luambo-makiadi-franco-696x348-9605959Revivez l’histoire des éditions « Loningisa » et de l’OK Jazz de 1950 à 2004. Par Clément Ossinondé.

12 octobre 1989 – 12 octobre 2018 marquent 29 ans après la mort de Luambo Makiadi Franco et on peut dire que sa légende, sa musique et son message percutant continuent de vivre ! Au moment de sa mort, le monde a été bouleversé par la nouvelle, mais réconforté par l’illustre héritage laissé par la figure emblématique.

Il a utilisé sa musique comme un outil pour combattre les maux de la société et en faire une voie pour unir la race humaine.

Tout au long de sa grande carrière musicale Luambo Makiadi a été accompagné par l’orchestre OK Jazz qui est un peu oublié aujourd’hui. Son importance dans l’histoire de la Rumba congolaise est pourtant fondamentale pour avoir été le héros d’un nombre confortable de chefs-d’œuvre qui constituent sans ambigüité parmi les fondamentaux de la « Rumba-Odemba. »

I – Les Années 1950 : Les éditions Loningisa

Au commencement étaient les éditions musicales « Loningisa » des frères grecs Athanase et Basile Papadimitriou, créés en Septembre 1950 à Léopoldville (Kinshasa). Soucieux du bon fonctionnement de l’écurie, notamment, par le recrutement et l’évolution des bons musiciens, les frères Papadimitriou font appel à Henri Bowane, guitariste-chanteur et grand impresario dans le domaine de la production musicale.

Henri Bowane sort fraichement des éditions « Ngoma » où il a exercé avec son disciple Antoine Kolosoy Wendo, une influence déterminante.

La biographie musicale extraordinaire des éditions « Loningisa » commence le 1er septembre 1950. Les musiciens qui constituent l’avant-garde kinoise montrent tour à tour dans le bain rémunérateur des noms déjà connus et des novices que l’on croyait sans surprise, et qui ont basculé dans la gloire en se faisant engager par l’éditeur pour des accompagnements en studio. Avec, entre autres ceux qui ont réalisés des chefs-d’œuvre qui ont marqué plusieurs générations.

Les grands noms des éditions Loningisa.

1950/1952 : Les premiers musiciens qui ont constitués l’équipe favorite du promoteur artistique Henri Bowane, pour faire démarrer “Loningisa” et à qui l’on a attribué l’appellation « Bana Loningisa » on compte les grands noms ci-après :
Honoré Liengo , Camille Masamba , Charles Bala, Théophile Yanga, Jean Disasi, Pauline Lisanga, Jean Kalafayi, Henri Adikwa, Marie Kitoto, Pembellot « Tino Mab », Paul Bolalia, Ema Putu, Kikandi, François Ngombe « Me Taureau », Adolphe Fataki, Dominique Bossokould, Auguste Mapeki, Kadima, Pembele, Hyacinthe Kitenge, François Bokalanga, Georges Luyeye, Zacharie Kabamba ,Gérard, Jean Kolofani, René Same, Albert Bongu, Palanga…

1953/1954 – A partir de 1953, quelques noms des fondateurs éventuels des grandes formations de l’écurie se découvrent.

1953 – Création du groupe WATAM, avec les musiciens : Paul Ebengo « Dewayon », Ganga Mongwalu, Mutombo, Bikunda, puis Luambo « Franco ».

1953/1954 – Entre autres musiciens qui ont adhéré à « Loningisa » pendant cette période, citons :

Daniel Loubélo « De la lune », Philippe Lando « Rossignol » , Pierre Kadima, Saturnin Pandi, Lufungula, Lungella, Ekweli, Pedro Kosi « Bemi » Tandjigorah « Pholidor », Augustin Moniania « Roitelet », Ngelenge, Mukalu , Jean Lopongo, Justin Disasi, Pedro Bolario, Jean-Michel De Bouckout, Antoine Kasongo, Pierre Bazeta, Nzambe « Sathan », Nino Malapet et Henriot. Ils sont comptés au nombre de tous les sociétaires qui sont connus sous l’appellation « Bana Loningisa ».

1955-1956 – Les éditions « Loningisa » évoluent progressivement et réalisent des centaines d’œuvres qui hissent l’écurie à son niveau le plus haut. Grâce à la présence des meilleurs « premiers instrumentistes » de grand orchestre, mais aussi parmi les plus inventifs de leur génération.

La période 1955 – 1956 constitue donc la période la plus déterminante des éditions « Loningisa ». Notamment :
– Par la poursuite des recrutements, la présence évolutive du Groupe WATAM dont le style admirable, a abouti à sa propre virtuosité mélodique, combinée avec la passion pour le rythme « Indoubil » développé.

– La part considérable prise par le Groupe maison dit « LOPADI » (Loningisa de Papadimitriou), dans la genèse de la Rumba traditionnelle, et particulièrement par les musiciens maison qui par leur sens rythmique, d’exceptionnels dons pour des accompagnements en studio, ont créé les climats les plus prenants.

– Sur la base du module LOPADI, plusieurs enregistrements sont effectués à partir de 1955, avec la composition ci-après : Essous (clarinette), Luambo Franco (guitare solo), Loubélo (guitare accompagnement), Moniania “Roitelet”, (contrebasse), Pandi (percussions) Bosuma (guitare) Pedro Kosi « Bemi », Tandjigorah « Philidor », Lando « Rossignol » (chant).

Au nombre des nouveaux noms qui ont suivi, citons : Marie-Isidore Diaboua, Jacques Pella « Lamontha », Liberlin de Shoriba Diop (qui ont introduit les Tumbas), Albert Katasa, Vicky Longomba, etc…

1956 – La naissance de l’OK Jazz

La naissance de l’OK Jazz est une date importante dans l’histoire de la musique congolaise. C’est le premier groupe à réaliser la synthèse « Rumba/Ondemba », style musical repris par des générations de chanteurs-guitaristes aussi bien kinois que brazzavillois.

On ne dira jamais assez à quel point ce grand orchestre dirigé de mains de maître par Jean-Serge Essous, puis à partir de Décembre 1956 par Luambo Franco dont le nom reste attaché à l’épopée de « L’école OK jazz ». Il a pu réunir régulièrement, des formations différentes qu’il faisait tourner dans les plus grandes salles d’Afrique et du monde.

Le bar-dancing “Home de Mulâtre” lieu de naissance de l’OK Jazz.

Il était une fois, le vendredi 06 Juin 1956, voit le jour au bar-dancing “Home de Mulâtre” croisement rue Ruakadingi et l’avenue Prince Baudouin (aujourd’hui Kasavubu) à Léopoldville (Kinshasa), l’Orchestre OK Jazz. “Home de Mulâtre” était le lieu de retrouvailles de l’association des mulâtres (Métis) de Kinshasa dont faisait partie Cassien Germain Gaston propriétaire du bar “Chez Cassien” (O.K. Bar), 102 rue Itaga, commune de Kinshasa, lieu où l’OK jazz avait élu domicile. Notons que Cassien Germain Gaston est devenu au cours des années 60, Oscar Kashama.

Les cofondateurs de l’OK Jazz

Ils étaient en principe six : – 3 Kinois : Luambo Franco (guitare solo) Lando “Rossignol” (chant), Augustin Moniania “Roitelet” (contrebasse)

– 3 Brazzavillois : Jean-Serge Essous (clarinette, chef d’orchestre), Saturnin Pandi (percussions), Daniel Loubélo “De la lune” (guitare accompagnement).

Ont rejoint le groupe plusieurs semaines après : Nicolas Bosuma “Dessoin” (qui de la guitare au studio Loningisa est passé à la percussion pour seconder Pandi) et Vicky Longomba (chant, en provenance des éditions Cefa).

Notons que Daniel Loubélo “De la lune” est passé à la contre basse, aussitôt après le départ de Moniania “Roitelet”. Il est remplacé par Armando Brazos.

Bar-dancing “Chez Cassien” 102 rue Itaga Kinshasa est le lieu où divers sociétaires de Loningisa venaient se produire avant que le groupe ne porte le nom de OK Jazz.

“Chez Cassien” est devenu par la suite “OK Bar” lequel a donné ce diminutif à l’orchestre OK Jazz. (Semble-t-il, et pour citer l’écrivain Raoul Yela dans son livre consacré à Luambo Franco, écrit ce qui suit :… Entre 1953-1956 il y avait un petit groupe de soldats américains qui campaient à proximité de Ndolo, et qui étaient devenus les clients réguliers de “Chez Cassien”, au point où ils ne cessaient de dire de Cassien ” Your bar is OK, your is bar allright”, et c’est comme ça que “Chez Cassien” est devenu spontanément OK Bar, et l’orchestre qui fréquentait le lieu a pris le nom de OK Jazz.

Retenons une fois de plus : Bien avant la fixation du nombre des musiciens qui ont fait partie de l’orchestre OK Jazz officiellement investit le 6 juin 1956 au bar “Home de Mulâtre”, le groupe était élargi à plusieurs autres musiciens de la famille Loningisa “Bana Loningisa”, parmi lesquels Marie Isidore Daboua, Jacques Pella “Lamontha”, Liberlin de Shoriba Diop, pour lesquels de son vivant, Luambo Franco n’a pas tari d’éloges, pour leur participation à la création de l’OK Jazz.

1956 – le 27 Décembre. Première défection au sein de l’OK Jazz et des éditions « Loningisa des musiciens ci-après :
Jean-Serge Essous (clarinettiste), Saturnin Pandi (percussionniste), Philippe Lando « Rossignol » (chanteur), Moniania “Roitelet”, Honoré Liengo (basse)… pour de nouveau être sous la mouvance d’Henri Bowane aux nouvelles éditions « Esengo » du grec Dino Antonopoulos, puis création en janvier 1957 de l’orchestre Rock-A-Mambo.

1956 – le 28 décembre. Réorganisation de l’OK Jazz par l’Intégration des nouveaux musiciens issus de la défunte formation Negro Jazz de Brazzaville : Edouard Ganga « Edo », Célestin Kouka (chanteur), Nino Malapet (saxophoniste) Antonio Armando « Brazzos » (guitariste).

1956 – 31 Décembre : Sortie solennelle de la nouvelle formation OK Jazz pour son premier concert.

François Luambo « Franco », Antonio Armando « Brazzos » (guitaristes), Daniel Loubélo « De la lune » (bassiste), Victor Longomba « Vicky », Edo Ganga, Célestin Kouka (chanteurs), Dieudonné Nino Malapet (saxophoniste), Nicolas Bosuma « Dessoin » (percussionniste)

1957/1959 – Désormais seul maître à bord, Luambo Franco se fixe comme priorité de juguler les mouvements au sein de l’OK Jazz, en apportant chaque fois du sang nouveau à travers le dynamisme et la compétence des nouvelles recrues :
20 août 1958 intégration du saxophoniste Isaac Musekiwa, puis du clarinettiste Edo Clary Lutula.

– 18 avril 1959 : Départ de l’OK Jazz des chanteurs : Ganga Edo, Célestin Kouka et du bassiste Daniel Loubelo « De la lune » pour la création de l’orchestre Bantou à Brazzaville. Les deux chanteurs sont remplacés par Jean Kwamy « Munsi » et Joseph Mulamba « Mujos ». Entrée du bassiste Alphonse Epayo.

II – Les Années 1960 – Luambo Makiadi Franco à la croisée des chemins.

Placées sous le signe de la maturité et de la réussite, les années 1960 vont situer Luambo Franco et son groupe OK Jazz à la croisée des chemins. Beaucoup de mutations, au fil des années, au niveau des hommes. Luambo Franco, le patron, à l’audace de jouer avec des jeunes talents et des vedettes confirmées avec qui le dialogue est passionnant et fructueux.

1960 – Intégration dans l’OK Jazz des musiciens Tshamala Jean « Picolo » (guitare), Kalombo Albino (saxo), Léon Bombolo « Bolhen », (guitare) Epayo Alphonse (basse), Moke Simon (maracas) Dihungula « Djeskin »

1960 – Un départ qui n’est pas de moindre, celui du chanteur Victor Longomba « Vicky », Il rejoint Joseph Kabaselle pour participer avec l’African Jazz à la table ronde belgo-congolaise du 20 Janvier au 20 février 1960, avec lui, le bassiste Antoine Armando « Brazzos ».

1960 – Rupture de contrat entre Luambo « Franco » et les Editions Loningisa Des frères grecs Basile et Athanase Papadimitriou, deux ans avant son expiration en 1962.

1961 – L’OK Jazz est le deuxième orchestre congolais à se rendre à Bruxelles, après l’African Jazz en 1960. Luambo Franco et son groupe sont conviés par les Editions musicales « Surboum African Jazz », propriété de Joseph Kabaselle, (premier éditeur congolais) à enregistrer sous son label « Surboum African Jazz ».

L’OK Jazz se voir doter un équipement de musique flambant neuf, fruit de la vente des grands succès, tels : « La mode ya puis », « Amida muziki ya OK, », « Nabanzi Zozo », « Jalousie ya nini na ngai », « Como quere », etc, réalisés avec la chaleureuse voix de Mulamba « Mujos ».

1961 – Création de l’édition musicale « Epanza Makita » de Luambo Makiadi Franco.

C’est la première expérience dans l’autoproduction. En effet, de retour de Bruxelles, Luambo Franco s’inspire de l’expérience de Joseph Kabaselle, et crée à son tour l’Edition « Epanza Makita », en collaboration avec la firme belge Fonior. Néanmoins, Luambo a continué à sortir quelques disques chez Loningisa jusqu’en 1962, dans le cadre du quota arrêté en 1960, après la rupture du contrat.

1961- Lutumba Simaro

1961/1963 : L’entrée des musiciens, Lutumba Simon « Simaro » (1961) Kiamuangana Georges « Verckys », Djangi Checain « Lola », Djali Christophe (1963).

1962Vicky Longomba, réintègre l’OK Jazz, deux ans après avoir évolué dans l’African Jazz et le Negro Succès. Puis il pèse sur la balance pour obtenir le retour dans l’OK Jazz de Ganga Edo et Loubélo « De la lune » le 11 Août 1962.

1964 – Michel Boyibanda

– Nouvelles recrues : Michel Boyibanda (13/04/1964) et DELE Pedro (saxophoniste nigérian ex-Bantous de la capitale-1960)
– Expulsion des congolais de Brazzaville Du Congo- Kinshasa, le 22 Août 1964, par Moïse Tchombe. Retour à Brazza des musiciens brazzavillois de l’OK Jazz : Edo Ganga, Loubélo “De la lune” et Michel Boyibanda (qui plusieurs mois après est revenu dans l’OK jazz)

1965

– Intégration de Lununa-Mbemba
– Les éditions « Epanza Makita » succèdent aux éditions « Populaires ». Un progrès et une nouvelle jeunesse pour l’évolution phonographique de Luambo Makiadi.

1965 est particulièrement marquée par le conflit qui a opposé Jean Kwamy à Luambo « Franco » et qui a donné lieu à des diatribes virulentes à travers deux chansons absolument conflictuelles a l’issu du départ de Kwamy de l’OK Jazz pour l’African Fiesta : « Faux millionnaire » de Kwamy et la réponse « Chicotte » de Franco.

1966 – Youlou Mabiala

– On compte parmi les nouvelles recrues : Gilbert Youlou Mabiala (15/08/1966), Francis Bitsoumanou « Celi Bitsu », Jean- Félix Pouela « Dupool », Diangani Nestor, Mose Se Sengo « Fanfan ».
– Premier Festival Mondial des Arts Nègres.

Du 1er au 24 Avril 1966, participation de l’OK Jazz au Premier Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar (Sénégal), aux côtés de leur homologue « Les Bantous de la capitale » de Brazzaville.

– La formation de l’OK Jazz au mois d’Août 1966

Vicky Longomba, Mulamba « Mujos », Michel Boyibanda, (chant) Luambo Franco, Simon Lutumba « Simaro », Antoine Armando « Brazzos » (guitares) Francis Bitsoumanou « Céli Bitsou », Tshamala Picolo (guitare basse), Isaac Musekiwa, Kiamuangana « Verckys », Isaac Dele Pedro (saxo), Christophe Ndjali (trompette), Nicolas Bosuma “Dessoin”, Jean-Félix Pouela (percussion), Nestor Diangani (drums), Simon Moke (maracas).

– 1967 – La rébellion au sein de l’OK Jazz

Avril 1967 – Déclenchement d’un mouvement de contestation au sein de l’OK Jazz, pour donner naissance en l’absence de Franco en Europe, à l’Orchestre « Révolution ». C’est le plus grand mouvement que Luambo Franco n’ait jamais connu. Il est sérieusement ébranlé par le départ massif des musiciens qui appellent leur mouvement « Révolution ». Ils sont :
Mulamba « Mujos », Boyibanda, Kwamy (ex. A. Fiesta chant) Welakingara « John Payne », Armando « Brazos », (guitare), Tshamala “Picolo” (basse), Bosuma « Dessoin » (percussion), Duclos, (drums), Isaac Musekiwa (saxo), Christophe Djali (trompette).

L’expérience, de l’orchestre Révolution, n’a vécu que le temps d’un feu de paille. Juste le temps de graver deux disques avant de disparaître : (« Ngai mwana Congo » « Divorce » : Kwamy), « Kinshasa nayaki », « Mopepe ya mbula » : Mulamba) Les révolutionnaires qui par un élan de solidarité ont voulu démonter leur force, mais malheureusement, ont pour la majorité, réintégrer l’OK Jazz.

1969 – L’entrée des musiciens : Ntoya Fwala « Pajos», Kasongo Kawaka « Rondo ».

III – Les années 1970 – Instauration de la formule “Tout Puissant OK Jazz”.

Les années 1970 constituent la période au cours de laquelle est instauré la formule “Tout Puissant OK Jazz” ou “Orchestre Entreprise”, avec près de 50 musiciens. On enregistre pendant cette période l’entrée des musiciens:
Mpudi Decca (1970) , Kongi Aska, Adamo Seye Kadimoke, Kiambukuta “Josky » Barami Miranda, Kapitena Kasong (1971), Kalloux “Vieux”, Mangwana Samuel « Sam » (1972), Blaise Wuta Mayi, Ngiandu Kanza, Mayaula Mayoni , Yoka Mangaya « Gege » (1974) Dombe Opetum, Mavatiku Visi « Michelino, Impompo Loway (1975), Nzitani Ntesa Daniel « Dalienst » Mankonko Kinkudi « Makos », Flavien Makabi Mingini, Thierry Mantuika Kobi, Monogi Mopia « Petit Pierre », Tchandala Kosuana (1976), Lukoki Diatho, Dialungana Kasia « Gerry » (1977) Nedule Antoine « Papa Noël » (1978).

1972 – Nouvelle dissidence de Vicky Longomba

1972 – Longomba Vicky est de nouveau en porte à faux avec Luambo Makiadi Franco. Il le quitte pour donner naissance à la formation : « Orchestre LOVY du Zaïre » et aux Editions « Viclong ». Luambo Franco et Longomba Vicky deux frères, piliers de l’OK Jazz, qui ne s’appréciaient pas toujours.

1972 – Recours à l’authenticité au Zaïre

Le 27 octobre 1972, Mobutu, président du Zaïre, décrète la loi de recours à l’authenticité, obligeant les zaïrois à abandonner leur prénom chrétien pour un prénom authentiquement zaïrois. C’est à partir de cette date, que François Luambo « Franco » est devenu Luambo Makiadi. Le deuxième nom traduit le retour aux origines tribales, tout comme d’ailleurs le complément : L’Okanga La Ndju Pene.

1978 – Emprisonnement de Luambo Makiadi

1978, constitue la pire année dans la carrière de Luambo Makiadi Franco : son emprisonnement. Pour s’être laissé emporter par des caricatures obscènes dans ses chansons : « Hélène » et « Jacquie », deux titres à caractère pornographique (vendus à la sauvette).

Au sortir de la prison, il s’st repenti auprès de son public ; mais son honneur a déjà pris un coup. Luambo Makiadi Franco, n’était pas à sa première prison. Les deux premières fois en 1952 et 1959 par l’administration coloniale belge (faute de pièce d’identité, puis de permis de conduire de la Vespa) – Infractions qui ont toujours été sévèrement réprimées par les Belges –

IV – Les années 1980 – Constitution de deux groupes OK Jazz

Au début des années 80, l’OK Jazz est scindé en deux groupes : un à Kinshasa et celui de la diaspora à Bruxelles, dirigé par Luambo Makiadi, avant de se fixer à partir de 1982 en Belgique. Il tourne dans les pays de l’’Union Européenne, puis au Etats-Unis d’Amérique, récoltant partout un succès énorme.
On enregistre au cours de cette période l’intégration des musiciens Madilu Bialu (1982), Lassa Carlito (1984)…

1985 – Retour au bercail de Luambo Makiadi.

Dès son retour à Kinshasa, il s’engage à fond à imposer au chant, le duo « Luambo – Madilu » pour un retour aux fondamentaux de la « Rumba ». Une rumba qui doit embrasser toutes les philosophies, et tous les thèmes relatifs à la vie courante dans la société congolaise. C’est l’époque des « Mamou » (1984) et « Mario » (1985).

1986– Brillante entrée dans l’OK Jazz des musiciens Lokombe, Dizzy Mandjeku, Jo Mpoy, Malage, et tant d’autres. C’est le retour à un seul Tout Puissant OK Jazz avec un très grand nombre de musiciens.

1987La présence de deux chanteuses dans l’OK Jazz

En septembre 1987- Excellente idée de Luambo Makiadi, de faire appel à deux chanteuses : Nana et Baniel pour un exercice de style aux voix veloutées. L’expérience n’a pas duré, certes, mais, a été couronnée de succès, notamment par la réalisation de deux disques dont les morceaux ont été le reflet de l’univers urbain comme l’on a ressenti à Kinshasa à travers les titres : « C’est dur », « Je vis comme un PDG », « Les ont dit », « La vie d’une femme célibataire» « Flora est une femme difficile ».

1988 –Victor Longomba ” Vicky” tire sa révérence.

Le 12 mars 1988, Vicky Longomba décède à Kinshasa après 36 ans de carrière musicale bien remplie, au sein des éditions CEFA, dans l’OK Jazz, l’African Jazz, le Negro Succès et le Lovy du Zaïre. Chanteur à la voix de velours, il a réalisé avec les chanteurs Lando « Rossignol » et Edo Ganga, des chansons qui sont demeurées des véritables « classiques ».

L’exploit de Luambo Makiadi

Au cours des années 80 Luambo Makiadi et les musiciens de l’OK Jazz “Diaspora”, ont parcouru l’Afrique, l’Europe, l’Amérique et ont enregistré des milliers des disques. Luambo Makiadi, particulièrement s’est révélé à travers tout l’œuvre de son orchestre un technicien extraordinaire qui a exploité toutes les possibilités de sa guitare et de sa voix, générateur de plus merveilleuses acrobaties sonores.

1989 – Les Concerts d’adieu de Luambo Makiadi.

En septembre 1989, soit un mois avant sa mort, Luambo Makiadi qui n’a plus la maîtrise de son état de santé, trouve quand même les forces de livrer les concerts à Bruxelles, à Londres et à Amsterdam. Le concert du 22 Septembre 1989 à Amsterdam se trouve être le concert d’adieu et à l’issu duquel il est admis à l’hôpital le 23 Septembre 1989.

Auparavant, il enregistre à Bruxelles son dernier album « Forever » réalisé avec le chanteur Sam Mangwana. C’est le dernier album de Luambo Makiadi. Il met fin à son apogée discographique qui a commencé en 1953 avec « Lilima wa ngai » et « Kombo ya Loningisa » : Groupe WATAM. Soit 36 ans de présence sur le marché du disque.

A son actif, entre autre marques de reconnaissance : les Maracas d’or, les disques d’or, OK Jazz meilleur orchestre, les distinctions honorifiques nationales et internationales.

Enfin, très sympathique et tolérant, le patron du Tout Puissant OK Jazz a entretenu avec ses musiciens, des relations toutes particulières, lesquelles ont permis à l’OK Jazz de réussir ses différentes mutations.

Luambo Makiadi le père de famille

Luambo Makiadi n’a jamais fermé la porte à tous ceux des musiciens qui quittaient l’OK Jazz et qui demandaient à y retourner. Formé à l’école de la vie, au bout de l’effort et de la persévérance, Luambo Makiadi Franco et son orchestre ont vécu au milieu d’un peuple dont ils ont écouté, exprimé les sentiments les plus profonds.

Tout comme ils ont su courageusement dénoncé les injustices et les faiblesses de la société congolaise, principales sources d’inspiration des meilleurs compositeurs du groupe.

1989 – Le décès de Luambo Makiadi Franco

Le 12 octobre 1989, intervient à Mont-Godinne (Namur) en Belgique, le décès de Luambo Makiadi « Franco », après plusieurs mois d’incertitude, quant à la nature de sa maladie qui le rongeait. Rapatrié le 15 Octobre 1989 à Kinshasa, il a été inhumé le 18 Octobre au cimetière de la Gombe, après tous les honneurs dû à un dignitaire, un héros national. La preuve, une avenue de Kinshasa porte depuis son nom : Avenue Luambo Makiadi Franco (ex-avenue Bukasa) dans la commune de Kinshasa.

V – L’héritage Luambo Makiadi à l’OK Jazz – 1989 – 1994

Quel héritage Luambo Makiadi à l’OK Jazz ?

Retenons pour l’essentiel, que les espoirs que tous les partisans avaient mis sur l’immortalisation de l’OK Jazz se sont estompés trois ans seulement après la mort du Grand Maître.

Les musiciens, en effet, n’ont pas pu arrêter leurs ambitions personnelles pour sauver l’essentiel, c’est-à-dire : l’OK Jazz, qui pourtant a bien fonctionné de 1989 à 1994, et a sorti sur disque des chefs-d’œuvre qui ont permis au public de savourer les belles voix de Madilu et Kiambukuta Josky, à travers les titres comme « Ofela », « Dadi Pétrole », etc. et qui ont convaincu les spéculateurs les plus sévères.

1994 – L’éclatement de l’OK Jazz

Les problèmes de discipline, aggravés par ceux du patrimoine légué à la famille Luambo ont conduit au début de l’année 1994 à l’éclatement de l’OK Jazz. — Madilu et la famille de Luambo, d’un côté.

— Lutumba et l’ensemble des musiciens de l’autre.

1994 – Création de l’orchestre « Bana OK »

Lutumba, qui a gardé avec lui, presque tous les musiciens de l’OK Jazz, décide de former le 01 février 1994, le nouvel orchestre dénommé « Bana OK » précisément à la suite du conflit qui l’a opposé avec Louise Akangana, la sœur de Luambo qui a été obligée de confisquer les instruments de musique, propriété personnel de Luambo Makiadi.

Malgré toutes les interventions des autorités gouvernementales du Zaïre, aucun arrangement ne sera obtenu pour réconcilier les deux parties.

La décision de Lutumba, après la confiscation des instruments est sans recours, malgré l’engagement qu’il avait pris à la mort de Franco ; celui de sauvegarder l’œuvre du Grand Maître.

Ainsi, s’est confirmé, ce que redoutaient tous les mélomanes : L’hégémonie de Franco pour qui, l’OK Jazz n’existait qu’à travers lui seul et sa famille, laissant Lutumba « Simaro », prétendu successeur sans aucun pouvoir.

1994 – Madilu « System opte pour la carrière Solo.

Madilu « System » qui a pourtant toute la confiance de la famille de Luambo Makiadi, n’ose pas se prononcer pour prendre la direction de l’OK Jazz, et procéder au recrutement des nouveaux musiciens. Bien au contraire, il se contente de la carrière solo, avant de sortir en Avril 1994 un album dans lequel la chanson « Ya Jean », récolte tous les records de popularité et de vente.

De son côté Lutumba Simaro qui a confirmé l’existence de son groupe « Bana OK » depuis le 1 Février 1994 réagit par la sortie, lui aussi, d’un album qui lui confère son titre inaliénable de poète de la chanson congolaise : « Cabinet molili ».

1996 – Exhumation de l’OK Jazz par Youlou Mabiala

Soucieux de perpétuer la mémoire de son père et de son œuvre, le jeune Emongo, un des fils de Luambo Makiadi, sollicite les services de Gilbert Youlou Mabiala et de Michel Boyibanda pour restaurer l’orchestre OK Jazz, La demande acquière le consentement des deux brazzavillois et anciens membres de l’OK Jazz.

Mais, au cours des préparatifs relatifs à la sortie de l’orchestre, Michel Boyibanda rétracte, éventuellement pour le problème de leadership, il laisse Youlou Mabiala faire cavalier seul avec des jeunes musiciens de Kinshasa et ceux de Brazzaville, parmi lesquels ceux qui ont évolué avec lui dans le groupe Kamikaze.

Le 24 décembre 1996, Youlou Mabiala exhume solennellement l’OK Jazz et ouvre aussitôt les hostilités par une chanson très controversée, car elle ne plait pas à Lutumba Simaro qui se sent visé : « Mwana ya Luambo ». Une chanson bien réussie, mais qui est une diatribe. Elle fustige, en quelque sorte la bande à Lutumba Simaro pour avoir trahi la mémoire du Grand Maître.

Youlou Mabiala qui se dit « Mwana Luambo » (« le fils de Luambo ») est le seul à avoir relevé le défit. Et comme pour sceller indéfiniment sa vocation à Luambo, Youlou Mabiala prend comme épouse la fille ainée à Luambo Makiadi (Marie-Hélène Luambo « Mama Leti ») avec laquelle il a formé une famille (jusqu’en 2014 année de retour à Kinshasa de “Mama Leti”).

2004 – Le coup fatal subi par Youlou Mabiala, conséquence de la disparition définitive de l’OK Jazz

De 1996 à 2004, Youlou Mabiala est demeuré chef de l’OK Jazz et a recouvré une énergie nouvelle, une conception qui lui a fait éviter l’asphyxie, et lui a permis de communiquer à nouveau avec le vrai public de l’OK Jazz à travers les concerts et les disques, jusqu’ au malheureux concert du 15 août 2004 à Pointe-Noire où Youlou Mabiala est terrassé par une crise d’hypertension. Un tournant douloureux qui du coup a définitivement mis fin à l’existence de l’OK Jazz, principal héritage de Luambo Makiadi Franco et de tous ceux qui à travers le monde ont été bercé par sa musique.

Enfin, le temps nous dira si les efforts d’Emongo le fils de Luambo, ses frères et sœurs, la fondation Luambo Makiadi qui depuis quelques années se proposaient de transférer le corps de Luambo Makiadi à Sona Bata (Bas-Congo), son village de naissance, (contre l’avis défavorable des kinois) tiennent toujours à ce projet tout comme la remise de l’OK Jazz sur les rails !

Clément Ossinondé