LUCIEN LE SCEPTIQUE, SAINT-THOMAS RESSUSCITÉ ? REPONSE HD A MONSIEUR PAMBOU

Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point.” (Saint-Thomas)

« Je suis un enseignant, éditorialiste, qui s’appuie sur des faits concrets, validés par la justice, avant de porter des accusations gratuites et toutes faites…Monsieur Mpélé, c’est avec des accusations comme les vôtres que le débat intellectuel ne peut pas s’organiser réellement dans notre pays, le Congo » (Lucien le sceptique)

Réponse à Félix Bankounda Mpélé, votre serviteur, le papier de Lucien Pambou du 15 mai, commence, de façon insolite, par croiser le fer à d’autres destinataires que sont les Congolais, ses compatriotes, puis aux présidents des chaînes.

Si on peut aisément comprendre qu’en s’adressant aux Congolais, Monsieur Lucien Pambou répond là aux réactions des uns et des autres suite à ma critique diffusée du 3 mai, la réplique à l’endroit des patrons des chaînes révèle, insidieusement, une problématique quelque peu malsaine, mais pas du tout anodine, puisqu’elle est constante, obsédante pour son auteur et se prolonge d’ailleurs dans les termes à notre endroit : il s’agit de sa position par rapport aux « présidents africains dont Sassou-Nguessso ».

Ainsi, sur cette problématique et à propos de ses compatriotes, il les disqualifie tout de suite au motif que « nous n’avons pas encore l’habitude du débat contradictoire » ! Sauf lui bien entendu ! A l’endroit des responsables des chaînes, dit-il, ils « me demandent de trahir mon intégrité intellectuelle et d’accuser sans preuve des présidents africains en exercice aux motifs que cela apporterait une aura pour leurs chaînes de télévision ». Et, au destinataire de sa réponse, «  Monsieur Mpélé, c’est avec des accusations…sans preuve… comme les vôtres que le débat intellectuel ne peut pas s’organiser réellement dans notre pays, le Congo. …toute votre déclamation contradictoire est engagée contre le Président Sassou et sa famille » ! Comme si Monsieur Mpélé vivait dans ‘notre pays‘ ! Et, oubliant du coup que l’une des caractéristiques d’une dictature, dans le temps et dans l’espace, c’est justement l’impossibilité d’y mener un débat réel !

A contrario, Lucien Pambou, lui, apparaît donc comme le défenseur des présidents africains, et singulièrement de Sassou-Nguesso ! Mais, qu’il le fait en raison de « son intégrité intellectuelle » à laquelle les autres ne répondraient pas, ou seraient inaptes au débat ! De quoi donner l’impression, en raison de la redondance de cette problématique dans sa réponse, que le véritable destinataire est ailleurs, et non celui qui est annoncé, comme pour dire qu’il joue bien son rôle.

Car, cher Lucien Pambou, la première et impérative chose à faire, pour tout analyste politique digne de ce nom, aurait été de dire, de définir la nature du système politique et le contexte dans lequel se trouvent les objets et faits analysés. Ce à quoi, comme je l’ai noté dans ma précédente réponse, vous êtes passés grossièrement outre, démontrant ainsi, de façon manifeste, soit une inaptitude à l’analyse, soit un parti pris masqué sous la forme d’une pseudo intégrité intellectuelle, d’une méthode différente.

C’est cet argutie, pour ne pas dire cette esquive, qu’invoque le ‘professeur de sciences politiques’ dès qu’il se résout par la suite à répondre à son contradicteur :

« Monsieur Mpélé,… nous n’adoptons pas la même méthode. Vous appartenez à l’élite engagée, vous êtes un intellectuel congolais engagé… je ne suis pas sur votre ligne intellectuelle qui est celle du militant engagé ».

Et quelle est donc ladite méthode de Lucien Pambou dans laquelle ceux qui font état du système et du contexte politiques des faits analysés apparaissent comme ‘militant engagé‘ ? Il y répond lui-même, en écrivant sans craindre de choquer, que : « j’analyse les faits et les actes … sur une méthode de la Science politique qui tient compte des acteurs et des structures tels qu’ils se présentent à vous » !

C’est pour le moins crucifiant! De quoi faire retourner dans leur tombe les éminences grises de la science politique classique, essentiellement en France, où cette science est née justement du besoin, du dépassement et de la contestation du droit, du discours officiel, et surtout de l’intégration de la réalité et de l’environnement socio-politiques à l’analyse des faits ! La science politique, disait notamment Georges Burdeau, est une méthode globale, complexe et sociologique pour une connaissance plus profonde et réelle qui va au-delà du droit et du discours dominant. Ce que d’autres, avant, avec ou après lui, n’ont jamais démenti.

Sans doute, selon les écoles auxquelles n’échappe pas la science politique, des nuances peuvent être relevées dans l’approche mais, de façon générale, ce qui caractérise cette matière c’est la complexité et, il aurait été sérieux pour Lucien Pambou qu’il nommât sa curieuse méthode, ceux qui la défendent. De ne l’avoir pas fait, parce qu’il ne pouvait évidemment pas le faire, la prétendue méthode de science politique de l’éditorialiste, détachée de la réalité, apparaît tout simplement comme subjective, plombée par le solipsisme, inexistante.

Comme si cela ne suffisait pas, il ajoute, peu banal et non moins confus :

« Je suis un enseignant, éditorialiste, qui s’appuie sur des faits concrets, validés par la justice, avant de porter des accusations gratuites et toutes faites » !

Lucien Pambou finit ainsi par éclairer et convaincre sur le déficit de sa prétendue ‘méthode’, sur son solipsisme, ou sur sa collusion avec un pouvoir établi, en confondant ‘faits concrets‘ et ‘justice‘ ! Partant, il écorne très profondément le rôle de l’éditorialiste qui, selon lui, serait ligoté par le discours officiel et par la justice !

Dans la logique de son discours, qui ne peut évidemment être soutenu par aucun politiste ni aucun éditorialiste, le meurtre, le viol, le vol et divers autres délits et crimes n’existent qu’à partir du moment où ils sont validés par la justice, et pas avant ! Et que, naturellement pour lui, il ne faut ni en faire état, ni les analyser ! Alors que tout individu doué du simple bon sens sait depuis toujours que les ‘faits’ sont et restent une réalité, et en cela différents du droit et de la justice qui peuvent ou ne pas les ‘valider’, en fonction de l’état du droit existant (principes et règles de procédure), mais surtout, dans le contexte africain ou clairement dictatorial comme le Congo-Brazzaville, de l’indépendance plus ou moins réelle de la justice.

Résultat des courses d’une méthode pourrie parce que n’en étant pas une, Lucien Pambou peut se permettre de soutenir que l’affaire ‘Panama papers‘ tout comme celle des ‘biens mal acquis‘, c’est-à-dire des détournements massifs des biens et ressources d’un pays, un phénomène frénétique mais jamais traité par la justice, n’ont aucune place et aucun intérêt, quand il traite, dans sa peu crédible réflexion critiquée où il se demande pourtant si « Le président congolais relèvera les défis qu’il a fixés » ! Surtout quand il y parle spécifiquement des possibilités d’amélioration des conditions sociales très déplorables et d’un chômage endémique de très loin supérieur à celui de la Grèce ! Monsieur Pambou ne s’étonne en rien qu’alors que dans différents pays où des personnalités citées à propos de ‘Panama papers’ soient entrain de rendre compte d’une façon ou d’une autre, qu’au Congo ce soit le mutisme total ! Il ne s’étonne en rien que malgré l’importance sans précédent des recettes pétrolières reçues par le Congo (3ème puissance pétrolière d’Afrique noire et autour de 4 million d’habitants) et l’effacement d’une large partie de sa dette, ‘la famille du président s’enrichit de plus en plus et les Congolais continuent à crever de faim et de misère‘ comme dit l’ancien patron d’Elf (L. Lefloch Prigent) ! Il ne trouve rien à dire au fait que la justice française qui n’a pourtant pas condamné la famille présidentielle notamment, à propos de nombreuses acquisitions immobilières en France, mais qui veut tout simplement, à propos de l’instruction ordonnée, lui donner la possibilité de se justifier, fasse ouvertement l’objet d’un ‘trafic d’influence’ par Sassou-Nguesso !

Au plan politique, Lucien Pambou n’a pas non plu vu ce que le monde entier a vu, c’est-à-dire le braquage électoral de Sassou en mars dernier, précédé par l’euthanasie constitutionnelle d’octobre 2015. Tout cela accompagné de centaines de blessés et de nombreux morts, de manifestants non armés tués à balles réelles par les sbires, restés impunis, du despote et, qu’en faire état pour rendre compte de la nature du système politique constitue une approche ‘militante’ ! Comme si cette approche n’a pas été faite par d’autres analystes ou journalistes à travers le monde !

Drôle de politiste et curieux éditorialiste !

Enfin, il termine sa réponse en me demandant « à quel parti politique appartenez-vous », parce que, dit-il, plus que jamais éditorialiste-gardien du temple des Nguesso, « toute votre déclamation contradictoire est engagée contre le Président Sassou et sa famille » ! Là est tout le problème et, l’on ne peut que constater la pertinence du recours que nous préconisions (dans notre précédente critique) à Gaston Bachelard, éminent philosophe, qui évoque les obstacles affectifs dans la connaissance objective. Car, c’est bien d’un antidote de cet ordre notamment qu’a besoin le politiste et l’éditorialiste. Bien empêtré comme il l’est, avec d’autres, dans l’affectif et autres intérêts louches, Lucien Pambou, membre du comité de rédaction de ‘Géopolitique Africaine’, la revue de Sassou-Nguesso sur la place de Paris, ne se rend plus compte qu’il se place aux antipodes de ce qu’il a défendu au sein du CRAN (en février 2005), et s’érige ainsi dans la position du défenseur de Sassou-Nguesso et sa famille, et donc bien comme théoricien du rôle positif de la dictature et du crime de masse spécifiquement au Congo! Qu’il n’est ainsi pas aussi candide qu’il veut y paraître !

Cher Lucien Pambou, votre contradicteur, qui n’inaugure pas son action, ses écrits à partir de la famille Sassou comme vous le pensez, et qui a été auparavant contradicteur du général Mokoko dans son « Congo.Le temps du devoir » en 1996[1], de l’écrivain et ambassadeur Henri Lopes en 1999[2], de Pierre Eboundit en 2010[3], du manipulateur et mercenaire juriste Bienvenu Okiemy[4], des théoriciens congolais de « la scission du Congo » en 2012[5], de l’amnésique et ministre-bis sous les transitions démocratique et autocratique Martin Mbemba[6] qui ne découvrait le banditisme et la pagaille au Congo qu’au moment de l’encerclement de son domicile en 2013, du situationniste politique Kignoumba-kia-Mboungou[7] en 2013, du juriste, universitaire et théoricien du coup d’État constitutionnel Placide Moudoudou et consorts[8], de l’universitaire et enseignant de philosophie Zacharie Bowao[9] en janvier 2015, du caméléon et expert du tango politique Martin Mbéri[10] en mars 2015, votre contradicteur disais-je, n’a jamais milité ou appartenu à une chapelle idéologique, politique, morale ou religieuse et ne se reconnaît que dans un seul parti, une seule personne, d’ordre moral, qui s’appelle LE CONGO !

D’esquisser les portraits et de tenter de décortiquer certaines dérives politiques, il s’inscrit là dans une démarche classique, très classique et contemporaine en sciences politiques et, pour cela, hissée au plan d’un grand chapitre en la matière, comme l’ont fait notamment les professeurs et politologues Pascal Perrineau[11], Laurent Cayrol[12], Pascal Boniface[13] ou, dans le domaine où vous officiez accessoirement, et parmi les plus connus, les journalistes Jean-Marie Colombani et Anne Sinclair[14] ! Et, de ne vous en être pas douté et d’aller chercher la petite bête plutôt vulgaire, dans ‘les états d’âme de Félix Bankounda Mpélé, l’empathie…les élites clanistes et tribales‘, j’ai été tenté de me demander, très sincèrement, quelles sciences politiques avez-vous faites ou enseignez-vous ?

Certainement pas celles du commun des politistes dont la particularité, à l’opposé des juristes et leur méthode, consiste à aller au-delà du texte et d’ausculter ou de décrypter les faits, les discours officiels et les structures pour rendre compte de ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Pour vous paraphraser, vous renvoyer la balle, c’est à cause des prétendues analyses et des positions comme les vôtres, faussement neutres, que les dictatures perdurent en Afrique, que la misère prospère, que des truands et piètres hommes d’État comme « le président Sassou » peuvent multiplier les coups d’État, piller, tuer et humilier à satiété des décennies durant, collectionner des constitutions et se frotter les mains en proclamant, de façon surréaliste, face au monde entier, que « la démocratie est en marche »…

En définitive, cher compatriote, le déni des faits et de la réalité n’a jamais été une méthode. Surtout pas en science politique.

Ni politiste, ni éditorialiste, ni Saint-Thomas, l’image et le résultat véhiculés par votre papier apparaissent comme ceux d’un individu se prétendant analyste mais qui n’a, jusque-là, pas réussi à se débarrasser – mais surtout de se rendre compte – du carcan subjectif dans lequel il est embourbé, et qui constitue un obstacle à cet exercice. Aboutissant ainsi, et paradoxalement, au fait que les analystes réels et objectifs deviennent péjorativement des ‘engagés’ ! Être analyste c’est aussi s’activer pour permettre un cadre sain d’exercice de la démocratie et des droits car, peut-on objectivement s’exprimer, analyser dans un contexte politique qui ne permet pas l’expression libre ? …

Sans polémiques, comme vous l’avez demandé, outillez-vous réellement comme politistes, et débarrassez-vous du carcan solipsiste et ‘mercenarial’ manifeste qui vous empêche de voir ce que le monde entier voit, ce que d’autres politistes et éditorialistes décrivent, pour nous permettre alors à tous, véritablement, un débat qui ne soit ni stérile, ni de la comédie politique, ni de l’autodérision…. Car, d’avance, votre contradicteur vous avoue ne pas être très doué dans le genre.

Par: Félix Bankounda Mpélé

[1]« Un général pas comme les autres?  A propos de ‘Congo. Le temps du devoir’ du général Mokoko », in Politique Africaine,1996, numéro 63, pp.150-151 et Journal (congolais) Le Temps, numéro 48, du 28 août 1996, p.11

[2]« Une élite malsaine : à propos des ‘confidences de son Excellence » Henri Lopès, septembre 1999

[3]« Autopsie d’une interview : réponse à Pierre Eboundit », en ligne, février 2010

[4]« Jusqu’où ira l’élite ‘mercenarisée au Congo? », mai 2012

[5]« Le sentiment régional…n’existe pas : réponse aux adeptes de la scission », juillet 201

[6]« Une élite politique congolaise : du sempiternel tango politique à l’imbroglio et la disgrâce », août 2013, en ligne

[7]« L’aveu : les propos édifiants de Kignoumbi-kia-Mboungou », août 2012

[8]« Passe-passe constitutionnel en Afrique : au Congo-Brazzaville, politiques et juristes ne savent plus à quel droit se vouer », octobre 2014, en ligne.

[9]« La résurrection de l’éthique de circonstance au Congo : à propos de la ‘Lettre ouverte au président’ de Charles.-Zacharie. Bowao », 27 janvier 2015

[10]« Dans l’engrenage du tango politique : l’ambiguë et obscure ‘Lettre citoyenne’ de Martin Mbéri », mars 2015 ; suivi de « Tango politique endémique : Martin Mbéri rejoint l’église du prophète-colonel Innocent Peya », janvier 2016

[11] Les comportements politiques , Armand Colin, 1992 (avec Nonna Mayer)

[12] Le grand malentendu. Les français et la politique, Paris, Seuil, 1994

[13]Les intellectuels faussaires. Le triomphe médiatique des experts en mensonge, Ed J-C Gawsewitch, 2011

[14]Notamment, Jean-Marie Colombani, De la France en général et de ses dirigeants en particulier, Paris, Plon, 1996 ; Anne Sinclair, Deux ou trois choses que je sais d’eux, Paris, Grasset, 1997