» Si nous ne voulons pas laisser le monde sombrer dans le chaos, nous devons libérer l’amour qu’abrite le cœur de tout homme « Victoria Hislop
On aimerait en rire, tant l’absurde le dispute au ridicule dans ce feuilleton qui étale sous nos yeux, la fin de règne calamiteux de Sassou. De fait, depuis un peu plus de deux ans, par pur cynisme, Sassou a décidé de braver l’ordre constitutionnel et de demeurer au pouvoir, ad vitam aeternam. Tous les arguments ad hominem qu’il développa jadis contre Pascal Lissouba, auraient dû le couvrir de honte et étouffer dans l’œuf sa gloutonnerie du pouvoir. Que nenni ! Dans une démarche qui défie la logique et le bon sens, une fois de plus, Sassou reste persuadé que sa bonne étoile ne lui fera pas défaut. Imperturbable, il affine chaque jour sa funeste stratégie du chaos, quitte à mécontenter tous les démocrates qui avaient la faiblesse de croire qu’un dictateur pouvait se muer en démocrate.
C’est un truisme de le rappeler : la période euphorique de la victoire militaire d’octobre 1997 a donné plus de coudées franches aux concepteurs de la Constitution du 20 janvier 2002, pour s’attaquer à la limitation des mandats présidentiels, à la limitation d’âge, mais surtout en y introduisant les verrous tangibles incarnés par les articles 57 et 185, aux seules fins de permettre une alternance politique.
Cependant, afin de permettre à Sassou de briguer un 3e mandat en contournant ces articles qui scellent l’alternance dans le marbre, les officines d’Oyo ont opté pour l’abrogation pure et simple de ladite constitution. Elles entendent ainsi proposer une nouvelle constitution qui serait entérinée par voie référendaire, pour aller vers leur « Nouvelle République ». Seulement voilà, lui qui s’est toujours passé pour la victime ; lui qui a vu tous ses meilleurs concurrents pour la conquête du pouvoir tomber les uns après les autres, happés par la guigne ; lui qui se présentait comme le meilleur défenseur de la constitution de 1992 ; bref, lui qui aurait pu -selon ses zélateurs – rentrer dans l’Histoire par la grande porte, y sera manifestement défénestré, sans autre forme de procès.
Le chaos comme stratégie
En dépit de toute vraisemblance, l’apparente maitrise du calendrier politique par Sassou n’est qu’illusoire. Il bat en permanence les flancs pour essayer de redresser le navire qui commence à prendre l’eau. Les faits sociologiques sont tributaires d’innombrables arias et aléas et par conséquent, certains arguments valables hier pour réaliser son coup d’Etat constitutionnel, ne le sont plus aujourd’hui.
Dans la quête désespérée d’une introuvable « jurisprudence » à laquelle il pourrait s’accrocher, Sassou a financé à coups de milliards de F CFA, les députés du Burkina Faso pour les stimuler à modifier l’article 37, dans le seul but de faire obtenir un 3e mandat à Blaise Compaoré. Peine perdue, une marée humaine a pris d’assaut l’Assemblée nationale le jour du vote, mettant in fine un terme aux velléités monarchiques du beau Blaise.
Dernières turpitudes : le Président Congolais qui a la triste réputation de priver son peuple d’eau et d’électricité ; venait de se faire remonter les bretelles par une objurgation en bonne et due forme de Paul Kagamé à cause des 20 milliards de F CFA de don octroyé à Pierre Nkurunzinza pour lui permettre de soudoyer les membres de la commission électorale, son armée, sa police et son parti politique dans le but de négocier un 3e mandat.
Logiquement, après l’affligeant dialogue de Sibiti qui ressemblait à s’y méprendre à un congrès du PCT, l’étape suivante fera place à l’annonce de la tenue d’un référendum constitutionnel . Probablement après les jeux africains, en octobre 2015. D’aucuns estiment qu’il pourrait le faire bien avant, histoire de prendre l’opposition de court.
La rencontre pctiste de Sibiti aurait dû être inspirée par un élan patriotique, en mettant un peu d’eau dans le vin dans le sens d’un consensus, notamment pour améliorer la « gouvernance électorale ». Or, sur ce point notamment, les conclusions de Sibiti ont tout bonnement mis en exergue la mauvaise foi de Sassou et de ses sbires, qui n’ont pensé qu’à protéger le quignon de leur confort. Toutes les résolutions y relatives portent en elles les graines du chaos.
Comme à Dolisie et à Ewo, les tenants du pouvoir sont restés évasifs sur les délais relatifs à la réalisation d’un découpage électoral fiable qui tiendrait compte de la densité de la population par circonscription. Quant à la biométrie et l’introduction du bulletin unique, les membres de cette commission ont préféré renvoyer leur applicabilité aux calendes grecques.
Pire, le point 5 le plus emblématique, relatif aux « listes électorales » est à mille lieues d’une volonté d’apaisement. Au contraire, les listes électorales conflictuelles, issues du Recensement Administratif Spécial (RAS) qui avaient consacré un Nord plus peuplé que le Sud, seraient la base sur laquelle on procéderait à d’éventuelles révisions. Pour ajouter l’immoralité au tableau, ils ont l’outrecuidance d’affirmer que « ces listes ont été réalisées de façon paritaire par l’ensemble des parties prenantes aux élections » (sic).
Destruction créatrice ou remake de 1997 ?
Tous les éléments ci-dessus évoqués constituent le cocktail explosif qu’il faudra surveiller comme l’huile sur le feu. Un véritable cautère sur une jambe de bois. On se souvient qu’il a suffi au gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) d’annoncer l’organisation d’un recensement de la population pour l’élection présidentielle de 2016 pour créer un climat insurrectionnel. Et pour cause, l’opposition et la société civile étaient persuadées que cette opération ne serait jamais terminée avant 2016 et entrainerait ipso facto « un glissement » pour maintenir Kabila au-delà de 2016.
Dans notre pays, il est illusoire de s’attendre à une élection libre, démocratique et transparente en 2016 avec ces listes électorales truquées, ni avec une CONEL dirigée par les membres du PCT, ni avec les circonscriptions incongrues ( Exemple : Ollombo avec 21 272 Hbts a deux députés et NKayi avec 71 000 Hbts a un seul député). Remettre toute cette gouvernance électorale à plat nécessite au moins un an de travail rigoureux.
Tout compte fait, l’élection présidentielle en 2016 est déjà compromise et Sassou n’a aucune volonté d’organiser une élection présidentielle apaisée. Il croit s’en sortir en organisant une situation de chaos, qui ne sera pas pris ici dans le sens d’une « destruction créatrice » (Schumpeter), mais un remake de 1997 qui empêcherait une redistribution de cartes. Occultant royalement l’eau qui a coulé sous les ponts ; comme en 1997, il croit qu’il demeurera maitre du jeu.
La déliquescence de la dictature…
On n’a jamais destitué une dictature par les urnes. Celle de Mpila ne fera pas exception. C’est le moins qu’on puisse dire. Toutefois, la déliquescence généralisée du despotisme à laquelle on assiste actuellement en Afrique marque, somme toute, un véritable changement d’époque et de paradigme. Les peuples, conscients de leurs responsabilités, ont inventé par eux-mêmes, le fil d’Ariane qui leur permet de porter l’estocade aux tyrans. Sassou et son clan sont prévenus. Nous sommes dans la phase crépusculaire des dictatures sous la poussée des lames de fond de peuples assoiffés de liberté et d’épanouissement.
Les Burkinabè ont relevé avec brio ce grand défi, les Burundais n’ont pas baissé les bras. Je prends date aujourd’hui, ils vaincront. Demain, le vaillant peuple Congolais saura sans nul doute, exhumer son passé glorieux et élever notre pays à la marche qu’il mérite : la plus haute. C’est à cela que l’on reconnaît un grand peuple, si tant est que nous en ayons conscience d’en être encore un.
Sans aucun doute, les Congolais éclairés de la diaspora, ont pris leurs responsabilités en date du 6 juillet 2015, en expliquant au Président F. Hollande, que la stratégie diplomatique de séduction déployée par Sassou, en cachait une autre : celle de la préparation d’un chaos politique et sécuritaire au Congo. Dans le même esprit, les forces vives organisées sur le terrain tiennent un évènement majeur : « le dialogue alternatif ». Un évènement qui, sans aucun doute, pourrait rester dans l’histoire, comme le point de départ d’un mouvement populaire multiforme pour contrecarrer le chaos préparé par Sassou.
A la vérité, il nous revient à tous et à toutes, fils et filles de ce pays, de conjurer le pire qui s’annonce. Car, si on n’y prend garde, il ne sortira de cette politique du chaos que le chaos lui-même.
Djess Dia Moungouansi « La plume du Congo libre »