Réaction du DAC sur la mascarade électorale en cours.

Au Congo-Brazzaville, à un mois des élections législatives, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer l’organisation biaisée de ces dernières.

Beaucoup y voient une parodie savamment orchestrée par le gouvernement pour redonner du souffle à un pouvoir mis à mal depuis le 4 mars denier. A cet effet nous avons rencontré le Président du DAC qui nous livre ses impressions.

Bonjour, depuis pas mal d’années, on vous voit manifester sur la place de Lyon, revendiquer sur la toile votre désapprobation des actions gouvernementales du Congo-Brazzaville, êtes-vous satisfait de votre action ?

Avant tout merci et retener qu’il ne s’agit pas d’une recherche personnelle de satisfaction. Ni encore moins de réduire nos actions à ma seule personne qui est totalement insignifiante au regard de l’ampleur des souffrances qu’endurent les populations congolaises. Notre combat ne se résume pas non plus en nombre d’années passées sur le terrain de la revendication ou de la contestation pacifique d’une politique que nous estimons contraire aux idéaux de démocratie et de développement auxquels nous croyons. Nous nous battons contre l’esprit partisan et le sectarisme qui sont des vrais ennemis du Congo.

De même Il n’est plus à prouver que le Congo va mal. Les années passent et le fossé d’inégalité entre les congolais se creuse de plus en plus. Le morcellement de notre société en caste des nantis et des opprimés est une réalité que nous n’approuvons guère. Les congolais sont plus pauvres, plus démunis qu’il y a dix-sept ans. Pourtant, le Congo n’a jamais été aussi riche qu’il l’est actuellement. Notre combat est un message de paix et de solidarité en interpellant les gouvernants de faire bénéficier pleinement les richesses du pays à toutes les filles et fils du pays. Ce qui était hier, une préoccupation de quelques congolais est aujourd’hui une revendication nationale qui implique tous les congolais de tous horizons. C’est-à-dire, faire de la redistribution équitable des richesses pour toutes les régions du pays une priorité nationale. Je ne pense pas que cela soit le cas actuellement.

Pensez-vous que pour traduire cette revendication il faut absolument s’opposer ?

Lorsque le clanisme d’Etat est la cause de la désorganisation de la société congolaise et la catastrophe socio-économique que traverse notre pays est favorisée par un clientélisme affairiste, lorsque les procédés d’intimidation et de privation de liberté ne laissent aucune place au dialogue, lorsque les vieilles méthodes staliniennes des faiseurs de fiches, de surveillances et écoutes personnelles sans mandat judiciaire refont surface, s’opposer devient un moyen démocratique pour dénoncer la sassouïsation du Congo qui a atteint un tel degré qu’une grande majorité des congolais sont offusqués et redoutent une confiscation généralisée du pouvoir. Serions-nous condamnés au sassouisme à perpétuité ? L’opposition aujourd’hui est pour tout congolais indiscutable afin non seulement de dénoncer sévèrement cette politique déraisonnable et condamnable mais de stopper cette vidange de sens de notre démocratie. Cette répudiation de la démocratie qui s’installe de force dans notre pays est inacceptable. Acceptez-vous de voir que les financements des campagnes soient assujettis au bon vouloir d’un pouvoir qui privilégie sciemment une frange de candidats ? Résister et s’opposer devient alors un devoir national.

Ne seriez-vous pas en contradiction avec l’opposition sur le terrain qui a choisi d’aller aux élections ?

Nous n’avons pas de leçon à donner à qui que ce soit. Si cette opposition dont vous parlez est crédible et représente le peuple, c’est à ce dernier de lui réserver la réponse adéquate. Sachez que, le peuple congolais est suffisamment mûr pour savoir qui est en mesure de favoriser un changement dans le sens de leur attente. Ces élections revêtent un double positionnement. Certains n’y voient qu’une mascarade de plus du clan SASSOU pour donner l’impression de vivre dans un Etat qui respecterait les choix du peuple. C’est une utopie de croire à cette illusoire tentative d’escroquerie politique. Ceux qui y vont ont déjà d’avance négocié leur nomination. En se référant aux querelles nauséabondes auxquelles se livrent certains candidats dans les circonscriptions complètement abandonnées, démunies et surtout appauvries, on a tout simplement honte de constater le degré de dépravation qu’a atteint le sens de l’engagement politique de ces candidats dans notre pays.

En ce moment l’argent circule à flot dans les officines des partis dits d’opposition pour acheter les consciences et plébisciter une victoire usurpée du PCT et ses apparentés. D’autres croient qu’un vote populaire pour sanctionner les fraudeurs, les corrompus et tout autre candidat malhonnête serait possible et accrédité par les mêmes qui organisent la magouille électorale. Seulement ils commettent une lourde erreur. Nous avons en face un clan des prédateurs sans foi, ni loi et pas d’état d’âmes et surtout ne reculant devant rien pour imposer sa logique de domination. Le contexte politique dans lequel se déroule ces élections est plombé, gangréné, avilit, prostitué par la contagion du soupçon de fraude dès le départ. Il y a là quelque chose de très manipulatrice, de confuse, de chaotique, d’inefficace, d’injuste et de domination aveugle, alors que le peuple attend exactement le contraire: clarté, respect, efficacité, lisibilité, justice et équité. Sans changement et pratiques institutionnelles et modification de la loi électorale existante, s’engager dans ces élections, est une stratégie périlleuse ne garantissant nullement un résultat transparent ni encore moins une démocratie saine.

Votre pensée est claire, il faut rejeter ces élections. Ne serait-il pas une façon de fuir vos responsabilités en choisissant cette politique de la chaise vide en étant à l’extérieur du pays?

Qui vous dit que notre chaise est vide? Le premier critère en démocratie, c’est qu’on sache qui fait quoi. En installant à la tête des institutions congolaises des dirigeants sans notoriété, mal élu, partisans et sans lisibilité, Denis Sassou Nguesso a commis volontairement une grave faute politique qui affaiblit notre démocratie. Il faudra un vrai président pour le Congo, pas un chef de Clan. On élit un président, pas une famille. Un président élu au suffrage universel incontestable mais pas un usurpateur qui s’impose de force et qui est dans l’impossibilité de donner un visage et une vision de l’avenir, et auprès de qui les citoyens congolais puissent se faire entendre. La vague des arrestations en cours montre que nous n’avons rien n’à attendre de ces élections. Je ne pense pas que la solution soit celle d’aller tous se faire incarcérer pour se faire entendre. Certains doivent mener le combat de conscientisation du peuple pour l’amener à faire le bon choix.

Le peuple congolais n’a pas la mémoire courte, il se souvient que sa jeune démocratie à été torturée dès le 5 juin 1995, assassinée et enterrée le 15 octobre 1997 suite au coup d’État qui a ramené au pouvoir l’actuel Président, Denis Sassou Nguesso. Les vainqueurs de cette triste guerre ont transformé leur victoire militaire en une victoire pseudo politique en 2002. Mais cette victoire sur le peuple est continuellement contestée à l’occasion des échéances pseudo-démocratiques de 2002, 2007 et très récemment de 2009. Comme le seront très prochainement les élections de juillet 2012. Ce qui confirme que notre démocratie est bâillonnée par un parti coaché par un clan qui tente d’imposer son hégémonie par des voies autre que démocratiques. Qui peut croire que Claudia SASSOU ou Christel SASSOU seraient les mieux placés pour incarner le renouveau démocratique au sein du PCT ? Pourtant il existe au sein de ce parti des grandes valeurs intellectuelles et patriotiques qu’on étouffe, intimide pour taire leurs idéaux patriotiques afin de laisser libre court à cette espèce de dépravation politique à laquelle on assiste. Le pays est dépecé entre les sœurs et frères qui s’érigeraient les mêmes prérogatives que le père. C’est pourtant contre institutionnel.

Pour nous, cette élection est une séquence à l’intérieur d’un processus plus large et de longue durée: celui de la révolution citoyenne qui vise à redonner au peuple le droit de choisir librement ses dirigeants. Redonner au peuple le droit de se réapproprier son avenir est très loin d’être une fuite en avant ni encore moins une politique de la chaise vide. C’est tout le sens même d’un combat patriotique. Le Congo ne s’en sortira qu’avec l’appui du peuple, et en retrouvant une authentique démarche égalitaire contre le clanisme en vigueur actuellement. En république, un droit est toujours universel et sans contrepartie, c’est-à-dire inaliénable. C’est ce qui fait la force de nos convictions et surtout nous demeurons loyaux envers notre peuple.

Que préconisez-vous alors ?

Ce qui me frappe, c’est l’absence de réflexion et de prévision sur la situation du Congo notamment sur les causes de ses faiblesses : la corruption, l’impunité, le chômage, le modèle social clanique, etc. Or, la cause de tous ces maux est parfaitement identifiable : on ne peut pas diriger un pays, comme si l’on était un chef de village. Cette vision a laissé se créer une hémorragie cataclysmique du tissu social congolais. Toute notre divergence part de là. Elle remonte à 1997, lorsque le PCT a fait le choix de dire « NON » à la constitution de 1991 alors que tous les congolais avaient dit « OUI » à celle-ci. Face à un système clanique qui ne peut pas tenir ; trois attitudes sont possibles: défendre aveuglement les plans sectaires et complètement en inadéquation avec le sens même du mot développement en se disant que cela finira par fonctionner, imposer aux congolais une dictature clanique ou seule prime l’allégeance au clan, ou enfin prôner une révolution citoyenne pour redéfinir un nouveau projet de développement pour tout le Congo.

Cette troisième attitude est la nôtre. Car c’est inéluctable, le système actuel va craquer. Cela peut venir autant des mouvements populaires que de la rapidité des mouvements de corruption qui gangrène la société et qui, sans doute, finiront par faire exploser le pays si aucun changement n’est apporté. La continuité de ce système clanique n’est plus tenable. On n’a pas besoin d’écuries claniques qui ont en commun une vision obsolète et orientée vers une prédation sans retenue des biens publics. A trop courir derrière les affaires juteuses que le PCT met en branle pour attirer les voix risque de nous discréditer. Il faut se concentrer sur la nouvelle vision du changement par une indispensable réflexion autour de la quelle nous pensons tous nous rassembler. Il faut qu’on revienne sur les valeurs qui font notre socle sociétal. Nous défendons l’idée d’une coopération et non d’un affrontement stérile. Nous n’avons pas besoin d’une assemblée qui soit systématiquement pour ou systématiquement contre, agressive ou soumise. Nos députés doivent être des hommes libres dans le débat public qui dépassent les clivages. Mais surtout pas des partisans d’un clan affairiste.

Rejetons ce coup de force contre notre démocratie ! La voix possible et crédible qui doit s’exprimer sur notre avenir : c’est celle du peuple  et non celle des diktats permanents. Notre mission c’est de faire entendre la voix d’un peuple qui en a assez de l’usurpation, de la manipulation mais de la confiscation des ses droits. Lorsque la vérité dérange, faut-il lui préférer l’illusion d’une paix escamotée ?

Fait à Lyon le 20 Juin 2012

Pour  DAC ,

Le Président.

Jean-Claude BERI