Laurent DZABA
Par Laurent DZABA
Le chef de l’État, Monsieur Denis Sassou Nguesso a délivré, ce samedi 29 décembre 2018, son traditionnel message sur l’état de la Nation devant le parlement réuni en congrès. Et ceci conformément à l’alinéa 2 de l’article 94 de la Constitution du 6 novembre 2015. Le mieux que l’on puisse retenir de ce discours qui a duré environ une heure, est que le Président de la République s’est placé, comme à son habitude en spectateur alors que c’est lui qui doit définir un cap pour le pays et être le fer de lance de toutes les réformes à mener.
Ce rendez-vous qui devait être empreint de gravité à la vue de la crise que traverse notre pays, s’est transformé, minute après minute, en une banale rencontre.Sur la forme, les congolais ont tous vu un Président de la République usé par le pouvoir et parle temps, qui manque de lucidité et qui parle d’un pays et d’un peuple qu’il ne connait pas en réalité. A l’entendre parler, on a l’impression qu’il fait allusion dans son discours, à une petite île au milieu de l’océan indien, tant les mots sont creux et qu’il peine à se convaincre de la pertinence de son propre texte.
Il est important de rappeler au Président de la République qu’il n’est pas un simple commentateur de l’actualité congolaise. Il est chef de l’état donc à le devoir de trouver des solutions aux nombreux défis qui se dressent sur notre chemin. On peut comprendre que la lassitude ait eu raison de la capacité cognitive d’un homme qui a passé plus de trente (30) ans au pouvoir. Malheureusement, les congolais qui ont faim et soif n’en peuvent plus de la misère et de la souffrance et ne supportent plus les errements au sommet de l’état. C’est à lui d’agir !
Sur le fond, le Président de la République a dressé un bilan hilarant de l’année écoulée, un bilan qui ne reflète en rien la réalité telle qu’elle est perçue par les congolais. La bonne gouvernance à travers la lutte implacable contre la corruption, cela a toujours été son crédo depuis plus de dix (10) ans. Il sait que c’est le principal grief porté contre son régime par les congolais. Et pourtant, comme pour les demandes concernant l’eau et l’électricité, plus le peuple réclame, moins il y’a des chances que cela se réalise.
Il est lamentable de constater que, dans son discours fleuve, le Président ait sciemment ignoré de parler des retraités, des étudiants, pas un seul mot de compassion pour les victimes de la tuerie de Chacona et pour les déplacés du conflit dans le département du Pool (aujourd’hui réfugiés dans le département de la Bouenza), pas un mot pour les travailleurs du secteur hospitalier (CHU de Brazzaville et de l’Hôpital Général de Dolisie qui cumule 24 mois d’arriérés de salaire), pas un mot pour les travailleurs de l’Université Marien Ngouabi, de l’administration territoriale, du secteur privé et même pour les chômeurs. Seuls comptent à ses yeux, les militaires et les fonctionnaires, dont la régularité dans le versement des salaires permet d’éviter la grève donc de sauver son pouvoir.
Dans un pays où le mot réforme est tabou et pour lequel les ministres en charge des discussions avec les experts du FMI se permettent de « sécher » les réunions, il est évident que le salut du peuple n’est pas la priorité des gouvernants. Si l’on s’en tient à son discours, la seule promesse tenue par le Président l’année écoulée, est celle d’avoir mis en place toutes les institutions constitutionnelles (Conseil national du dialogue, des sages et des notabilités traditionnelles, de la société civile et des organisations non-gouvernementales, des personnes vivant avec handicap, de la Jeunesse et celui des Femmes) qui sont des organes qui émettent des avis qui ne sont pas exécutoires. En réalité,ces institutions servent à caser des parents et des amis mais aussi à produire des documents dont personne s’en sert.
Quand le Président affirme dans son discours : « Je mesure l’impatience du Peuple qui attend que des têtes tombent, comme si la présomption d’innocence n’était qu’un écran de fumée induit par notre seul système judiciaire. Je comprends l’inquiétude du Peuple devant l’exigence de transparence et d’objectivité. Je rassure qu’il n’y aura ni boucliers de protection pour les uns, ni rampes de sanction pour les autres », il fait une mauvaise lecture de l’opinion publique parce que la stricte vérité montre que si les congolais rêvent qu’une tête tombe, c’est à la sienne qu’ils pensent en premier.
En plus, ces phrases alambiquées ne changeront pas l’avis des congolais. Tant que le Président Sassou sera au pouvoir, tout ceux qui sont impliqués dans les crimes économiques (à l’exemple des ministres Ondongo et Bouya qui sont les plus indexés par les congolais) ne seront jamais inquiétés. Cela ne fait aucun doute, tous les délinquants en col blanc qui rodent dans les allées du pouvoir, sont autant de petites mains qui œuvrent pour la pérennité de son système. Donc, il ne fait peur à personne. Une pure manœuvre de diversion.
Quand il dit : « Face aux délits économiques, quels qu’ils soient, il n’y aura ni menus fretins, ni gros poissons. Tout passera dans la nasse du droit et de la justice. Seule prévaudra la loi », là aussi, le Président joue une pièce de théâtre. Il lui suffit de fermer les yeux pendant trente secondes et les rouvrir pour savoir qui mérite sa place à la maison d’arrêt de Brazzaville.
Si notre système judiciaire était indépendant, au moins la moitié du gouvernement actuel et les trois quarts des anciens ministres finiraient leur vie dans les prisons congolaises. Une chose est sûre, tout se passe dans notre pays comme dans la mafia où les mafiosi sont liés par un code d’honneur et une omerta et sont rattachés au parrain, qui lui-même n’aura jamais le courage de scier l’arbre sur lequel il est assis.
Cela est vraiment regrettable qu’un Président puisse à ce point humilier son peuple par des slogans qu’il essaie de vendre au FMI comme des décisions. Tous les congolais ont suivi le discours qu’il a prononcé, il y’a un an, le 30 décembre 2017 dans lequel il affirmait : « Face à la fraude, la corruption, la concussion, le trafic d’influence, le laxisme, sanctionner restera la pierre angulaire de la gouvernance, sur l’autel de la législation et la réglementation en vigueur. » Il est donc aisé de comprendre que le jeu de chaises musicales entre ces statues creuses issues d’un même moule, nommés aux impôts, à la douane et ailleurs, ne permettra pas de transformer un système sclérosé et pourri jusqu’à la moelle.
Le seul mérite de ce discours est celui de montrer aux yeux et à la face du monde, la place et le poids que le Président Sassou Nguesso accorde à l’opposition, quand il affirme : « la désignation du Chef de l’Opposition participe de la volonté du Peuple d’instituer une République de partage et de solidarité. » En gros, il aurait initié une loi sur les partis politiques complaisante, non pas pour faire évoluer les institutions mais simplement afin de permettre aux responsables politiques de l’opposition de participer à la « mangeoire ». On comprend mieux pourquoi cette opposition soit devenue, une opposition sans préalables, sans dents et toujours au « garde à vous ! ». Pire encore, aucun de ses membres n’a pris la peine de lever le voile sur cette phrase qui donne l’impression, que nous ayons tous vu à la télévision, un Général d’armée à la retraite qui s’adressait aux troupes qui lui sont restées fidèles mais aussi à quelques marginaux front.
Enfin, quand le Président dit : « En tout état de cause, l’expression démocratique se déploie en toute liberté au Congo. Nul n’y est inquiété et ne le sera pour ses opinions. » Cela est simplement une blague.
Tous les congolais ont vu le journaliste Ghys Fortuné Dombe Bemba, balloté entre la clinique COGEMO et la maison d’arrêt de Brazzaville, pour avoir publié un texte sur le voyage raté du Président de la République aux USA. Aussi, il est clair que les congolais ne partagent pas la même conception de la liberté démocratique que leur Président de la République. La sienne ne permet pas à Claudine Munari et Paulin Makaya de tenir des réunions publiques et maintient en toute illégalité André Okombi Salissa et Jean Marie Michel Mokoko en prison. Dans la nôtre, les délibérations du peuple sont prises par des citoyens non asservis et qui ne sont pas contraints dans leurs choix.
Aujourd’hui, le Président peut se permettre de narguer le peuple car il a en face de lui un corps de déserteurs politiques qui se sont autoproclamés opposants républicains, alors qu’ils sont en réalité des membres d’une opposition mollassonne et hypersomniaque, qui ne s’oppose à rien et qui partage la même lecture de la situation du pays que pouvoir.
Alors, si l’opposition congolaise veut obtenir le dialogue national inclusif et la libération des prisonniers politiques comme elle le prétend, elle n’a pas d’autres choix que de se surpasser, sortir les crocs, afin d’imposer ses points de vue.
Même si les congolais savent depuis très longtemps qu’ils ne peuvent pas compter sur le pouvoir actuel qui laboure leur champ de malheur, il est désormais clair que l’espoir de voir la fumée blanche sortir du toit du palais du peuple de Brazzaville, n’est pas pour demain.
Nous sommes le Congo Uni, Jamais sans nous !
Laurent DZABA
Ingénieur Numérique, Innovation et Intelligence Artificielle
Diplômé en Economie Financière
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