Pourquoi vouloir diviser le peuple d’un même pays ?

Régionalisme, tribalisme, sectarisme, clanisme, népotisme, favoritisme, tels sont les maux d’une liste non exhaustive, qui ruinent la société congolaise. Les gestionnaires de la cité instaurent une politique basée sur ces pratiques pourtant décriées par les lois et règlements du pays et par le bon sens.

Le Congo pourrait être le premier du classement des pays africains où le tribalisme est presque institutionnalisé. «Il ne manque qu’au législateur de prendre une loi garantissant ces pratiques dans l’administration et la société congolaise», se lamentait un jeune officier victime de tribalisme dans les Forces armées congolaises (FAC).  Sous le Monopartisme, la nation était plus soudée, plus unie, qu’aujourd’hui. Le mérite était reconnu comme critère de choix des travailleurs. L’utilisation des cadres et l’intégration des jeunes dans le service public se faisaient objectivement. L’instauration du Multipartisme a malheureusement accentué la scission du pays, les partis et associations politiques s’identifiant par l’origine tribale ou régionale de leurs leaders. Lorsqu’on parle par exemple, du Parti Congolais du Travail (PCT), on fait allusion au nord parce que son leader, Denis Sassou-N’Guesso, est originaire de la partie septentrionale du pays. Lorsqu’on parle du Mouvement Congolais pour la Démocratie et le Développement Intégral (MCDDI), on lui colle l’étiquette du Pool. L’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (UPADS) est attachée au grand Niari. Le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès Social (RDPS) serait la propriété du Kouilou et Pointe-Noire. Brazzaville, la capitale du Congo qui devrait être en principe une ville cosmopolite, sans couleurs ethniques, présente malheureusement des clivages tribaux. Il suffit de demander l’adresse d’un citoyen pour lui attribuer une tribu ou une ethnie. Les populations de Madibou, Bacongo et Makelekelé, sont assimilées aux ressortissants du Pool ; celles de Mfilou, Diata et La Poudrière aux originaires du grand Niari, et celles de Ouenzé, Talangaï, Djiri aux fils et filles du nord.  Tous les Congolais sont devenus anthropologues, même les moins intellectuels. Ils savent qu’un nom commençant par une voyelle ou une consonne appartient à un originaire tel ou tel département. Les dirigeants de l’Etat et le premier citoyen congolais semblent baigner dans cette nébuleuse. Conséquence : nominations dans l’administration, recrutements, amitié, se font sur la base de l’appartenance tribale ou régionale de l’autorité qui décide.

Des nominations aux hautes fonctions de l’Etat

Au Congo, il y a des postes clés qui ne sont occupés que par les proches, géographiquement parlant, du dirigeant. Certes, il est des fonctions qui ne peuvent être assumées que par des hommes de confiance du chef, mais, au Congo, on exagère. C’est sur la base de ce critère que sont désignés les ministres de la Défense, des Finances, des Affaires étrangères, de l’Intérieur, le Chef d’Etat- Major Général (CEMG) et d’autres directeurs clés des FAC, les Directeurs généraux des Régies financières (Douanes, Impôts) et des Caisses de sécurité sociale, des sociétés de distribution d’eau et d’électricité, de la Délégation Générale aux Grands Travaux (DGGT), de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), le Directeur général de la police, etc. Si donc un chef d’Etat n’a d’hommes de main que les originaires des mêmes localités que lui, susceptibles d’occuper des fonctions clés du pouvoir, ce premier citoyen est dangereux !  Par effet domino, la plupart des ministres s’entourent des collaborateurs, des gens du même coin qu’eux : directeurs de cabinet, conseillers, directeurs généraux et centraux. Ces derniers, à leur tour, choisissent des attachés et chefs de service de même département ou de même patois. 

Du recrutement à la Fonction publique et dans les FAC ; de l’octroi des bourses et de l’attribution des marchés publics.

C’est à ce niveau que le bât blesse. Si tout le monde ne peut pas occuper de hautes fonctions, tout Congolais de tout bord a néanmoins le droit d’exercer un emploi décent selon sa qualification et son mérite. Faudrait-il appartenir à l’ethnie du chef de l’Etat au pouvoir pour prétendre trouver une place au soleil ? Il y a des administrations au Congo où l’on n’accède que sur recommandation : Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), Délégation Générale aux Grands Travaux (DGGT), etc. Pendant ce temps, on fait croire aux jeunes finalistes nés des parents pauvres que dans ces structures on ne recrute pas. Par contre, les filles et fils à papa, de retour de leurs études à l’étranger trouvent un portefeuille alléchant. Malheur à celui qui n’a pas de parents dans le système !  Le recrutement à la Fonction publique et dans les FAC, l’octroi d’une bourse étrangère se font sur recommandations.  Les entrepreneurs non parrainés par les faucons du régime gagnent difficilement les appels d’offre. Mais ceux qui sont originaires des ethnies proches du Chef de l’Etat ou du ministre concerné se frottent les mains. Au finish, on observe une société à double vitesse. D’une part, une ethnie qui s’enrichit de plus belle et, d’autre part, des ethnies, plus nombreuses, qui s’appauvrissent davantage. Ce qui crée des mécontentements et suscite la haine et l’esprit revanchard.

Personne n’est épargné

La fibre tribale est tellement entretenue par les dirigeants du pays à tous les niveaux que tout Congolais est devenu tribaliste. Dans son langage, il ne tient que des propos haineux et dénigrants contre les autres ethnies du pays, qui seraient inférieures à la sienne.  Si aujourd’hui les dirigeants au pouvoir sont accusés, c’est parce qu’ils ont la responsabilité de gérer le pays. En fait, ceux de l’Opposition ne sont pas eux aussi épargnés. Il suffit d’observer leur entourage actuel pour s’en rendre compte. Pour y remédier, seul le Chef de l’Etat, garant de l’unité nationale, peut influer sur la gestion des hommes. C’est lui qui nomme aux hautes fonctions civiles et militaires. Si le président de la République se laisse prendre en otage ou se laisse téléguider par son clan, le pays se dirigera de plus en plus vers le gouffre. Il est temps que Sassou-N’Guesso reprenne les commandes ou le gouvernail de son bateau pour que la nouvelle République du Congo n’aille pas à vau-l’eau demain, comme ce fut le cas dans l’ancienne. 

Ghys Fortuné DOMBE BEMBA