des avocats du barreau de Brazzaville

« Nous, Avocats du Barreau de Brazzaville, réunis en assemblée générale extraordinaire ce jour lundi 20 février 2017 dans la salle d’audience de la Cour d’Appel de Brazzaville relativement à l’interpellation suivi de la garde à vue au poste de Commandement de la Gendarmerie de notre confrère Ludovic Désiré ESSOU, suite au décès du détenu, le nommé MARCEL NTSOUROU à la Maison d’Arrêt Centrale de Brazzaville; et ce en violation de l’article 53 alinéa 4 de la loi n°026-92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession d’avocat en République du Congo,

Considérant que notre confrère, Maître Ludovic Désiré ESSOU a été interpellé le 18 février 2017 hors de la présence de monsieur le Bâtonnier ou de monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel de Brazzaville en violation de l’article précité.

Préoccupés des intérêts de notre confrère et de ceux de l’exercice de la profession d’avocat en République du Congo;

L’assemblée générale :

Dénonce le non-respect de la procédure ayant abouti à l’interpellation de Maître Ludovic Désiré ESSOU

Exhortez le parquet de la République garant des droits et libertés et la Gendarmerie nationale au respect de la loi

Exige sa libération immédiate et sans conditions

Décide de la suspension des activités professionnelles des Avocats devant les greffes et les juridictions pendant une durée de trois jours à compter du mardi 21 février 2017. »

Fait à Brazzaville, le 20 février 2017

L’Assemblée Générale