PLAIDOYER POUR MONSEIGNEUR ANATOLE MILANDOU

Un événement majeur a marqué la vie politique congolaise en 2015: le changement de la constitution de Janvier 2002, intervenu en octobre de la même année à l’issue d’un référendum tragique.

Les opinions les plus qualifiées – notamment celles des constitutionnalistes des deux camps, ont pu donner libre court à leur sagacité, pour défendre ou pour critiquer ce choix, de sorte qu’ ajouter aujourd’hui à ces prises de positions serait sinon superfétatoire, du moins tardif. En tout cas inopérant.

Au lendemain de cet événement, courant Mars 2016, le pouvoir a organisé une élection présidentielle à l’issue de laquelle le Conseil constitutionnel a proclamé le Président sortant élu. Dans la foulée, le Gouvernement a annoncé que la mairie ainsi que le commissariat de police de Makélékélé, au sud de Brazzaville, avaient été attaqués par les milices du Pasteur Ntoumi. Depuis, le département du Pool est assiégé; beaucoup d’écoles sont fermées, des plantations désertées et pillées; des dispensaires détruits ; bref les kongo du pool ont retrouvé leur tragique destin qui, depuis des lustres, les jettent, de manière récurrente, dans les bas-fonds du malheur.

On s’est livré en conjectures sur les raisons de cette nouvelle hécatombe. Si de nombreux commentateurs en ont attribué la responsabilité au Pouvoir, quelques-uns cependant se sont interrogés sur les complicités dont celui-ci a pu bénéficier chez les Kongo du Pool.

On a cité pêle-mêle le Pasteur Ntoumi et sa milice, les miliciens orphelins du député Anicet Pandou dit Willy Matsanga, les pecetistes du Pool, et……..l’église catholique !

Pourtant, le réquisitoire contre l’église catholique a été prononcé par des procureurs de rue ignorant et son organisation et son fonctionnement au point de faire des déclamations distancées de la réalité.

En effet, dès le départ, c’est l’archevêque métropolitain de Brazzaville, Monseigneur Anatole MILANDOU qui a été présenté comme étant l’allié complaisant du pouvoir dans la production de cette litanie des malheurs. Par le verbe ou par la plume, l’outrance a évincé la raison. Comme de nombreux catholiques congolais, j’ai été attristé par le spectacle du procès fait à un Homme que la dignité et la pudeur contraignent au silence. Aussi, ai-je choisi d’associer ma plume à celle de ses défenseurs à travers ces quelques mises au point.

1° Monseigneur Anatole Milandou n’est pas le chef de l’Église catholique du Congo

Monseigneur Anatole MILANDOU est l’archevêque métropolitain de Brazzaville. On a coutume d’en conclure qu’il est donc le chef de l’église catholique au Congo. Il n’en est pourtant rien. Dans l’église catholique romaine, l’archevêque métropolitain est celui qui est placé à la tête d’une province ecclésiastique composée en principe de diocèses suffragants. C’est le cas du jeune diocèse de Dolisie qui fait partie de la province ecclésiastique de l’archidiocèse de Brazzaville. Quoique métropolitain, il n’exerce pleinement sa juridiction spirituelle que sur son diocèse, et n’a qu’un certain droit de regard (ou une autorité morale) sur les diocèses suffragants.

Du point de vue sacramental, il n’y a pas de différence entre un archevêque et un évêque en ce sens que c’est le même sacrément – le sacrément d’évêque – reçu du Pontife Romain – qui permet à l’un et à l’autre d’occuper le siège épiscopal d’où il exerce le ministère pétrinien. : Il est à rappeler que le sacrément d’évêque est le troisième niveau du sacrément de l’ordre ; le premier étant celui de diacre permanent et le second celui de prêtre. Contrairement à une idée répandue, aucun des 9 évêques du Congo Brazzaville ne reçoit ses instructions de l’archidiocèse de Brazzaville en ce qui concerne les matières relevant de sa juridiction spirituelle. Aucun.

A la vérité, le gouvernement de l’église catholique au niveau local c’est-à-dire dans chaque pays est la conférence épiscopale ou conférence des évêques. C’est elle qui- à travers son assemblée plénière prend les grandes décisions qui engagent la vie de l’église. Au Congo Brazzaville, elle est présidée pour trois ans renouvelables par l’un quelconque des évêques du Congo. Depuis bientôt deux ans, elle est dirigée par Monseigneur Daniel Minzonzo, Évêque de Nkayi, lequel a succédé à Monseigneur Louis Portela Mbuyu, Évêque de Kinkala, qui a occupé cette fonction jusqu’à Avril 2015.

2° Monseigneur Anatole Milandou, partenaire de la paix

L’actuel archevêque métropolitain de Brazzaville n’a pour sa part jamais été Président de la Conférence épiscopale du Congo. C’est en qualité d’évêque du diocèse de Kinkala qu’il s’était beaucoup impliqué dans la cessation de la guerre imposée au département du Pool. Alors que cette tragédie lui avait arraché, outre deux prêtres et des pasteurs des églises réformées, précieux partenaires dans l’œcuménisme-, des milliers de fidèles, l’ordinaire du diocèse de Kinkala, mettant son courage au service de la charité chrétienne, avait – sans se lasser – contribué à rapprocher, à concilier, les positions des protagonistes ( le camp du pouvoir et celui du pasteur Ntoumi) pour mettre fin à cette guerre qui a fait du Pool le département le plus arriéré du pays en infrastructures. Certes, l’honnêteté impose de rappeler que des organisations non gouvernementales, les nations-unies, des militants de la société civile, des responsables de l’armée ainsi que des partis politiques, avaient activement pris part à la recherche des solutions de sortie de crise, mais il n’en demeure pas moins qu’à travers la personne de ses pasteurs au premier rang desquels se trouvait Monseigneur MILANDOU l’église catholique a effectivement contribué au succès de la concertation citoyenne qui avait conduit à la fin des hostilités dans le Pool. Par ailleurs, elle n’a jamais fait mystère de ce que, dans le cadre de ces négociations, ses pasteurs étaient reçus tantôt par les autorités congolaises, parfois au plus haut sommet, tantôt par le pasteur Ntoumi, Président du CNR

C’est à l’un de ces épisodes que Monseigneur l’archevêque avait fait allusion alors qu’il était convié à prendre la parole par son successeur à la tête du diocèse de Kinkala.

3° Monseigneur Anatole MILANDOU, pasteur incompris

Le …….Juin 2016, c’est à l’invitation de son confrère Monseigneur Louis Portela Mbuyu, évêque de Kinkala, que Monseigneur MILANDOU – en visite privée à Paris – avait pris la parole dans la salle ….de la rue Lhomond. Répondant à une question de l’auditoire, il avait exprimé sa préoccupation devant le drame du Pool en répétant à plusieurs reprises : jusqu’à quand ? il faut que cela cesse ! Puis, il avait rappelé une anecdote remontant à 1998 lorsqu’en compagnie de Monseigneur Portela, il était allé rendre visite au Pasteur Ntoumi au village NKAMPA pour s’inquiéter de l’avenir des jeunes miliciens Nsiloulou considérant à juste titre que la priorité était d’arrêter une guerre qui coûtait cher aux populations du pool.

C’est alors qu’il a été apostrophé par quelques jeunes activistes de la place de Paris qui avait décidé d’entendre ce que Monseigneur MILANDOU n’avait jamais dit. La vidéo, toujours disponible sur la toile en témoigne : Jamais Monseigneur MILANDOU n’a présenté le Pasteur NTOUMI comme Responsable du retour à la violence dans le pool ; Surtout jamais il n’a soutenu que « le problème du Congo c’est Ntoumi » comme l’ont prétendu ses singuliers interlocuteurs.

Est-il illégitime que l’on s’interroge ou que l’on s’inquiète du risque d’instrumentalisation des jeunes retranchés dans le pool et présentés – par le pouvoir du moins – comme étant armés ? Lequel d’entre nous peut affirmer que sa famille fuyant le département a effectivement vu des miliciens Nsiloulou livrer bataille contre les troupes armées du pouvoir ?

Des cadres éminents de l’opposition, anciens alliés du pouvoir (notamment un ancien Ministre des finances, un ancien Ministre de la défense, et un ancien chef de la milice du pouvoir) ont publiquement contesté la version officielle.

Monseigneur Louis Portela Mbuyu a, pour sa part, lors d’une interview à RFI, affirmé que ni lui même ni ses ouailles n’avaient vu des miliciens Ninjas traverser des villages entiers pour aller en direction de Brazzaville.

En s’interrogeant publiquement sur l’intérêt qu’il y avait pour le Pasteur Ntoumi à garder sous la main des troupes sans moyens, Monseigneur MILANDOU, loin d’accuser un Homme, nous invite à la lucidité. Et c’est pourquoi il est incompris.

Un des avatars de cette incompréhension est l’article récemment publié par un de nos compatriotes qui, dénonçant les liens incestueux entre certains prêtres congolais et le régime actuel, a cru devoir illustrer son propos en publiant une photo (prise de dos) de l’archevêque de Brazzaville bénissant une grotte censée se trouver au domicile du Général Ndengué !

L’honnêteté intellectuelle plaide pour rappeler que selon le droit canon (tant l’ancien que celui de 1983) l’évêque est liturge ; à ce titre il met en œuvre les sacramentaux en usage au nombre desquels se trouvent la bénédiction des lieux de culte et des, choses.

De plus, le propriétaire de la grotte bénie – à notre connaissance n’a été frappé ni d’excommunication ni d’interdit. Il ne peut donc être privé des sacrements de l’église. Or, on ne peut soustraire un évêque dans ses rapports avec ses ouailles à l’autorité du droit canon sauf à tomber dans d’inutiles errements. Ce qui ne préjuge de rien devant la justice laïque car il existe bien une cloison étanche entre les deux ordres de juridictions. En d’autres termes, ce n’est pas parce les tribunaux ecclésiastiques ne vous ont pas sanctionnés que les tribunaux civils ( au sens large) ne le pourraient. J’affirme donc que le comportement de

Monseigneur Anatole MILANDOU , Archevêque de Brazzaville, était à tout point de vue conforme à la législation canonique applicable à tous les catholiques du monde. Et ce sont des milliards d’hommes.

En conclusion,

L’église catholique congolaise n’est pas un bastion du sédévacantisme. Elle est composée et dirigée par des évêques nommés par les Papes conciliaires qu’elle a reconnus comme successeurs légitimes de Saint Pierre. Ceux de ses évêques qui se sont affranchis des règles conciliaires ont été sanctionnés, parfois de façon spectaculaire.

Par ailleurs, elle n’est pas un parti politique au sens organique du terme même s’il arrive que les valeurs chrétiennes qu’elle défend soient portées dans le débat public par des laïcs, lesquels – au demeurant – peuvent ne pas être catholiques !

Au fond, les critiques et même les dénigrements que l’église du Congo subit actuellement participe de ce que l’on pourrait appeler, empruntant au langage du droit administratif, une erreur manifeste d’appréciation : Tant d’hommes auraient voulu que l’église s’opposât frontalement au Pouvoir oubliant par la même que sa mission ontologique est de préparer le règne social du Christ Roi !

Successeur de Messeigneurs Théophile MBEMBA, Émile BIAYENDA, et Barthélemy BATANTOU, ordinaire d’un diocèse à l’histoire tumultueuse et sanglante, Monseigneur MILANDOU mérite plus que notre filiale affection :

Alors prenons garde de ne pas crier avec les loups.

Simplice Edgard NKOUKA MAJELLA

Avocat