Après la célébration de la fête nationale congolaise du 15 août 2016, en quoi avons-nous tous été concernés par cet événement ? La nation nous unit et ce qui fonde la république c’est l’état de droit. Notre équation porte sur deux variables qui sont la construction d’une nation et d’un état de droit. C’est l’un des échecs patents de notre pays, 56 ans après l’indépendance. Nous avons échoué à bâtir une nation, c’est-à-dire un « ensemble de personnes vivant sur un territoire commun, conscient de son unité historique, culturelle, linguistique, religieuse, et constituant une entité politique. »
D’historique, le Congo depuis son indépendance se singularise par une culture politique violente pour l’accession à la magistrature suprême et une redistribution inégale de ses richesses. La minorité qui dirige le fait en s’appuyant sur la tribu excluant de facto la majorité de la population de l’exercice du pouvoir. C’est ce que nous appelons le tribalisme, synonyme d’exclusion. De culturelle, les multiples coutumes du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, nous rendent différents les uns des autres. Gageons qu’avec le métissage dû à la compréhension de l’autre et des mariages interethniques, nous nous rapprocherons de plus en plus. La langue est notre plus grand atout. Malgré nos dialectes multiples, le lingala et le kituba (ou munukutuba) font vibrer en nous cette fibre congolaise. Nous pouvons nous comprendre sans artifice. De la religion que nous recevons en héritage de nos parents, nous sommes chrétiens en majorité, le Christ notre Seigneur nous réunit dans nos églises. Bien que maintenant certaines sectes concurrencent nos vieilles églises et nos vieux temples. Point de projet politique ne pointe à l’horizon, pour certains la victoire est toujours au bout du fusil. C’est là notre drame.
L’état congolais post colonial a eu du mal à construire une nation congolaise, trait d’union de tous les congolais, en tenant compte de ces différents thèmes ci-dessus évoqués afin que nous nous sentions appartenir à une nation. Les gouvernements congolais successifs, minoritaires, car basés sur la tribu, n’ont pas su gérer la diversité. La société civile et le secteur privé congolais qui font la richesse d’un pays n’ont jamais trouvé de place dans un monde où l’homme politique est omniprésent et omnipotent. Il est difficile dans ce contexte d’affirmer son appartenance à un état souverain. La nation c’est plus que le gouvernement, comme le tout est plus que la somme des parties. Nous devrions sortir de la dictature de l’urgence qui est la « municipalisation accélérée » pour penser notre projet de société digne qui devrait être réfléchi, formulé en tenant compte de nos besoins et de notre avenir. Les signes avant-coureurs de la crise congolaise ne sont pas suffisamment pris en compte. De tous les scénarii, seuls les plus optimistes sont proposés, refoulant les plus pessimistes sans pour autant comprendre comment les écarter ou les surmonter. C’est là aussi l’une de nos faiblesses.
De nos états embryonnaires dépourvus de justice sociale notamment dans la redistribution de la richesse nationale, nous devrions faire le pari de la construction d’une nation congolaise. Espace dans lequel nous vivrions et partagerions en commun une histoire, une culture, une religion, une langue. Cette fierté, ce sentiment d’appartenance à la terre de nos ancêtres devra faire de nous les congolais de demain soucieux de bâtir une nation moderne et prospère. C’est notre défi du XXIème siècle, au-delà des concepts fumeux tels que l’émergence qui n’est ni un produit ni un plan, mais qui résulte de la transformation radicale de notre société, notre économie et notre culture. Ce qui importe pour nous c’est d’essayer de comprendre les dynamiques de transformation à mettre en œuvre, en repérant les invariants, les facteurs de changement, les acteurs, leurs stratégies, les ressources et les incertitudes qui y sont liées. Ensuite, on construira des scénarii aussi pessimistes qu’optimistes pour identifier les hypothèses d’avenir possibles. Notre capacité d’adaptation sera de comprendre ce qui change, ce qui va changer, tout en étant acteurs du changement, et en espérant que quelque chose germe. Ainsi, nous participerons à la démocratisation de notre société pour le meilleur de tous et l’intérêt général. L’unité doit toujours sauvegarder les diversités.
Comme disait Arthur Golden « l’adversité est comparable à un vent déchaîné : elle nous arrache tout, sauf l’essence de ce que nous sommes véritablement. » Nous sommes le peuple congolais et notre devoir est de construire la nation congolaise de demain.
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Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA