Ma lettre à la jeunesse Congolaise : La cause des nombreux freins au décollage de notre Congo

Tribune libre-

D’année en année, le Congo-Brazzaville déploie un catalogue de bonnes intentions : année de ceci, année de cela, sans pour autant s’astreindre à l’autocritique pour faire l’inventaire des échecs passés.

Ils sont de plus en plus nombreux à sortir de l’ombre, ces Congolais anonymes, pour  interpeller les pouvoirs publics sur le caractère brouillon de leurs engagements et les mettre devant leurs responsabilités.

Ici, nous accordons la parole à tout le monde. Le Docteur Tchely MBOLA-OYALY-OLOUASSELY est de ceux-là et il a quelque chose à dire à la jeunesse Congolaise.

Il aborde ici, l’une des problématiques qui touchent aussi bien notre système de santé dont l’année 2012 avait été le thème sans vraiment convaincre, à la lumière des explosions tragiques du 04 Mars que d’autres secteurs vitaux : le manque de personnel qualifié et de rigueur au travail.

Voici ce qu’il en pense, de notre système de santé.


Le Congo notre jeune pays, libre vers les années soixante, se trouve dans une situation stagnante aujourd’hui. L’exécutant n’arrive pas à suivre l’autorité gouvernementale, chaque année on proclame de nouveaux concepts de gestion du pays, de l’autosuffisance alimentaire au chemin d’avenir en passant par la municipalisation accélérée, les politiques changent de forme et de nom mais les problèmes demeurent. Je viens par ce texte mettre le doigt sur la cause de cette inertie.

Le Congo notre pays a des nombreux atouts naturels et démographiques mais malheureusement se trouve toujours parmi les pays pauvres. La taille de la population Congolaise est largement inférieure aux ressources. Le Congolais devrait pouvoir vivre comme un habitant des Émirats Arabes-Unis, plus qu’un Français…, nous devrions avoir une meilleure qualité de vie, l’accès à des soins de santé adéquats et à un logement digne et ultra-moderne.

Le seul vrai problème qui hante notre État depuis sa relative indépendance jusqu’à nos jours c’est celui de la mauvaise gestion des ressources humaines. L’autorité Congolaise accorde moins d’importance à ce secteur qui fait pourtant toute la différence dans les vraies nations qui avancent.

Vous demanderiez à nos autorités de définir le rendement du personnel travailleur dans le fonctionnement annuel de notre pays, elles en seraient incapables. Si vous demandez à un Directeur général d’un ministère quelconque de vous dire combien de personnels sont sous sa direction, il ne saura vous le dire. C’est à mon avis, la cause de l’échec de la politique de l’année de la santé 2012.Le manque de maîtrise, la mauvaise connaissance des effectifs du personnel de la santé, la négligence des cadres, les salaires toujours insuffisants malgré les efforts engagés par l’État, l’absence de primes de motivation pour ces vaillants cadres de la santé.

Comment pouvez-vous penser à une année de la santé si le préalable n’est pas assuré ?

De nombreux cadres du pays et les gouvernants ne pensent qu’à l’acquisition des infrastructures, le problème est bien plus profond que celui des infrastructures. On a beau remplir le Congo des hôpitaux avec le standing dernier cri, tant que le préalable n’est pas pris en charge, le pays subira les mêmes problèmes. C’est un absolu, indispensable.

La présence de nombreux malades Congolais dans plusieurs pays d’Afrique pour les questions de santé n’est qu’une facette de cette mauvaise gestion dans ce domaine de la santé. Ce désordre a même occasionné l’implantation des nombreux faux médecins étrangers au pays sans aucune protection de notre population par les autorités politiques, sans que l’ordre des médecins n’y trouve à redire !

Les questions principales des acteurs de la santé doivent être réglées, les problèmes de formation, de recyclage des anciens, la recherche scientifique, le salaire qui constitue le nœud du problème doit être amélioré sinon, les problèmes perdureront toujours.

Le salaire du cadre de la santé doit être à la hauteur de sa tâche, plus il gagne, mieux il se porte et très bonnes seront ses prestations. Un médecin qui vit dans la précarité est un éternel insatisfait, il peut être présent au service mais absent dans sa pensée et inefficace. Pour mieux se prendre en charge, il est obligé de perdre plus de son temps dans le privé, laissant ainsi les étudiants à l’exercice d’auto-formation et les malades, à la merci du danger car servant –à leur insu – de cobayes de laboratoires pour des stagiaires inexpérimentés.

Les conséquences ne sont pas des moindres pour ceux qui connaissent l’afflux des cadavres à la morgue municipale du Congo où les enterrements sont aujourd’hui considérés comme des activités de sociétés, normales au même titre que les loisirs.

Ce problème est la vraie cause de l’échec de l’ensemble de nos politiques, notre pays évolue comme au Vè siècle, sans tableau de bord. Nous n’avons aucun repère, aucune politique future !

Au pays, un travailleur quitte son domicile à 10 heures du matin pour son lieu de travail et revient chez lui à 13 heures : il passe 3 heures au service mais n’aura travaillé que pendant 1 heure et 2 heures de causerie dans les couloirs de son lieu de travail. Son rendement à la fin du mois est celui qu’il aurait produit en une semaine en temps normal.

Ce phénomène est malheureusement encouragé au sommet, à la tête duquel des dirigeants recrutent à tour de bras du personnel non qualifié sur des dossiers douteux, non vérifiés et par affinités ou liaisons ethno-régionales. Le tribalisme remplace la méritocratie.

L’autorité publique ne s’intéresse pas du  «comment ? », ni du « pourquoi ? » à propos de cette situation aussi importante pour l’avancement de notre pays.

Aujourd’hui, les 7O% des travailleurs de la fonction publique du Congo sont payés par le fruit de nos ressources naturelles et non par le produit de leur travail: cela aide à comprendre la question sur l’épuisement de nos ressources naturelles et le manque de soucis manifeste pour les générations futures.

Nos travailleurs, malgré leur bonne volonté – pour ceux qui en ont encore- se trouvent confrontés à l’éternel phénomène du transport urbain, un épineux problème qui concoure gravement à cette baisse de rendement du personnel travailleur Congolais.

En effet, l’extension de la ville, le non développement des infrastructures routières, le désordre dans la politique de décentralisation font que, les travailleurs de quartiers périphériques du Congo sont découragés par cet obstacle qui non seulement contribue à leur retard aux lieux du travail, mais les appauvrit et tout cela, devant un système impuissant et aux discours multiformes.

Nombre de ces travailleurs ne savent pas ce que c’est que le plan de carrière, l’avancement, les droits d’un travailleur. Abusés, marginalisés, ignorants…, avec au-dessus d’eux, un Directeur tout-puissant, en général un homme à tout faire, au sommet d’un département où il est le seul à rendre compte au chef de l’État qui l’y a nommé ! Dans ce sens, il est bien libre de faire des fausses statistiques et est capable de produire des faux rapports pour sauvegarder son poste.

Malheureusement, nos départements ne sont pas soumis aux contrôles d’audit pour éclairer ce flou. Nous tombons là, dans la mauvaise gestion politico-économique occasionnée par le système.

Une mauvaise gestion qui a pour point de départ, l’abandon, par l’État, de ce qui est élémentaire : le caractère sacré du travail. Cette situation fait la pluie et le beau temps d’une certaine catégorie de gens qui mangent à tous les râteliers mais expose le pays, la population à tous les maux, cela dans tous les domaines. Les conséquences ne sont pas à négliger…car le pays se meurt.

Il nous revient jeunesse d’aujourd’hui, de dire non à la gabegie, non au désordre sur les biens publics, non aux abus et cela, sans coloration régionale, ethnique et politique. Nous devons défendre l’identité Congolaise dans cette marche vers l’émergence.
Vive le pays, vive la patrie Congolaise, vive l’unité.

Dr Tchely MBOLA-OYALY-OLOUASSELY.

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