Mbongui
Par : Patrick Eric MAMPOUYA
LE KIMUNTU OU LA VALEUR SUPPRÊME DES BAKÔNGO
Les valeurs font référence à des attributs et des perceptions qu’une personne partage avec les membres de son groupe social. Les valeurs développées au sein d’une société revêtent une grande importance lors de la prise de décision. Notre pays se caractérise actuellement par un manque de valeurs positives qui annihile toutes les mesures, les règlements et même les décrets et les lois anciennes ou nouvelles.
Etant donné que le comportement d’un individu n’est pas automatiquement lié à la morale, il va de soi que si l’on veut avoir des individus qui respectent les principes éthiques, une incitation à l’amélioration du comportement individuel est nécessaire. Mais, l’incitation seule ne suffit pas, il y a aussi et surtout la peur du gendarme ou de la sanction qui oblige les membres d’une société à adopter les bons comportements, les bonnes attitudes et surtout à respecter les règles et les lois admises dans la société.
Pékin et la guerre contre les crachats
Le crachat est un acte délibéré par lequel un individu rejette de sa bouche des mucosités indésirables. C’est une décision personnelle, mais dès lors que cet acte pollue l’environnement ou déplaît à autrui, il devient une nuisance.
La municipalité de Pékin avait lancé une campagne pour encourager les gens à ne plus cracher, jeter des détritus ou laisser des crottes de chien sur la voie publique.
Cette habitude (craché dans la rue) était si profondément ancrée que, malgré les nombreuses initiatives mises en œuvre pour l’éradiquer, les autorités ne sont jamais parvenues à leurs fins.
La grande majorité des gens ne crachent pas par terre chez eux, car on leur a appris dès l’enfance qu’ils ne devaient pas souiller le sol de leur foyer. Il semble donc que beaucoup de Chinois n’aient pas appris à se conduire dans les lieux publics comme ils le font chez eux et que beaucoup de lieux ne sont pas suffisamment propres pour que les promeneurs aient des scrupules à les maculer davantage de leur salive.
La municipalité de Pékin envisagea donc deux mesures pour faire face au problème : l’installation de boîtes à crachats dans les rues et une amende de 50 yuans pour les contrevenants. Ce plan était à la fois judicieux et humain, car il infligeait de lourdes amendes à ceux qui souillaient l’environnement tout en laissant aux gens qui ne pouvaient réprimer leur envie de cracher la possibilité de le faire.
La campagne de la municipalité de Pékin porta ses fruits, même si les mesures ont pu avoir un impact psychologique sur les personnes visées. Mais le meilleur moyen de débarrasser les Chinois de cette pratique peu civilisée reste à n’en pas douter l’éducation des enfants, à qui il faut apprendre de ne pas cracher dans la rue et la sanction pour les adultes. Les valeurs ne sont pas innées, elles sont acquises.
Le développement : Une histoire de valeurs et non de moyens financiers
Notre pays le Congo-Brazzaville se caractérise actuellement par l’absence de valeurs positives, l’absence de modèles dans la société et par un sous-développement chronique.
Les valeurs et les bons comportements s’acquièrent au sein de la famille ou du groupe social dans lequel on évolue. La France qui est et reste notre modèle (n’en déplaise à certains panafricanistes défroqués) a battit sa prospérité et son modèle sur trois valeurs fondamentales : Liberté-Égalité-Fraternité. Les USA ont chevillés au corps et vendent à chacun la culture du « rêve américain » qui donne à chaque citoyen la possibilité de gravir les échelons s’il a des talents, les autorités Chinoises ont demandé à tous les chinois de s’enrichir, et nous congolais, quelles valeurs pouvons nous mettre en avant pour faire avancer tous les congolais dans la même direction ? Avons-nous seulement une valeur commune qui puisse entrainer tous les congolais dans la même direction ?
Refaire un système politique, social ou autre avec des hommes et des femmes qui, en grande majorité, préfèrent continuer avec les anciennes habitudes n’est pas chose facile. Moins de contrôle, plus de libertés individuelles, conservation des pratiques anciennes, voici en partie tout ce qui permet aux individus d’être réticents face au changement.
Des hommes et des femmes au passé différents, aux valeurs différentes et aux ambitions quasi-opposées ont été enfermés dans des frontières communes pour qu’ils forment ce qu’on appelle aujourd’hui un pays et une Nation. Certains ne jurent que par le mbongui pour résoudre tous les problèmes, toutes les difficultés quand d’autres ne pensent qu’à la guerre, à la violence pour trouver des solutions. Il est évident que pour que ce cocktail puisse fonctionner et avancer dans la même direction, un formatage complet est requis.
Tous les pays qui se sont développés à travers le monde sont passés par une refondation des valeurs communes. Les Congolais doivent définir les valeurs positives communes sur lesquelles la société doit se reposer pour enfin s’engager dans une politique de développement cohérente qui va obtenir l’adhésion de tous et sortir une bonne fois pour toutes des querelles inutiles et des guerres intestines qui ne font le bonheur de personne car même ceux qui gagnent les guerres sont en réalité des perdants parcequ’ils restent prisonniers de leur stratégie : La violence.
Le Kimuntu
Au sein de la société congolaise il y a un groupe d’individu qui a un passé incontestable depuis plusieurs siècles et qui est resté homogène dans les valeurs humanistes qu’il véhicule. Ce groupe est constitué par les Kôngo/Lari.
Comme tous les peuples, les Kôngo/Lari ont su cultiver et développer tout au long de leur histoire un ensemble de valeurs qui ont marqué et marquent encore leur vie en dépit de nombreuses vicissitudes. C’est sans doute grâce à ces valeurs humanistes et d’ouvertures que les Kôngo/Lari ont réussit à tisser des liens indéfectibles et fraternels avec d’autres peuples ou peuplades proches ou lointains.
Exclu ou plutôt maintenu très loin de la gestion des affaires publiques de notre pays depuis plusieurs décennies, ce groupe ethnique fier de son passé, jaloux de ses valeurs, continu inexorablement à transmettre son mode de vie, son passé, ses valeurs humanistes et surtout son idéal qui est toujours d’actualité (le bien être collectif).
Le kimuntu est une valeur congolaise, le Kimuntu est une valeur Kôngo qui intègre tous les commandements de la bible depuis des générations. Le Kimuntu est le contraire des valeurs négatives telles l’immoralité, le désordre, la saleté, l’injustice, la domination, la guerre, le mensonge, le vol, l’escroquerie, la manipulation, l’arrogance ect… Le Kimuntu est aussi le contraire de tout ce qu’on nomme pudiquement dans notre pays par antivaleurs, (un congoliscisme qui sert à masquer ou à minorer les mauvais comportements, les mauvaises pratiques, les délits et les crimes économiques ou les mauvaises habitudes). Le Kimuntu représente aussi un ensemble de valeurs hautement culturelles, scientifiques, politiques et spirituelles, un développement de facultés intellectuelles et des connaissances ésotérique chez les Kôngo.
« Ngué muntu » est le plus beau compliment qu’on puisse faire à une personne. On admet par là qu’il possède un ensemble de valeurs positives.
Quand on dit qu’une personne a le Kimuntu, c’est pour saluer son humanité et son esprit : « il est intelligent ! ». À contrario, Kena na Kimuntu Ko : « il n’a pas le Kimuntu », sous-entendu il est irrespectueux, brutal, vulgaire, pas de bonnes mœurs ect.
Le Mbongui
Le mbongui n’est autre qu’une assemblée permanente située au coeur du village où les hommes palabrent entre eux. Le mbongui est un lieu où tout se raconte et se décide, où la démocratie s’exerce. Le Mbongui est un lieu d’écoute et de transmission orale de la culture Kôngo, partout où ils se rassemblent, où ils vivent, il y a un mbongui.
Dans nos sociétés urbanisées, le mbongui ne se tient plus que périodiquement lors des grands rassemblements familiaux ou à l’occasion des mariages ou des décès. Sous la houlette du chef de famille, tous les problèmes et toutes les difficultés y trouvent des solutions ; c’est le cas pour les problèmes d’héritages par exemple ou pour désigner celui devra s’occuper des orphelins.
La fonction de chef de famille chez les Kôngo est dévolue non pas à là personne la plus âgée mais à celui ou celle qui a le plus le Kimuntu. Ainsi, les décisions prises par le chef de famille « mfumu kanda » sont exécutoires et doivent être exécutées par tous les membres de la famille.
Les Kôngo refusent d’adopter les langues nationales, ils contestent tous les pouvoirs autocratiques même les plus terrifiants ou les siens propres, ils poursuivent leur logique politique, leur vision du développement. Ecrasés à plusieurs reprises, maintenu loin des cercles de pouvoir et d’argent mais pourtant ils ne baissent pas les bras. Fanatiques et contestataires, fêtards et austères, régionalistes et nationalistes, migrants partout et concentrés chez eux, ils ont autant de qualificatifs contradictoires qu’on leur affuble.
Les Kongo/lari ont gardé dans leur mémoire collective les séquelles d’un exode long et difficile depuis l’Angola. Chassés par les Portugais parce qu’ils refusaient de perdre leur royaume, ils se sont retrouvés, une fois arrivés sur les terres de l’actuel Congo-Brazzaville, face à de nouvelles injustices subies de la part de la colonisation française qui débutera peu après. Comme la plupart des peuples ayant connu l’errance, tels que les juifs, leur mémoire et leur identité se sont entretenus dans une langue, une foi et un mythe politique.
Sans complexe, les Congolais devraient revisiter les valeurs Kôngo au lieu de parcourir le monde entier pour rechercher les méthodes et les cadres étrangers afin de faire fonctionner leur administration, ou de développer leur pays.
Mains tendues, bouches ouvertes et toutes hontes bues, les autorités congolaises sont à la poursuite permanente des autres africains tels les ouest-africains pour développer leur pays, pour gérer leur administrations, pour investir dans leur économie ou tout simplement pour former leurs cadres, comme si les congolais ne savaient rien faire. Une honte nationale.
Il est incontestable aujourd’hui que la question du respect des droits de l’homme reste une priorité au Congo-Brazzaville, les valeurs Kôngo avaient intégrées depuis plusieurs siècles déjà les valeurs humanistes. On ne peut pas parler d’éthique si on n’arrive pas à établir et à faire respecter les règles et les principes fondamentaux des Droits de l’homme.
Partick Eric MAMPOUYA
Patrick Eric Mampouya