Prologue d’une fin de règne. Acte 1

En ce début d’année 2015 et à la différence de Sassou Nguesso et de sa cour, nous sommes très sereins. Pour deux raisons :

La première est que, en tombant récemment les masques, le PCT et le clan qui gouverne le Congo viennent de reconnaître que nous avons une très bonne longueur d’avance sur eux sur le plan de la prospective politique.

En effet, nous disions depuis plusieurs mois que le débat faussement juridique que le pouvoir en place tente d’engager sur une modification ou un changement de la constitution congolaise de 2002 n’était qu’une infâme duperie destinée à maintenir Sassou Nguesso au pouvoir au-delà de son dernier mandat présidentiel.

Au regard de l’opposition de la grande majorité du peuple à ce dictatorial et surprenant projet, les barons du régime et leurs intellectuels « alimentaires » ont d’abord feint de s’offusquer face à la rafale de critiques en se réfugiant derrière le principe de la souveraineté du peuple et en promettant d’inviter ce dernier à se prononcer par la voie du référendum.

Mondialement connus pour truquer les élections, Sassou Nguesso et le PCT s’imaginent n’avoir aucun mal à bourrer massivement les urnes et proclamer la victoire du « Oui » à la modification de la constitution de 2002 » par le pouvoir en place.

Sauf qu’ils voient se dresser deux redoutables écueils :

D’abord, convoquer un référendum reviendrait à risquer de s’asseoir sur la pointe d’un couteau aiguisé : la campagne politique sur ce fameux référendum constituerait un motif légitime de manifestations populaires qui, comme au Burkina Faso, se termineraient inéluctablement par une marche pour le renversement du régime en place, puisque la colère du peuple est de plus en plus palpable et que la presque totalité des militaires, gendarmes et policiers confient déjà qu’ils se rangeraient du côté du peuple comme lors de la conférence nationale souveraine de 1990.

La jurisprudence populaire du Burkina voudrait qu’une marche jusqu’au palais présidentiel pour chasser Sassou Nguesso et sa cour se justifierait par cette tentative éhontée de violer la constitution de 2002.

Tout comme l’avait tenté le dictateur Blaise COMPAORE, la dictature de Brazzaville comptait éloigner cette menace en caressant l’idée d’une modification de la constitution par le parlement réuni en congrès.

Sauf que cette réunion, symbole de dernière parade d’une dictature aux abois, serait chaotique et que les fissurations actuelles et à venir de la majorité présidentielle et la détermination de l’Opposition prouvent que, rationnellement et mathématiquement, le régime dictatorial de Sassou Nguesso ne réunirait jamais le pourcentage de voix nécessaires à une modification de la Constitution de 2002.

Par ailleurs, même dans la folle éventualité d’une tentative de modification de la constitution de 2002 par les parlementaires, le régime en place ne pourrait pas indéfiniment faire l’économie des meetings d’explication ou de confrontation d’idées.

Comme en Tunisie, en Egypte, en Guinée Conakry, au Burkina, le choc frontal entre le peuple et le pouvoir mafieux de Brazzaville serait inévitable.

Et tout le monde sait que le peuple finit toujours par prendre le dessus.

Ce qui nous convainc que, comme au Burkina Faso, toute tentative de modification de la constitution de 2002 précipiterait la chute de Sassou Nguesso et de son clan.

Ensuite, malgré des nuits blanches passées à concocter tous les tours de passe-passe imaginables, les « éminences grises » du régime Sassou Nguesso n’ont pu échapper à la question essentielle sous-tendant toute modification ou tout changement de constitution, à savoir quel dysfonctionnement grave, présent ou à venir, des institutions actuelles justifierait la modification de la constitution congolaise  de 2002 ?

Les théoriciens de la dictature Sassou Nguesso ont donc trimé longtemps pour pondre, dans un ton coupable, le discours hilarant que le PCT nous a servi ces derniers jours : diluer dans une bouillabaisse indigeste de concepts politiques et sociologiques mal assimilés l’objectif infâme d’un nouveau mandat pour les pilleurs la République.

Une potion imbuvable qu’ils ont présenté par bravade, pour préparer le discours de fin d’année de Sassou Nguesso qui s’est limité à proclamer de façon embrouillée qu’il a entendu les préoccupations du peuple (c’est-à-dire ses proches et ses courtisans) sur la « nécessité d’adapter les institutions de la République au contexte sociologique du Congo » (autrement dit son maintien au pouvoir au-delà de 2016), qu’il s’en remettra le moment venu au « peuple souverain » (pour donner l’image de quelqu’un qui ne se plie pas aux injonctions extérieures) et qu’il met en garde ceux (donc le peuple véritable et les démocrates du monde) qui veulent menacer la stabilité des institutions de la République (en réalité son règne en dictateur) et la paix des congolais (syndrome du pompier pyromane).

Le monde entier a compris que Sassou Nguesso et le PCT veulent installer un climat de tensions violentes. Mais l’Opposition congolaise et le peuple congolais refusent de tomber dans ce piège abominable.

La deuxième raison qui nous emplit de sérénité est que nous avons pour nous le Droit, la Raison, l’Ordre public international et la Justice.

Sur ces terrains, la certitude d’être définitivement inaudible a plongé le pouvoir actuel dans une incurable dépression.

Le Droit congolais actuel, principalement la constitution de 2002, fixe l’âge maximum pour être candidat à la présidence de la République à 70 ans et limite à deux le nombre maximum de mandats présidentiels.

Enfreindre ces règles pour se maintenir au pouvoir, c’est assumer son statut de dictateur.

Les pratiques du président Sassou Nguesso sont tout le contraire de ce que prône l’église, mais l’avenir de certains faux jusqu’au-boutistes qui l’entourent lui rappellera le comportement de l’apôtre Pierre, tel que rapporté dans la bible.

En effet, le PCT et certain courtisans du régime demandent à Sassou Nguesso de défier le peuple et le monde, sachant que lorsqu’il s’agira d’en faire les frais devant les tribunaux nationaux et internationaux notamment, ces tartuffes des temps modernes se défileront et diront, comme l’apôtre Pierre avait renié Jésus Christ, qu’ils n’ont jamais été des proches de Sassou Nguesso !

Pour rappel, Évangile selon saint Luc. 22, 54-62

Ils se saisirent de Jésus pour l’emmener et ils le firent entrer dans la maison du grand prêtre. Pierre suivait de loin. Ils avaient allumé un feu au milieu de la cour et ils étaient tous assis là. Pierre était parmi eux. Une servante le vit assis près du feu ; elle le dévisagea et dit : « Celui-là aussi était avec lui ». Mais il nia : « Femme, je ne le connais pas ». Peu après, un autre dit en le voyant : « Toi aussi, tu en fais partie ». Pierre répondit : « Non, je n’en suis pas ». Environ une heure plus tard, un autre insistait : « C’est sûr : celui-là était avec lui, et d’ailleurs il est Galiléen ». Pierre répondit : « Je ne vois pas ce que tu veux dire ». Et à l’instant même, comme il parlait encore, un coq chanta. Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre ; et Pierre se rappela la parole que le Seigneur lui avait dite : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois ». Il sortit et pleura amèrement.

Et pourtant, tout comme le soutiennent le PCT et certain barons du régime qui poussent ou encouragent Sassou Nguesso dans ce défi périlleux, Pierre avait proclamé à Jésus

« Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas… Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas ».

Réfléchissez-y, Monsieur le président, car au pic de la crise politique, vos collaborateurs actuels retourneront leurs vestes et feront amende honorable pour vous laisser seul avec vos enfants payer l’amère addition !

La Raison est ce à quoi nous tentons de convertir le président Sassou Nguesso et sa cour, avant le précipice.

Ils ne doivent plus prétendre au gouvernement du Congo à l’issue de ce dernier mandat présidentiel, car leur gestion de la République est l’une des plus calamiteuses au monde.

Les statistiques données par les ONG de terrain et les organisations internationales sur la République du Congo rendent incrédules tous les analystes économiques, au regard des potentialités de ce pays qui est notamment 35ème producteur mondial de pétrole : taux de pauvreté très élevé à 46,5% (près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté et en zone rurale l’incidence de la pauvreté atteint le niveau de 75%), taux de sous-emploi 25%, taux de chômage des jeunes 42,2%, indice de développement humain (calculé sur trois critères, à savoir l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éducation et le niveau de vie) est seulement de 0,53 (ce qui place le pays au 142ème rang sur 187 pays), 178ème sur 189 pays pour la facilité à faire des affaires, etc.

Le régime PCT s’est toujours moqué de savoir que la vie quotidienne de la grande majorité des congolais est cruellement difficile : pas d’électricité, pas d’eau, pas de transports publics, pas d’écoles, pas de véritables services de soins médicaux, pas de médicaments, pas de routes, pas de travail pour les jeunes, pas d’administrations publiques fiables, pas de logements décents, pas de services de voirie, pas d’infrastructures pour les juridictions, pas de commissariats de police, pas d’entreprises agricoles, importation de la presque totalité des produits alimentaires et manufacturiers, pas de presse libre, etc.

Un océan de miséreux que côtoient et snobent sans remords ni scrupules les barons et courtisans du régime, des pendards fiers de posséder des palaces, des voitures de luxe, des gardiens, des gens de maison, des parts sociales dans plusieurs entreprises, payés exclusivement par l’argent…ouvertement volé au peuple.

Face à ce désastre, aucune explication du monde, à part un mépris complet pour le peuple congolais, ne saurait justifier le besoin de ce régime de rester au pouvoir au-delà du mois d’août 2016.

L’Ordre public international, à savoir la communauté internationale observe que l’Opposition congolaise et le peuple congolais sont malmenés par un régime dictatorial qui veut se maintenir au pouvoir par l’intimidation et le tripatouillage de la loi fondamentale.

Les organisations internationales, telle que l’ONU, l’Union européenne, les Etats-Unis, la France et bien d’autres gouvernements étrangers, parmi lesquels plusieurs africains, ont invité le président Sassou Nguesso à quitter le pouvoir en 2016 à l’issue de son ultime mandat.

Nous savons compter également sur eux afin que le moment venu, l’alternance politique se fasse en 2016 en République du Congo.

Forts de cette certitude, nous posons la question suivante à ceux qui convoquent désormais de manière bruyante au dialogue : de quoi devrons nous discuter ?

Dans la mesure où le mandat présidentiel doit prendre fin de façon « normale et sereine » en août 2016, le dialogue le plus utile et le moins suspicieux devrait porter sur la mise en place d’une commission indépendante composée de représentants du gouvernement, des partis politiques, de la société civile et présidée par une personnalité désignée par les représentants des confessions religieuses.

Cette commission aura pour tâche de préparer les conditions d’une élection présidentielle libre et d’énumérer les réformes institutionnelles importantes que devrait entreprendre le gouvernement issu de l’élection présidentielle de 2016.

Il s’agira par exemple de la création immédiate d’un poste de premier ministre, de la limitation du nombre de ministres, de la limitation à trois par exemple du nombre de mandats parlementaires (pour permettre le renouvellement de la classe politique), d’un code des nominations aux fonctions publiques ou parapubliques, du contrôle permanent des effectifs de la fonction publique (et autoriser la radiation définitive des fonctionnaires installés à l’étranger et percevant leurs salaires), de l’interdiction des marchés publics de gré à gré, d’un contrôle du salariat congolais, d’un audit des finances publiques, etc.

Tout cela nous conduit à soutenir que l’Acte 2 de ce prologue de la fin de règne de Sassou Nguesso doit être maintenant écrit par le peuple congolais.

Il s’ensuit qu’un rassemblement urgent et solennel s’impose à tous ceux qui sont réellement et sincèrement opposés au régime corrompu et pervertissant actuel, pour l’union des partis politiques d’opposition, de la société civile et la rédaction d’un projet de société à discuter avec les congolais dans les jours à venir.

Silvère IDOURAH

Docteur en droit

Avocat au Barreau de Lyon

Ancien chargé d’enseignement à l’université Jean Moulin Lyon 3