Par : Verlin Richard BEKA BEKA
Le décret de promulgation de la loi portant dissolution de la SNE a été donc signé le 13 juin 2018.
L’Etat congolais va donc tout transférer à une société de patrimoine à créer.
Qu’est ce donc une société de patrimoine ?
Une société de patrimoine est une personne morale ayant pour objet la gestion d’un patrimoine composé d’actifs immobiliers, de biens mobiliers et de valeurs mobilières dans un objectif d’amélioration de la valeur, de hausse de la rentabilité et du rendement et de la constitution d’un patrimoine diversifié.
L’article 2 de ce décret de promulgation mentionne que cette société de patrimoine est à créer.
Mais, qui va créer cette société de patrimoine ?
Cette cession intervient « à un moment pas vraiment intéressant pour l’Etat ».
Les privatisations sont intéressantes dans une stratégie bien définie permettant à un Etat d’avoir des liquidités pour alimenter des projets innovants. On ne privatise pas pour se désendetter mais pour libéraliser un marché, pour innover et pour financer la recherche, dans le cas du Congo se serait par exemple pour diversifier les activités dans le secteur d’énergie.
Or, cette privatisation de la SNE se présente comme la conséquence directe de la mauvaise gouvernance ayant conduit à l’endettement insoutenable du pays.
En effet, face à une dette insoutenable, l’urgence est évidemment à la réduction des dépenses publiques. Mais, l’on peut s’interroger sur la façon dont l’Etat congolais entend conduire cette réduction des dépenses et regretter l’absence d’un débat contradictoire pour trouver la meilleure façon de faire.
Est-il plus pertinent de baisser les dépenses publiques en réduisant le périmètre de l’Etat ou en lançant les privatisations ? Une telle question aurait mérité un débat qui hélas n’a pas eu lieu.
En transférant ainsi, le patrimoine, les autres droits et obligations et aussi le personnel de la SNE à la société de patrimoine à créer. L’Etat congolais ne précise pas dans quel but procède-t-il à cette privatisation et à quoi serviront les moyens dégagés d’une telle opération ?
Quelques remarques générales s’imposent :
D’abord, une privatisation ne crée pas de recettes budgétaires et donc ne permet pas de réduire les déficits publics. Or, l’urgence pour le Congo est de conduire des réformes structurelles permettant de réduire son déficit budgétaire, afin de stabiliser son stock de dette en la rendant soutenable.
Aussi, dans un secteur comme celui de l’énergie, il est indispensable que l’Etat soit sinon majoritaire ou du moins présent au capital de la société de patrimoine à créer pour assurer la protection d’intérêts essentiels. Serait-il le cas pour le Congo ?
Si tous les congolais peuvent admettre que la gestion publique de cette SNE est une catastrophe économique où les responsabilités managériales doivent être engagées (bonne gouvernance exige), Mais que rien ne démontre que la gestion privée soit systématiquement meilleure que la gestion publique.
Personnellement, je n’ai pas d’objection de principe à des privatisations. L’électricité étant indispensable à la vie quotidienne, l’accès à l’électricité doit devenir un droit social justifiant un service public 100 % public.
La privatisation de la SNE tant pour des raisons budgétaires et pour des raisons d’équité est une faute. Une double faute même : « une faute économique, car la SNE aurait pu être une entreprise publique performante au service des citoyens et, donc un instrument totalement public pour la maîtrise de notre énergie » et « une faute politique, car se passer d’un service public qui aurait permis à concilier l’égalité de tous et la performance pour le Congo revient à mettre en cause le pacte républicain acté dans la devise nationale ».
Privatiser la SNE, c’est abandonner toute ambition d’électrification de tout le territoire, c’est maintenir à jamais nos zones rurales sans lumière, au moment même où les questions de diversification économique sont devenues des enjeux primordiaux pour le pays.
J’ose espérer que dans cette société de patrimoine à créer que l’Etat sera soit majoritaire dans le capital ou du moins présent dans le capital afin qu’il soit en capacité de résoudre des conflits pouvant surgir entre les futurs actionnaires qui penseront qu’aux bénéfices et donc à l’augmentation des prix au détriment de la logique du service public.
Par Verlin Richard
Source :: http://zianatv.com/index.php/blog-de-vr2/934-pourquoi-la-privatisation-de-la-sne-au-congo-est-une-faute