Les dictatures d’Afrique centrale.

0000000000000000000000000000000000000001dictature-3275727Après le Congo, le Tchad et la Guinée équatoriale, le Gabon vient de s’illustrer en continuant la série noire des pays pourfendeurs de la démocratie. Tout ceci au nez et la barbe des puissances occidentales, la « fameuse communauté internationale ». La République démocratique du Congo (RDC) est en embuscade. L’Occident ne nous montre point de puissance mais une connivence dans la perpétration des crimes contre l’Humanité. Priver un peuple de son droit de choisir librement ses dirigeants en est un.

Ce malaise est d’autant plus profond qu’il révèle que nos indépendances découlent d’un lien incestueux entre nos anciens colonisateurs et certaines familles régnantes d’Afrique centrale. Ce modèle de gouvernance à vie existe et il s’appelle la monarchie qu’aucun pays d’Afrique centrale n’a choisi jusqu’à preuve du contraire. Tout ceci se fait au détriment du peuple africain longtemps plongé dans la misère, qui tire le diable par la queue et ne voit poindre aucune solution à l’horizon. Encore un autre jour de deuil dirais-je, un « black day », tant nos vies en Afrique noire sont toujours noires de malheur. Est-ce le fruit de nos pratiques ancestrales ou notre incapacité à sortir nos peuples de la mauvaise passe dans laquelle ils se trouvent ? Toutes ces politiques d’aide au développement sans évaluation n’ont servi à n’enrichir que les mêmes depuis toujours : les anciens colonisateurs et l’élite colonisée. Le bien et le mal deviennent des notions relatives.

Dans tous ces pays, les différentes oppositions au pouvoir en place ont tenté en vain de venir à bout de ces dictatures que notre écrivain Alain Mabanckou qualifiait de petite vérole. Cette maladie infectieuse d’origine virale qui a pratiquement disparu de la terre. La variole qui est très contagieuse et endémique a défiguré le visage de l’Afrique centrale au point de nous rendre méconnaissable vis-à-vis du reste du monde. Encore une fois, nous sommes rattrapés par la tragédie du Roi nègre.0000000000000000000000000000000000000002dictature-5222903

« Celui qui ne connaît pas l’histoire de son pays est condamné à la répéter sans cesse. » C’est peut être là la cause de nos échecs successifs nous autres démocrates de l’Afrique centrale. Ces indépendances artificielles accordées depuis plus d’un demi siècle pour certains, ne nous permettent pas de vivre en Hommes dignes et libres. Cette liberté de disposer de nos richesses, cette liberté de choisir nos dirigeants et cette liberté de mener notre existence comme bon nous enchante dans un cadre préalablement établi. Nos pays sont devenus des prisons à ciel ouvert dans lesquels en supposé citoyens libres, nous sommes obligés de nous battre pour nos droits civiques comme du temps de l’esclavage aux USA et de l’apartheid en Afrique du sud. Nous sommes les plus nombreux, mais aussi les plus opprimés. Il est temps de changer encore une fois notre façon de faire de la politique. Car nous savons tous que c’est l’oppresseur qui détermine l’arme de l’opprimé.

En Afrique centrale, le gouvernement, l’armée et le parti du pouvoir en place sont les lieux de rémunération les plus juteux, alors que ceux-ci ne sont créateurs d’aucune richesse. Ils n’apportent généralement rien à nos économies. Serions-nous différents de nos frères d’Afrique de l’Ouest ? Sans trop m’avancer, je dirai oui, car les autres pensent leur pays comme un projet collectif nécessitant l’implication de tous, alors qu’en Afrique centrale le pays est une propriété privée du dictateur en place.

Je ne peux me résoudre à penser qu’il n’y a plus d’alternative car tous les jours qui se suivent se ressemblent. Nous autres assistons les bras croisés avec un œil complice au bal des tyrans dans l’espoir d’en récolter les miettes. Nous avons abdiqué et nos rêves aussi grands au départ s’amenuisent pour être réduits en peau de chagrin. Certains veulent prendre la vague ou le train en marche de la décadence. Nous devrions faire attention, car être dans le vent c’est avoir le destin d’une feuille morte. Et je ne puis m’imaginer que sans boussole, nous ne terminions notre course dans un brasier.

Les massacres, les violences, la mauvaise gouvernance, les violations des droits humains continuent sans que la communauté internationale n’intervienne. Celle-ci nous considère-t-elle toujours comme des êtres humains ? Sous le prétexte de la non ingérence dans les affaires intérieures de nos pays respectifs, elle ne lève pas son doigt réprobateur. Car vaut mieux faire des affaires avec des dictateurs qui garantissent la paix des cimetières, que d’avoir à traiter avec ceux qui voudront discuter d’égal à égal. « Les états n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » dixit de Gaulle. Détruire les monuments de Tombouctou est passible de la cour pénale internationale (CPI), alors que tuer quelques nègres dont le sort n’émeut pas grand monde reste anecdotique. Quand on en tue un c’est un drame, nombreux ce ne sont plus que des statistiques.

J’interpelle tous les démocrates d’Afrique centrale afin que nous puissions nous concerter pour mettre fin à cette gangrène. Nous serions intelligents nombreux. Si nous laissons faire, nous allons tous mourir de honte. Dans ce cas nous aurions encore trahi une fois de plus la mémoire de nos illustres figures telles que Lumumba, Nkrumah, Mandela, Sankara, Nyéréré, etc. Lumumba disait « si je meurs demain c’est qu’un blanc aura armé la main d’un noir. » Cela reste toujours vrai et d’actualité car le prédateur de l’homme noir c’est l’homme noir lui-même. Ceci ne devrait plus être un frein afin d’aller de l’avant. Nous avons fait le diagnostic, nous avons les ressources, les outils et la méthodologie, alors il ne tient plus qu’à nous de changer le monde. L’Occident ne viendra jamais à notre secours car nous n’attendrons rien des personnes qui bafouent les droits de leur propre minorité. Ils ne nous considèrent que comme des variables d’ajustement que nous ne sommes pas. Ils sont toujours préoccupés par nos situations post-électorales, doutent de la sincérité du vote, appellent à la retenue, réprouvent avec fermeté tout recours à la violence, pour finalement après reprendre langue avec nos dictateurs : « The show must go on : le spectacle doit continuer. »

La seule leçon que nous devrions retenir est que le créateur a fait l’Afrique centrale belle et riche que les autres en sont mécontents. Ne leur laissons pas la possibilité de nous la détruire pendant qu’il est encore temps. J’ai mal pour l’Afrique centrale ce jour, mais seule la lutte libère et il ne peut en être autrement.

Je terminerai par ce proverbe du Malawi : « Celui qui désire la pluie doit aussi accepter la boue. »

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Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA