Combien de milliards ont-ils été volés au Chef de l’Etat congolais, dans son Palais privé de Mpila où sa garde très rapprochée – du petit soldat au haut gradé – s’est livrée pendant 13 ans à un vol de devises dont personne ne connait le montant ? La Trompette livre ses premiers éléments d’enquête.
C’est un peu comme dans un film de mafia, où les vrais acteurs se cachent derrière des petits brigands pour opérer en toute quiétude. La fameuse histoire de vol d’argent appartenant à Denis Sassou-N’guesso ferait, peut-être demain le synopsis d’un film de mafia à la congolaise. Les cinéastes congolais, souvent absents au FESPACO de Ouagadougou, ont là une chance de prouver leur talent en s’inspirant du « vol à huis clos au Palais ». Un bon titre.
Edgard Nguesso serait tombé des nues
Tout serait parti d’une banale histoire d’achat de voitures destinées à la Présidence de la République du Congo. Pour la circonstance, le Directeur du domaine présidentiel, le Colonel Edgard Nguesso aurait alors effectué un voyage à Paris. Après un marché conclu avec un grand automobiliste français, Edgard Nguesso se serait adressé à Air France Cargo pour une expédition express des voitures achetées à destination de Brazzaville. Selon nos sources, grande aurait été la surprise du Directeur du domaine présidentiel en constatant que le service cargo d’Air France ne pouvait pas tout de suite accéder à sa demande. Renseignements pris, Edgard Nguesso serait tombé des nues en apprenant qu’un certain Yvon Ondziel, sergent-chef de son état, en service, semble-t-il, à la garde rapprochée de Denis Sassou-N’guesso, aurait, peu de temps avant lui, fait consigner l’affrètement de deux voitures de luxe, flambant neuves, le tout pour un montant qui avoisinerait 600 millions de FCFA. C’est le déclic.
Le Sergent-chef Yvon Ondziel menait un train de vie ostentatoire
Le jeune sergent-chef aurait par conséquent été tenu à l’œil, dès cet instant, par les services. Ceux-ci auraient non sans peine découvert le train de vie ostentatoire d’Yvon Ondziel : important immobilier, voitures de luxe… Comme si besoin en est, pour prendre sa garde, le golden boy s’introduit au domicile du Grand Patron en Range Rover, Porsche, Hummer… Dans les milieux de la présidence, l’on s’étonne d’un tel train de vie pour un jeune sergent de la classe 2002 que certains collègues surnomment « Karachika ». Les spéculations vont bon train, certains y voient des pratiques de magie noire ou de trafic de stupéfiants, tandis que d’autres font peser de lourds soupçons sur les disparitions d’argent constatées par Denis Sassou-N’guesso lui-même.
« Chacun se serait servi y compris les proches les plus insoupçonnés du Président de la République »
Selon des sources concordantes, la chambre qui tiendrait lieu de trésor privé du Chef de l’Etat jouxterait sa chambre à coucher, à son domicile privé de Mpila. « Nous étions en 2002, rapportent nos sources, lorsque ce trésor privé du Chef de l’Etat s’est transformé en véritable caverne d’Ali Baba. Où ¨chacun a eu sa part de vol¨, en accédant au saint des saints du palais privé de Denis Sassou-N’guesso ». D’après ce qui se dit, certains gardes rapprochés, affectés au domicile du Chef de l’Etat, se seraient servis, y compris ses proches les plus insoupçonnés : sous-officiers, colonels, généraux…
Le mode opératoire, spécule-t-on, aurait consisté à trafiquer la serrure de la fenêtre en baie vitrée qui mène au « paradis du Palais » en donnant l’impression qu’elle était verrouillée. Vrai ou faux ? Toujours est-il que c’est en l’absence du Chef que chaque sous-officier ou officier se serait servi en prenant allègrement son « nguiri ». On parle de grosses coupures en devises étrangères : Euros, Dollars et Livres Sterlings.
Sassou fait intervenir des fins investigateurs
Ayant donc constaté ces diminutions du volume des billets de banque dans son trésor privé et l’enrichissement injustifiable de sous-officiers membres de sa garde très rapprochée, le Chef de l’Etat aurait, en toute discrétion, fait intervenir les fins limiers de l’investigation. Ce serait donc ces derniers qui auraient prélevé des indices dans ladite chambre, lesquels auraient été soumis au test ADN. C’est ainsi qu’aurait alors été découverte l’identité d’un des voleurs, habitués depuis 13 ans, à se servir dans le trésor privé de Sassou.
Yvon Ondziel prend la poudre d’escampette avant de se rendre volontairement à la commission d’enquête
Sur ces entrefaites, les enquêteurs auraient alors remonté la filière d’un grand réseau de présumés voleurs, après que l’un a été formellement identifié par eux. Aurait alors commencé une série d’interpellations, puis arrestations, dans les milieux de la garde rapprochée du Chef de l’Etat. Ayant senti le danger, surtout que son nom circulait déjà avec insistance dans les milieux sécuritaires de la présidence chargés de l’enquête, le sergent Yvon Ondziel s’évapore dans la nature, et trouve refuge au Gabon. Les enquêteurs, sans coup férir, mettent ses parents sous clé. Ondziel est obligé de revenir sur ses pas en se rendant à la commission d’enquête.
Oba Roméo succombe suite aux séances de tortures
Le cas le plus ahurissant est celui d’un certain Oba Roméo, qui succombe à la suite des tortures à lui infligées, semble-t-il, par les services du Colonel Serge Oboa, Directeur Général de la Sécurité Présidentielle (DGSP). Sassou, selon nos sources, n’aurait pas approuvé cette brutalité meurtrière de son collaborateur sur le sergent Oba Roméo dont le père, spécule-t-on, serait un chef coutumier tant apprécié par le Président. Pour calmer le jeu, le locataire du Palais du peuple aurait alors dépêché son missi dominici, Jean Dominique Okemba, auprès du papa éprouvé. Au terme de l’entretient, le papa de Roméo qui exigeait que le corps de son fils lui soit remis, trouve enfin gain de cause.
Sassou aurait fait venir des marocains spécialistes de méthodes fines pour se charger des interrogatoires
C’est à la suite de la mort d’Oba Roméo, croit savoir notre source, que les séances d’interrogatoires des présumés coupables, auraient été confiées à des spécialistes marocains venus spécialement, semble-t-il, pour l’investigation à fond de cette ténébreuse affaire. Ces derniers seraient assistés par le Colonel Obenza, le Directeur de la sécurité militaire. A ce qu’il paraît, tous les présumés coupables qui ont été mis aux arrêts par les services du Colonel Serge Oboa auraient été délestés de tous leurs biens, avant de se voir incarcérer dans un lieu tenu secret. Parmi eux, le sergent Béni, propriétaire de l’espace éponyme, aurait restitué une importante somme d’argent évalué en milliards de FCFA. Tandis que son compère, le sous-officier Mbalé, propriétaire de deux espaces éponymes, l’un à Brazzaville et l’autre à Ouesso, aurait, avant que le pot aux roses ne soit découvert, vendu l’espace de Brazzaville à Jean Jacques Bouya. Curieusement, dans le cadre de la saisie des biens des présumés voleurs, seul l’espace Mbalé de Ouesso aurait été confisqué par le Colonel Serge Oboa que l’on dit être très proche de Jean Jacques Bouya. Selon les membres des familles des prétendus voleurs, les spéculations ne tarissent pas : « ils sont détenus dans des conditions extrêmement déplorables où ils subissent bastonnades et humiliations quotidiennes, mangent une fois tous les trois jours, se lavent une seule fois par semaine (le dimanche), dorment à même le sol et font leurs besoins physiologiques surplace ». Vrai ou faux ? Il semble que cette affaire est prise au sérieux en Haut lieu et que Sassou-N’guesso leur aurait demandé de rendre gorge. De même, le temps qu’ils mettront en prison et le sort réservé à leur vie et leur carrière dépendent de ce dernier.
L’insoutenable légèreté des services de sécurité de la Présidence
Dans les milieux sécuritaires de Brazzaville, on en vient à se demander comment des sous-officiers ont-ils pu opérer tranquillement pendant 13 ans sans que leurs chefs hiérarchiques ne s’en rendent compte ? Comment les services de Renseignements congolais n’ont-ils rien vu venir ? Comment le Chef de l’Etat lui-même ne s’est-il pas rendu compte qu’il était victime de vols récurrents ? Pourquoi l’argent public, fut-il de la Présidence de la République, censé être gardé au Trésor public se retrouve-t-il tant en abondance à la résidence privée du Chef ?
Une valse de questions alimentées par la rumeur brazzavilloise, qui spécule que le sergent Oba Roméo aurait été rapidement liquidé par la commission d’enquête par crainte qu’il distille les noms de certaines grosses légumes, en treillis, en service à la présidence de la République, qui auraient été de mèche avec eux.
En somme, il est impensable que ces jeunes gens totalisant à peine 13 ans de carrière, venant tous des familles démunis, aient mené une vie de nabab au vue et au su de leur hiérarchie sans que celle-ci ne s’en émeuve.
Votre journal, La Trompette et Dac-presse, ont déjà une liste de noms cités par quelques fuyards. C’est quasiment les mêmes noms qui reviennent.
Guy Milex M’BONDZI