Plaidoirie pour un internet pour tous

Par  Jean-Claude  BERI

Article publié le 24 janvier 2013

Le rôle du facteur technologique dans le développement du Congo, souvent éludé dans les années quatre vingt avec le plan quinquennal, semble reprendre de l’actualité à propos des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’internet serait par nature radicalement nouveau et porte tous les mythes du post modernisme, lié à l’abolition des distances et du temps. Au Congo, le discours développementaliste retrouve avec l’internet une nouvelle jeunesse, bousculant les équations traditionnelles du développement inégalitaire de notre pays. La possibilité d’un véritable « bond en avant » du Congo-Brazzaville est désormais une réalité à portée de main de l’économie congolaise en particulier et de tous les congolais en général.

Au-delà des infrastructures jugées parfois archaïques et totalement inappropriées, l’Afrique, en général,   pourtant  loin d’être tenue à l’écart des mutations observées ça et là du réseau mondial tente de rattraper ce train parti trop vite à son goût. En particulier au Congo-Brazzaville où l’Internet suscite un immense espoir dans la jeunesse scolarisée reste un secteur à l’abandon ou dirait-on plus honnêtement suscite peu d’engouement de la part des responsables politiques.

La course en avant ou « le boum du mobile » (le Congo vient d’accorder une quatrième licence à l’opérateur saoudien Bintel)   observées ces dernières années seraient-ils en réalité une brillante manière de cacher les errements d’une politique indécise et inadaptée en matière de NTIC ? S’appuyant sur les aveux des congolais, il est certain que la baisse de prix d’un appel ramené  au tarif unique de 89.00 F CFA est un point positif à mettre sur le compte de ces  responsables. Nos compatriotes friands de belles paroles se délectent avec cet avantage en passant aujourd’hui des heures au téléphone à échanger avec leurs proches. Toutefois il est indéniable de signaler que, la relégation au second plan de la téléphonie filaire est une erreur aux conséquences incalculables.

Manque d’information et régression de l’éducation

L’Université Marien Ngouabi, on ne  le dira jamais assez, manque de tout à l’exception du courage et de la volonté des enseignants et étudiants qui refusent de baisser les bras, est loin de refléter les 80% du taux  d’alphabétisation des congolais atteint dans les années 80.

La rétention de l’information par les anciens et certains politiciens véreux y est d’autant plus pesante que les bibliothèques sont presque vides.

Pourtant, Internet apparaît pour beaucoup de congolais comme une opportunité inouïe. Dans les quelques départements universitaires où on a la chance d’observer un ordinateur, les salles ne désemplissent pas. L’esprit critique inné du congolais revit,  s’installe et les enseignants conscients  sont amenés à se remettre en cause et réadaptent leurs cours… La révolution des NTIC n’épargne pas les illettrés, aujourd’hui  en grand nombre dans notre pays. L’espoir né d’Internet redonne du sens à l’apprentissage de l’écriture mise à mal par le chômage des diplômés. Mais, comment répondre à cet espoir dans un pays  où un ordinateur coûte parfois l’équivalent d’un an de salaire d’un fonctionnaire ? Alors que nos voisins gabonais viennent de porter le salaire minimum à 150.000F CFA, le congolais doit se battre avec ses 50.000 à 60.000 F CFA pour tenter de suivre ce train de développement. Dans ces conditions comment blâmer l’étudiant congolais qui privilégie les centres culturels étrangers au détriment des nôtres ? (quasiment inexistant d’ailleurs)

Adapter la fracture numérique

Au Congo-Brazzaville, les espoirs d’Internet se heurtent sur les insuffisances d’accès. La fracture numérique est d’autant plus vivement ressentie que les promesses sont multiples et séduisantes. L’achat d’un ordinateur est une dépense très lourde que seul un pourcentage infime des ménages peut s’offrir. De plus, celui-ci devra être renouvelé tous les quatre à cinq ans. L’achat des logiciels est un coût non négligeable.

« …En moyenne, au Congo, un accès de 128k avoisine les 500 000 FCFA (plus de 760 euros ou 1 000 dollars) soit 10 fois le salaire d’un ouvrier congolais. La connexion dans un cyber avoisine les 1 000 FCFA /1heure. Il faut en moyenne 30 000 FCFA/mois (45 euros ou 60 dollars) à un Congolais pour consulter ses mails au moins une fois par jour, soit 1/3 d’un salaire d’ouvrier ou 15% d’un salaire moyen (estimé à 100 000 FCFA) (1), ce qui équivaut à un mois de bourse pour un jeune étudiant.
La minorité congolaise éligible (financièrement) n’est pas épargnée, car elle doit se contenter d’un faible débit équivalent à 128 Kilooctets (2) en descendant (débit du fournisseur vers la station utilisateur), soit le débit disponible en France il y a 15 ans et il y a encore 6 ans au Sénégal pour un tarif dix fois moins élevé à l’époque. Aujourd’hui ces pays offrent des débits allant jusqu’au Megaoctet (3) pour environ 18 000 FCFA/mois). »http://lucmissidimbazi.com/2.html

A cela, s’ajoute les stratégies commerciales des grands éditeurs de logiciels qui cherchent à accélérer l’obsolescence des machines renforçant encore plus le fossé. La pénurie de lignes de téléphone, la mauvaise qualité de service des opérateurs, le coût élevé des communications et l’absence d’offre commerciale forfaitaire ajoutent encore des difficultés.

Les errements de choix stratégiques :

Démarré en 2004 le projet régional d’installation d’un câble sous marin à fibre optique le long de la côte ouest de l’Afrique appelé WAFS (West African Festoon Submarine Cable System) s’est arrêté brutalement  l’année dernière sans une explication plausible. Entraînant de ce fait un retard considérable pour le déploiement de la fibre optique sur le réseau national.

On apprend aujourd’hui auprès du ministère que le Congo n’a pas abandonné le projet mais plutôt à migrer vers un autre appelé WACS (West Africa Cable System). Ce nouveau projet dont fait partie  notre pays  est entrée en vigueur le 8 Avril 2008. La réception provisoire et la mise en service commercial prévue courant juin 2011 (Matombi village situé à20 Km de Pointe-Noire a été retenue comme point d’atterrage du Câble sous-marin au Congo). La Direction générale des Grands travaux vient de lancer un appel d’offre pour la construction de la chambre d’atterrage à Pointe-Noire sur le site de Matombi.

L’étude cartographique du tracé à haute mer assurée par la société EGS Survey est en cours. Le bateau affrété par Alcatel doté d’équipements appropriés est présentement sur le large à Pointe-Noire.

Au regard des avancées palpables observées dans les pays d’Afrique de l’Ouest il est plus nécessaire que le gouvernement congolais veille a ce que ce projet ne soit pas caractérisé par un second échec. Le Congo ne peut se permettre continuellement des choix inadaptés qui coûtent des millions aux contribuables congolais. Il est à noter que ce projet coûte 600 millions dollars pour les quatorze pays concernés (Royaume-Uni, Portugal, iles Canaries, Cap vert, Côte d’Ivoire, Ghana,  Togo, Nigéria, Cameroun, Congo-Brazzaville, Congo-Démocratique, Angola, Namibie et l’Afrique du sud).

Nous proposons  pour le Congo, notre pays, pour donner un élan réel à l’Internet la mise en place des centres cyber-solidarité. Sorte de centre  culturel multimédia ou le ministère des Télécoms en  association avec le ministère de la Culture mettront à la disposition des congolais des ordinateurs connectés au réseau, à un prix adapté pour permettre à l’étudiant congolais de mener à bien ses recherches et au citoyen de s’ouvrir davantage au monde. Cette solution s’inscrit dans la tradition culturelle congolaise ou la communication apaisée se passe autour du «  Mbongui ». Ces centres Cyber-solidarité favorisera la solidarité entre congolais mis trop souvent à mal. L’intégration des NTIC  dans les programmes de l’enseignement  primaire et secondaire La création des salles multimédia pour tous. Adopter une politique d’exonération des taxes pour les ordinateurs afin de faciliter leur acquisition et permettre ainsi la vulgarisation de cet outil indispensable à travers le pays.

Jean-Claude BERI