Les espoirs déçus de l’équipe gouvernementale de Clément Mouamba

Nommé le 23 avril 2016 comme Premier-ministre du premier Gouvernement dit de la ¨Nouvelle République¨, Clément Mouamba n’arrive pas encore à marquer les esprits de ses compatriotes. Dans un pays rongé par l’assèchement financier causé par la crise financière internationale mais aussi par une gestion « mboka-mboka » des recettes issues de la manne pétrolière, le Premier-ministre est appelé à répondre à la forte demande sociale et surtout, à se montrer proactif.

Le récit peut paraître abscons, c’est pourtant la vérité. Nous sommes dans un grand hôtel de la capitale congolaise. Des cadres ressortissants du département du Pool, en butte à des soucis d’ordre sécuritaire, s’y sont réunis pour accorder leurs violons et envisager la solution à apporter au retour de la paix dans leur département. C’est le moment choisi par le Premier-ministre, Clément Mouamba, pour réduire à minima la situation conflictuelle dans le Pool. Aussitôt, des grincements de dents fusent de partout dans la salle. Certains vont jusqu’à grommeler, Isidore Mvouba en tête, en demandant au Premier-ministre de réparer illico presto ce qui s’apparente à leurs yeux à une bourde.

Comme si cela ne suffisait pas, Clément Mouamba a récidivé le 20 octobre dernier à l’Assemblée Nationale devant les députés. Guy Brice Parfait Kolelas, député de Kinkala, est resté sur sa soif en entendant le Premier-ministre marmonner des réponses évasives. 5 mois après sa nomination, le Premier-ministre donne l’impression d’être déconnecté des réalités sociopolitiques et culturelles de son pays. Moins présent et inactif sur le terrain, il n’est toujours pas au bon endroit, au bon moment.

On le voit recevoir des « sapeurs », notamment Hamed Yala, un homme qui est tout sauf « sapeur », alors que les réseaux sociaux ont pris l’habitude de relayer des informations sur la faillite financière de l’Etat congolais. Ce qui apeure davantage les fonctionnaires congolais, les créanciers de l’Etat et autres partenaires au développement. Muet comme une carpe (il paraît que c’est l’attitude des gens de la Banque Centrale), Clément Mouamba joue-t-il au pourrissement de la situation sociopolitique du Congo ? L’autre fait qui plombe l’action du Premier-ministre est que des observateurs de la scène politique nationale ont vu d’un très mauvais œil, le nombre pléthorique de ses conseillers, alors qu’il répète à tue-tête, dès qu’on lui tend un micro, que « les caisses de l’Etat sont vides ! ». On comprend aisément pourquoi bon nombre de ses conseillers usent leurs chaussures à longueur de journée, sac cartable en mains et veste démodé au corps, pour attendre soit un taxi, soit un « mal à l’aise », soit un « cent-cent (tacot) ». Pis encore, certains conseillers que nous avons interrogés avouent, sans état d’âme, que « le Chef n’est pas à la hauteur ». Et d’ajouter que « c’est Rigobert Maboundou, Directeur de cabinet du Premier-ministre, qui gère tout ».

Une autre image, non moins reluisante, du style Mouamba, c’est de voir sa secrétaire particulière, une certaine madame Makaya, travailler dans une cuisine qui tient lieu de bureau. Tant pis si quelques gouttes d’huile peuvent parfois dégouliner sur le parafeur à présenter au Premier-ministre. Mfumu Fila, le nouveau conseiller en communication du Premier-ministre a dû se soustraire de cette grande pagaille après qu’il a constaté que Clément Mouamba écoute plus ses parents Bayaka que les conseils de l’expert qu’il est censé être. On eût dit que l’ancien Directeur de cabinet de feu Félix Mamalepot, l’ex gouverneur de la BEAC à Yaoundé, est surpris par l’ampleur de la tâche et des responsabilités qui lui incombent. Voici 5 mois que le Premier-ministre travaille dans une maison d’habitation, au Plateau centre-ville, signant les parafeurs dans la salle à manger et recevant ses hôtes de marque dans une chambre attenante. Sa sécurité est des plus médiocres. A l’occasion d’une visite héliportée dans le Pool, n’eût été la vigilance d’un Officier Général, Clément Mouamba, accompagné de deux gendarmes seulement, courait le risque de se livrer aux hommes de Fréderick Bintsamou, alias Pasteur Ntumi. Incapable d’occuper les bureaux de la Primature sise en face de la Gare ferroviaire de Brazzaville, le Premier-ministre n’arrive toujours pas à débloquer des sous pour achever les travaux de réfection de la Primature. Une attitude qui traduit quelque peu une apathie voire un manque d’autorité.

Dans les milieux de l’équipe gouvernementale, certaines indiscrétions font état du grand désordre qui y règne. Des ministres s’absentent, sans explications aucunes, des conseils de cabinet. D’autres prennent des décisions sans en tenir informé le Premier-ministre. C’est le cas, par exemple, d’Arlette Soudan Nonault, Ministre du Tourisme et des Loisirs. Qui s’illustre – disent d’elle ses collaborateurs – par un « excès d’autoritarisme et par une gestion peu scrupuleuse des taxes touristiques qu’elle collecte et verse dans son compte personnel ».

Arlette Soudan Nonault, loin s’en faut, n’est pas seule dans cette pagaille. Nicéphore Fylla de Saint Eudes, Ministre de l’Enseignement Technique, Professionnel et de la Formation Qualifiante, n’a pas fait durer le round d’observation pour nommer sa propre fille comme Directrice de l’Ecole Numérique. En compagnie de son conseiller spécial dont les initiales sont R.O.O, un homme qui a le modeste niveau de la classe de 1ère, il sillonne la République et le monde sous-couvert des missions de service. Manifestement, le Premier-ministre éprouve de la peine à maîtriser son troupeau.

Un ministre de la République a consommé boissons et nourritures d’un montant de 30 millions de FCFA !

S’il est également un ministre dont se gausse l’opinion nationale et internationale, c’est Léonidas Mottom Mamoni, Ministre de la Culture et des Arts, moins actif là où on l’attend le plus, notamment le terrain de la culture resté en jachère pendant le passage de Bienvenu Okiemi. Son terrain de prédilection semble être la politique spectacle, soit on le voit en veste et cravate en train de désherber, devant caméras de Smartphones, les alentours de son cabinet, soit en train de prendre des mont-blanc à la kinoise sur le pont du 15 août, quand il n’ingurgite pas du vin de palme ou de la bière en compagnie de quelques amis… La culture, au sens noble du terme, mérite-t-elle une telle ignominie ? Celui qui nourrit l’ambition de succéder à Léon Alfred Opimba à la tête du département des Sports, où, semble-t-il, coulent plus du lait et du miel, vit néanmoins au rythme des paiements des droits d’auteurs qu’il fait exiger même à des propriétaires de salons de coiffure qui n’ont ni radio ni télévision…
De l’avis des observateurs de la scène politique nationale, les micmacs qui ont cours dans le fonctionnement de l’équipe gouvernementale dirigée par Clément Mouamba ne sont pas, loin s’en faut, pour l’essentiel, à mettre au passif du Premier-ministre. Beaucoup de ministres rendent plutôt compte à leurs parrains qu’à Clément Mouamba. C’est, semble-t-il, le cas de Léon Juste Ibombo, Ministre des Postes et Télécommunications, qui préfère avoir à faire à Dieu qu’à ses saints. En effet, Ibombo ne jure que par le nom d’Egard Nguesso, son suppôt qui l’a fait, contre toute attente, entrer dans l’équipe gouvernementale. Il en est de même de Léonidas Mottom, l’acolyte de Léon Juste Ibombo au sein de la MN2NR, du Directeur du Domaine Présidentiel.

Elvis Tsalissan Okombi, leur collègue ministre, qui doit son ascension politique à Hugues Ngouelondele et, dans une moindre mesure, à Jean Jacques Bouya, se montre quant à lui plus homme d’affaire que homme politique. Pour la petite histoire, c’est Hugues Ngouelondele qui lui apporte son premier soutien financier dans le cadre de la mobilisation des jeunes. Et en sa qualité de Président de l’UMP, Okombi Tsalissan se rend à Pointe-Noire où, selon certaines indiscrétions, il en profite pour s’offrir une parcelle et racheter la chaîne de télévision TPT (Télévision Pour Tous). Une chaîne installée à Pointe-Noire mais gérée à partir de Brazzaville par son nouveau propriétaire. Le moindre paiement d’une publicité par un annonceur ou autre communiqué nécrologique oblige son promoteur à prendre le téléphone pour demander à son collaborateur immédiat de lui faire parvenir illico presto les menues recettes de la journée. « J’aime beaucoup l’argent, et je souhaite que vous me mettiez au courant chaque fois qu’il y a une bonne affaire », a vivement recommandé le PDG de TPT à ses travailleurs, souvent payés à la main tels des militants qui viennent d’assister à un meeting de l’UMP. Une autre cacophonie à mettre à l’actif du Ministre délégué auprès du Premier-ministre, chargé des Relations avec le Parlement, c’est de s’autoproclamer médiateur entre le pouvoir et l’opposition, alors qu’il n’en a ni l’étoffe, ni l’appui du Chef de l’Etat pour ce genre d’initiative.

Parmi les ministres qui se croient tout permis, parce que soutenus par un membre de la famille présidentielle, apparaissent également les visages de Destinée Doukaga, Inès Bertille Nefer Ingani, Calixe Ganongo, qui dépendent, semble-t-il, de Denis Christel Sassou-N’guesso. Tandis que Jacqueline Lydia Mikolo, Anatole Collinet Makosso « prêtent serment » devant, respectivement, Jean Jacques Bouya et la Première dame Antoinette Sassou-N’guesso. S’agissant du ministre Destinée Doukaga, elle a défrayé la chronique pendant son séjour à Madingou en s’affichant, de manière éhontée, avec un filet noir sur la tête devant les caméras de la télévision nationale. Lorsque la Ministre de l’Instruction Civique bredouille un discours, on eût dit qu’elle garde intact son français militaire. En effet, Destinée Doukaga est une ancienne femme en treillis des FAC, qu’elle a désertées avant de s’improviser, à partir de l’étranger, opposante au régime de Denis Sassou-N’guesso.

L’une des plus grandes bourdes depuis l’arrivée de Mouamba à la tête du gouvernement, c’est celle d’un ministre de la République, ressortissant du département du Pool, qui s’est livré à un festin digne d’un prince à New-York, buvant et mangeant à satiété pendant son séjour d’un mois à l’hôtel pour fêter son maintien au même poste au gouvernement. Coût total des boissons et gueuletons, pendant cette fête qui ne dit pas son nom : 30 millions de FCFA ! Informé, le Président de la République a dû demander à Clément Mouamba de réprimander ce ministre qui se prenait ainsi pour un enfant gâté. Les images de l’amateurisme ainsi que des scandales de certains ministres sont tellement nombreuses qu’il faille nous arrêter à quelques morceaux choisis.

« En ces temps de grave crise financière, période pendant laquelle le Gouvernement doit se montrer hyper actif, le Premier-ministre est trop administratif », disent de lui certains observateurs de la scène politique nationale. Une posture indolente qui le dessert quelque peu. Est-ce le poids de l’âge couplé à l’absence de capacité à produire régulièrement des idées nouvelles adaptées à la situation actuelle du pays ? Travaille-t-il la peur au ventre d’être défenestré par Denis Sassou-N’guesso ou alors d’être mangé à la sauce du PCT, que certains amuseurs publics appellent à Brazzaville : « parti des comploteurs et des tacles » ? Ou encore, adopte-t-il une attitude effacée pour travailler de manière efficiente ? Autant de questions qui alimentent le débat politique dans l’opinion nationale voire internationale.

Guy Milex MBONDZI