Par : Robert Gaillard
QUI SERA LE SECOND PRISONNIER
L’interpellation de Jean Didier Elongo (gestionnaire aux grands travaux) à la DGST alimente les conversations dans les quartiers et autres lieux de causeries. Pour certains, il s’agit du début de la vraie lutte contre la corruption. Pour d’autres, il s’agit d’une stratégie politique pour faire croire aux experts du FMI que l’Etat congolais est à l’écoute de ses conseils, afin que cette institution financière lui accorde l’aide attendue. Cette réflexion pousse d’autres personnes à dire tout haut que Jean Didier Elongo n’est qu’un « petit poussin » du poulailler interpellé pour protéger « la grande volaille ». Car pour cette lutte contre la corruption, il faut commencer par les « grosses poules » et les « gros coqs » notamment, les gestionnaires des deniers publics qui se sont transformés en nouveaux riches ou en milliardaires congolais; ceux qui hier dormaient entre deux avions, que les membres de la diaspora voyaient acheter des chemises en dollars et participaient aux jeux d’échec à gros sous à l’étranger. « La lutte contre la corruption ne peut pas commencer par l’interpellation d’un petit gestionnaire de marchés publics même si celui-ci doit aussi être entendu pour connaitre comment a t-il géré ces marchés. Le mieux serait de commencer par le sommet. S’interroger sur la provenance de la passivité et de ce laxisme qui ont engendrés cette corruption à grande échelle. Certes la lutte contre la corruption ne peut échapper aux petites structures de l’Etat, mais il existe bien des secteurs très stratégiques comme la SNPC, la douane, les impôts, les mines, le bois, le domaine présidentiel… qui ont absorbé des sommes faramineuses dont il faut auditionner les gestionnaires pour savoir comment ces entités ont-elles été gérées » a fait savoir Samba Kodila de la diaspora avant d’ajouter que « pour le secteur du pétrole, par exemple, le peuple veut voir l’interpellation de Denis Cristel Sassou Nguesso, Denis Ngokana et de bien d’autres gestionnaires du secteur pétrolier. S’il faut aller dans le fonds de la recherche de la vérité de ce secteur, il faut d’abord élucider la question de la levée des cargaisons au large de Pointe-Noire. Qui reçoit, combien reçoit-il et comment vend t-il la part qui revient au Congo dans le cadre du partage de production?Tous ces responsables devraient être entendus pour connaitre la vérité sur la gestion du pétrole congolais y compris les gestionnaires des sociétés écran. Pour bien réussir cette opération, il faut effectivement exclure la complaisance. Doivent également passer sur le tamis, les multiples stations d’essence disséminées dans la République pour identifier les vrais propriétaires et connaitre la provenance des fonds d’installation de celles-ci. Si le ministre Taty Loutard (paix à son âme) disait qu’il ne voyait pas les revenus du pétrole congolais et qu’il ne gérait que les papiers, c’est qu’il y a un gros bonnet qui gère le circuit de la dilapidation des revenus de cette manne.» Les révélations inquiétantes des cas de corruption et détournements des finances, ont même poussé Isidore MVOUBA à ordonner l’ouverture d’enquêtes parlementaires sur les cas avérés de crimes économiques et de corruption. C’est pour autant dire que la lutte est engagée et que cette décision vient corroborer à l’idée des audits de la SNPC, des Grands travaux et de bien d’autres secteurs générateurs des fonds au Congo. La lutte contre la corruption doit commencer par ces secteurs et les véreux pourront être envoyés au parquet, en application de l’article 40 du code de procédure pénale. Si l’interpellation de Jean Didier Elongo n’est pas un jeu de poker-menteurs, il serait donc intéressant d’interpeller aussi les grands gestionnaires de ce pays . En application de cette mesure, tous les « patrons des services » impliqués dans la gestion des marchés aux grands travaux devraient être entendus à commencer par Jean Jacques Bouya et ses subalternes en passant par le ministère des finances jusqu’à la présidence de la République puisqu’il est entendu que les marchés de plus de 2 milliards étaient gérés par le ministère des finances et la Présidence de la République. C’est donc un dossier qui risque même d’éclabousser le haut sommet puisque, dit-on, la corruption a gagné tous les secteurs de ce pays. Sauf interruption de la procédure, cette opération risquera entrainer tous les grands patrons du pétrole (Cristel Sassou et autres ), du bois (Henri Djombo et compagnie), des finances (Ondongo et autres), des impôts et du domaine (Antoine Ngakosso et consorts), des douanes (Alfred Onanga et subalternes) sans oublier les mines, la santé, le transport, l’électricité, l’eau, le commerce etc. Mais certaines personnes imaginent déjà que cette opération n’ira pas loin. Elle risquera de connaitre un coup d’arrêt parce qu’au regard des audits à faire, tous les piliers du pouvoir risquent d’être dans le collimateur. A cet effet, il sera donc difficile de voir les gros bonnets de ce pouvoir être visés par une interpellation parce qu’il y va de la dignité du pouvoir, du respect des compagnons de lutte et du clan. En lorgnant sur cette opération, il sera probable que les enquêtes arrivent jusqu’aux ministres et aux autres responsables politiques, aux enfants des dignitaires et aux autres connaissances de la famille régnante et à tous ceux qui seront impliqués dans cette «gestion épiceriale».
Si Isidore Mvouba a reconnu que « Le Congo est confronté à cette problématique depuis plusieurs années. Il s’agit d’un fléau engendré par la mauvaise gouvernance», c’est que le risque d’une avalanche d’interpellations des cadres du pouvoir est grande d’autant plus que même Isidore Mvouba lui-même fait partie de ces cadres soupçonnés d’avoir siphonné les finances publiques, avec l’histoire de Mvoungouti, lui qui parlait de l’embellie financière à une époque récente de l’histoire et qui parlait des fonds réservés pour les générations futures que l’on ne retrouve plus.