Dans sa fameuse conférence de 1919, sur « le métier et la vocation d’homme politique », Max Weber réfléchissait sur la tendance à la professionnalisation des carrières politiques. Il constatait que, sous l’influence de la démocratisation, de plus en plus de gens vivaient de la politique et non plus pour la politique, et il concluait sa réflexion en se demandant quelles étaient les qualités nécessaires à un bon dirigeant politique.
A ses yeux, il y en avait trois : la passion, le sentiment de responsabilité et le « coup d’œil ». La passion, au sens de « dévouement passionné à une cause » qui dépasse ses propres intérêts la responsabilité parce qu’il faut garder à l’esprit que les effets d’une politique sont rarement ceux qui en étaient escomptés le « coup d’œil » dans la mesure où, pour prendre la mesure d’une situation, il faut « savoir maintenir à distance les hommes et les choses ».
Dans le cas du Congo-Brazzaville, il faudrait certainement un petit manuel à l’usage de ceux qui veulent entrer en politique ou de ceux qui sont déjà en politique.
Dans l’inconscient du Congolais aujourd’hui, les notions de vrai et de faux opposant restent biaisées : « Soit on partage les prises de position d’un homme politique et on le considère comme un vrai opposant politique, soit on ne partage pas ses idées et on le considère comme corrompu ou nguirisé (expression du lexique politique congolais)».
Comme disait le vieux Bernard Kolelas : « politique ka yi chiria ya bana bafioti ko » en d’autres termes, n’est pas homme politique qui veut. Vouloir affirmer que seuls sont considérés comme vrais opposants à Denis Sassou Nguesso, ceux de nos compatriotes qui sont en prison, quand on sait (sans vouloir accabler personne), le rôle joué par chaque acteur politique de l’opposition lors du dernier meeting de l’opposition mais aussi pendant la contestation du scrutin référendaire, c’est faire preuve d’amateurisme et de cécité politique.
Pour être clair et précis sur ces faits historiques, il convient de dire qu’une fois que certains opposants avaient empêché le peuple survolté et remonté comme un coucou, lors du dernier meeting de l’opposition au boulevard Alfred Raoul, de marcher sur le Palais du Peuple et « toujours les mêmes » se sont planqués quand il eut fallu descendre avec le peuple dans la rue pour empêcher Sassou Nguesso de tenir son referendum pour l’adoption de sa nouvelle constitution, ces opposants disons-nous, ne peuvent plus chercher Satan sous la soutane des voisins.
Le combat pour l’alternance politique, en ce qui concerne les échéances de 2016, avait pris fin quand Sassou Nguesso avait réussi à valider sa constitution. C’est à ce moment-là que la France, les Etats Unis et l’Union Européenne avaient tourné le dos à l’opposition et demandé au Général Mokoko d’abandonner la course à l’élection présidentielle. La fameuse communauté internationale avait préféré faire confiance au tyran qui leur garantissait la stabilité dans la sous-région plutôt que d’ouvrir une période d’incertitude en Afrique centrale. C’est cela la vérité. Le reste n’est que plaisanterie de mauvais goût.
Au lieu de chercher des boucs émissaires du côté de ceux qui ont perdu des militants dans le combat pour l’alternance, les opposants congolais devraient chercher des solutions pour se rendre crédible et pour construire une unité d’actions.
C’est vrai, Guy Brice Parfait Kolelas est un homme politique qui ne laisse personne indifférent par ses prises de position. De là dire qu’il est corrompu, est une ineptie. Soit on est conquis par cet homme qui a démontré ses capacités de mobilisation et on le soutient à fond, soit on le déteste et on trouve en lui le traitre parfait. Pour cette deuxième catégorie de citoyens, composée en majorité de personnes qui l’accusent de n’avoir pas voulu mettre les congolais dans la rue en avril 2016, il est à la solde de Sassou Nguesso. Pour avoir pris la sage décision de ne pas lancer la désobéissance civile qui paraissait suicidaire pour des milliers de jeunes des quartiers sud de Brazzaville, Guy Brice Parfait Kolelas a fait tout simplement ce que le peuple congolais attendait de lui. Tant pis pour ceux qui ont toujours prospéré en sacrifiant de vies humaines, tant pis pour ceux dont l’ambition ne prend pas en compte nos peurs, nos croyances, notre comportement et notre motivation.
Ce qui est sûr, c’est qu’aucun homme n’est libre s’il ne sait pas se contrôler. En politique, quand on a en face de soi un personnage dont le profil ressemble curieusement à celui que Machiavel appelle prince (celui qui détient l’autorité politique et qui use de tous les moyens nécessaires [la force, la ruse et la violence] à la réalisation de ses objectifs), on est parfois amené à adapter la stratégie en prenant compte le rapport de force et la réalité du terrain. Il faut aussi noter que le 4 avril 2016, la grande majorité des leaders de l’opposition qui multiplient les déclarations aujourd’hui, avaient déjà pris la poudre d’escampette.
Aujourd’hui, lorsque Guy Brice Parfait Kolelas s’exprime, le doute est déjà présent dans l’esprit de ceux qui pense qu’il mérite lui aussi d’être en prison parce que dans leurs esprits pour être opposant au Congo-Brazzaville, il faut passer par la case prison. Lorsqu’il est silencieux, ces détracteurs pensent qu’il joue le jeu du pouvoir. Chose curieuse, quand le pouvoir viole les droits de l’Homme, ceux-là mêmes qui le vilipendent à longueur de journée sur les réseaux sociaux attendent de lui qu’il fasse quelque chose. On ne peut vouloir d’une chose et son contraire. Ce n’est pas comme certains prétendent, sa proximité avec Sassou Nguesso qui fait de lui, l’homme politique libre et indépendant qu’il est aujourd’hui, c’est plutôt son sens de responsabilité, son expertise, sa vision réaliste, son leadership, son flair politique et son humanisme.
Guy Brice Parfait Kolelas, qui ne se reproche de rien, reste serein malgré l’agitation de certains troublions du pouvoir mais aussi de l’opposition. Les militants et sympathisants du Yuki, toujours prêts et mobilisés suivent avec attention l’évolution de la situation aussi bien dans le département du Pool que dans l’ensemble du pays.
Dans n’importe quel pays du monde, aucun homme politique populaire et de premier rang ne peut aller en prison sans que cela n’entraine des remous dans la société. Denis Sassou Nguesso le sait.
Guy Brice Parfait Kolelas, le leader du Yuki, n’est lié, ni de près ni de loin, à aucun dossier actuellement sur la table du Procureur de la République. Cela doit être clair pour tout le monde. La conservation de la paix chèrement acquise dépend du comportement des uns et des autres face au traitement des affaires en cours.
Quant à la bien-pensante qui attribue le certificat de respectabilité de vrai ou de faux opposant, nous disons simplement qu’au rythme où le pouvoir organise les massacres dans le département du Pool et partout dans nos villes, la vraie opposition politique sera composée uniquement par tous nos frères et sœurs qui peuplent les cimetières et les fosses communes disséminées à travers le pays.
Luc Mampassi