Cette simple question suscite beaucoup de remous. Voilà quinze ans
que l’opposition congolaise se disperse, se contredise, s’entredéchire, bref multiple des actions qui annihilent le combat pour la restauration de la démocratie.
Les erreurs d’une opposition désorganisée
Les ambitions des uns surplombent la volonté patriotique des autres. On est parti d’une organisation à plusieurs têtes baptisée ERDDUN, où rien ne se décidait collégialement comme il fallait. Un premier ministre résidant en Côte-d’Ivoire et un Président à Paris semblaient organiser une résistance des ombres dépourvues de tous moyens. Les contradictions latentes resurgissaient faisant de certains membres de cette organisation des proies faciles à la cooptation et à la récupération politique en faveur de ceux-là même qu’ils prétendaient combattre.
On ne fut pas surpris de l’accélération de plusieurs membres de cette organisation à la défection trahissant du même coup le combat pour lequel ils luttaient. Dès lors, le mal était déjà en nous, faisant de ceux qui continuaient la résistance des membres englués dans la suspicion, l’absence de confiance, le repli sur soi, la tentation au renoncement. Cette situation ne pouvait qu’aboutir à la prolifération d’une multitude de cellules de résistance sans réel impact pour le combat sur le terrain. Pire encore la majorité des membres en se retirant se retrouvaient unis dans leur parti d’origine avec la volonté de ne servir que leurs intérêts personnels. C’est la fin d’un pseudo résistance unie pour une opposition diversifiée dont la règle est désormais dictée par les chefs des clans (pardon leaders de parti).
Pour beaucoup de ces leaders, animés par un appétit grandissant à l’enrichissement personnel, sacrifiaient la cause pour monnayer le repositionnement des siens dans les nouvelles structures. Cela fut alors facile pour le pouvoir en place d’acheter tout le monde à coup de millions. Ou encore de nommer ses anciens « opposants » devenus dociles et malléables à des postes de responsabilités contre une soumission totale au chef militaire devenu Président. Que peut-on attendre en 2012 d’une opposition laminée par les contradictions assassines, par des trahisons à répétition, mais surtout dépourvue d’une clarification politique pour mener à bien une opposition crédible et salvatrice ?
Bien-sur, il est injuste de mélanger tous les opposants dans le même sac dit « des tomates pourries ». Certains se livrent à un jeu d’opposition et d’espionnage au service du pouvoir, une autre opposition ayant complètement vendu son âme monnaye leur pseudo combat à coups de millions, le paraître prenant ainsi le dessus sur le sens profond de la politique et enfin une autre trahissant simplement par fidélité tribale voire régionale. D’autres en essayant de combattre avec abnégation et patriotisme y ont laissé leur vie. C’est la triste réalité de l’opposition congolaise actuellement. Nous sommes loin de s‘attendre surgir dans ses rangs un MANDELA ou une AUNG SAN SUU KYI.
C’est cette réalité complexe et incompréhensible qui non seulement torpille une vraie opposition mais également condamne le peuple à la soumission depuis quinze ans à la volonté destructrice d’un pouvoir qui le prive de jouir pleinement de ses propres richesses nationales. Il est temps que cette orientation médiocre, inefficace, improductive laisse la place à une vision nationale du combat pour la démocratie. En poursuivant dans cette voie de la division, de la trahison ou encore de la haine, l’opposition est aussi responsable de la dégradation du tissu social congolais, à l’effondrement de la compétitivité des entreprises nationales, à l’explosion des antivaleurs qui accréditent la corruption comme système politique, l’accroissement du chômage massif et endémique mais surtout à l’insupportable montée des injustices sociales qui prévaut au Congo. On croirait même que l’opposition approuverait ce bilan désastreux, ce projet vide, une relation abimée avec les congolais et surtout une image détestable du Congo véhiculée par ce gouvernement.
On ne peut pas être opposant selon les saisons. Un coup, on l’est à plein temps lorsqu’il s’agit de paraître devant le peuple comme une alternance, un homme de foi, un militant pour la paix et le développement et un autre à mi-temps lorsqu’il faut trouver des millions pour subvenir à ses besoins personnels. Et là personne ne se gène à aller frapper devant la porte de M. Denis Sassou Nguesso, la queue entre les jambes, quitte à vendre les siens, pour quelques millions de F CFA. Il y a dans cette démarche une criarde attitude injuste et stérile qui consiste à rejeter l’entière responsabilité au pouvoir en place. Où est passé votre dignité, votre sens de l’honneur et votre courage ?
Une action politique, telle qu’elle se conçoit, se juge aux résultats, une politique sur sa cohérence, un caractère sur sa détermination et constance. Parmi vous, il y’a ceux qui ont à maintes reprises trahi la cause, trahi le peuple, corrompu par le pouvoir, pourtant ils sont encore considérés comme membres du Front du parti de l’opposition congolaise ou encore de l’ARD. Les faits sont là et justifiés dernièrement par la présence de vos membres au pseudo concertation d’Ewo. Quelle leçon avez-vous tiré de ces actes de fourberies impardonnables, au regard du préjudice causé au peuple en souffrance ?
Nous nous retrouvons là devant des scénarios déjà vécus au temps de l’ERDDUN où des membres de cette organisation, aujourd’hui dissoute, rejoignaient le camp adverse tout en se proclamant membres de l’opposition, beaucoup se reconnaîtront. Comme si leurs actes méritaient d’être facilement pardonnés. Que leur échec serait une excuse, leurs fourberies une justification opportune de poursuivre un pseudo combat politique en s’appuyant sur des promesses qu’ils ne tiendront jamais. Cette opposition dont la mystification est grossière n’acquerra jamais la confiance du peuple.
Pourtant, nous ne la sous-estimons pas au regard du combat difficile et surtout aux moyens si dérisoires qu’elle possède. Seulement, il est suffisamment démontré qu’une révolution ne se gagne pas avec des millions, ni encore moins à coup de canons mais avec une volonté farouche de défendre la vérité et le courage d’y croire. Le peuple est lassé d’entendre que cette opposition est la seule voie possible pour combattre le pouvoir en place. Ce qui prête à sourire lorsqu’on regarde le nombre d’échec accumulé. Il est temps de se poser d’ores et déjà la question ultime pour ce combat contre le pouvoir antidémocratique en place depuis 15 ans ? Peut-on prétendre au vrai changement lorsque les ingrédients d’un échec minent les bases mêmes de votre fondement politique?
L’opposition appelée au sursaut, la nouvelle génération et la diaspora à l’unité
C’est de la responsabilité de l’opposition de tracer la voie à suivre pour les nouvelles générations. Cette responsabilité ne doit surtout pas se traduire par des actions en vase clos. L’échange d’idées et la complémentarité des actions de tout un peuple réunis autour d’une volonté populaire de changement est une force inépuisable qu’aucune dictature ne peut vaincre. Elle permet d’analyser avec les moyens du moment et les atouts intellectuels la mesure à donner à l’action à entreprendre en vue de tourner la page de la dictature au pouvoir présentement. La reconquête de notre souveraineté exigera non seulement des efforts mais l’engagement des femmes et hommes réellement imbus d’un patriotisme infaillible. La récente rencontre avec le président du FRONT de l’opposition rentre dans ce cadre où nous réclamons qu’une place de choix soit accordée aux forces de la diaspora et à la jeunesse afin de s’unir sur tous les fronts pour la restauration de la démocratie. Les uns peuvent être le fer de lance et les autres les semeurs d’un avenir propice au développement. Le tout doit être mené en parfaite collaboration aseptisée de toute tractation hypocrite et mensongère. C’est pourquoi nous soutenons cet appel du FRONT à la diaspora, qui est pour nous un début de retour de confiance qui appellera des actions conjointes pour une vraie politique de combat qui mobilisera le peuple congolais tout entier autour d’un vrai changement.L’opposition unie (ARD, FRONT et DIASPORA) que nous appelons de tous nos vœux pour 2012 ne peut être un vain appel. Car notre pays dispose d’immenses compétences qui sont jusqu’alors mal exploitées, de remarquables entreprises qui sont détournées par les affairistes véreux du clan au pouvoir, de services publics de grande qualité mais dépourvus de tout moyen de fonctionnement sont laissés quasiment à l’abandon, d’une démographie jeune et dynamique espoir d’un avenir prometteur désabusée, bref, d’un attachement profond aux valeurs intrinsèques qui font de notre pays une nation unie et indivisible.
C’est pourquoi en 2012 nous avons besoin de nous rassembler, de faire le choix décisif pour notre pays et surtout pour les générations à venir. Ce choix dépassera, et de loin, les appétits égoïstes de certains. Ce qui est en jeu dans cette élection législative de 2012 et dans le choix que feront les congolais, c’est plus que l’élection des députés, plus que la désignation d’une majorité à l’assemblée, plus qu’une nouvelle orientation d’une politique : c’est la reconquête de notre liberté bafouée, la renaissance de notre jeune démocratie et enfin le redressement de notre économie mise à mal par une prolifération jamais égalée de détournement des biens publics et des choix politiques incohérents. Cette reconquête est possible et c’est le moment d’agir. Pour le réussir nous avons l’obligation de contraindre le pouvoir d’organiser une concertation véritablement démocratique autour des quatre points d’échauffement suivants :
1 – Relever, avec force, la nécessité de réaliser un recensement administratif spécial, opération non inédite dans notre pays, dans la mesure où elle a déjà été réalisée en 1996 et en 1997, et avait associé tous les partis politiques, aux fins de déterminer, de façon consensuelle, le corps électoral.
2 – Souligner l’urgence de revoir fondamentalement le découpage électoral, car la situation actuelle se caractérise par son effet déformant, suite à la minoration du nombre de circonscriptions électorales dans les zones les plus peuplées, et leur majoration dans les zones moins peuplées. A titre d’illustration, des localités moins peuplées comme Epéna avec 17.000 habitants, Mvouti avec 18.000 habitants, Ewo avec 20.000 habitants, Ollombo avec 21.000 habitants, ont chacune deux circonscriptions électorales au même titre que Mindouli qui a 53.000 habitants, alors que des localités plus peuplées comme Ngabé avec 30.000 habitants, Loudima avec 32.000 habitants, Kinkala avec 34.000 habitants, Mouyondzi avec 36.000 habitants, Madingou avec 63.000 habitants, et Nkayi avec 72.000 habitants n’ont, chacune, qu’une seule circonscription électorale.
3 – Insister sur la nécessité et l’urgence de mettre en place une commission électorale véritablement indépendante.
4 – Le retour sans condition de tous les exilés. (1)
Cette reconquête n’est pas vaine. Elle est le fil qui lie notre destin commun et républicain. Lorsque les dirigeants qui sont censés vous guider vers le développement social se transforment en un groupe de fossoyeurs d’avenir, il est légitime que le scepticisme gagne le peuple. C’est ce scepticisme qu’il faut combattre car il crispe notre désir de liberté, notre désir de nous mettre en mouvement selon nos valeurs. Il est temps de nous dépasser en nous mobilisant pour une cause digne et qui ne peut que nous rendre fier si chacun y mettait du sien. Alors chers compatriotes congolais, combattons ensemble ce scepticisme qui crucifie notre démocratie et levons nous comme une seule personne pour dire non à la dictature d’un seul clan. Exigeons cette concertation démocratique qui donnera la primauté à la confrontation pacifique d’idées, des projets, de vision nouvelle pour le Congo, rétablira l’équilibre des choix des circonscriptions selon un vrai découpage régional. Dénonçons avec fermeté l’extrémisme régional présenté comme projet politique qui n’est plus ou moins qu’une manipulation pour camoufler les difficultés d’une dictature aux abois. Au delà des diktats, des barrières devenues des barbelés érigées entre les congolais, qui ne sont à notre sens que les preuves que la peur change de camp, il est plus qu’urgent de se rassembler : opposition, diaspora, associations civile, tous derrière cette volonté du vrai changement pour le bien collectif de notre peuple. Avec une opposition crédible et responsable, la renaissance d’une vie politique congolaise moderne plus apaisée et tournée vers un développement équitable de toutes les régions peut se concevoir. A la diaspora de prendre la mesure de cet appel et d’en faire le talisman du vrai changement. Pardonnons-nous, comme nous devons pardonner à nos aînés et construisons le changement ensemble.
Dans sa course permanente à l’enrichissement abusif et illicite, à l’utilisation exagérée de la haine tribale pour susciter les peurs, à la corruption d’État, au vol organisé, au pillage des entreprises d’état… l’hégémonie du PCT ruine gravement notre pays et saigne notre démocratie. Dire stop à toute cette organisation mafieuse, c’est donner une chance aux Congolais de se retrouver et de se reconstruire.
Jean-Claude BERI, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.
**************************************
(1) Concertation politique nationale : Les propositions de l’opposition congolaise la semaine africaine. Samedi, 10 Décembre 2011