123456789-1725174Pour aborder sérieusement cette question d’autodétermination et de création de l’Etat du Sud du Congo, je vais définir ce qu’est un Etat avec ses attributs et dans quels cas peut-on créer un nouvel Etat, quels sont les avantages et les difficultés pour faire aboutir cette démarche.

L’Etat est un phénomène historique, sociologique et politique pris en compte par le droit. L’Etat est défini comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumis au pouvoir politique organisé et se caractérise par la souveraineté. A ce titre, il n’est subordonné théoriquement à aucun autre membre de la communauté internationale par contre l’Etat est soumis directement au droit international, ce qui lui offre une certaine protection juridique.

A l’heure actuelle, dans un monde fini ou il n’existe plus de terra nullius (territoire sans maître), un Etat nouveau ne peut se constituer que de deux manières : par la décolonisation ou par l’éclatement d’un Etat préexistant : la sécession ou la création concertée d’un Etat nouveau.

La sécession est définie comme la séparation d’une partie du territoire d’un Etat préexistant, qui laisse subsister celui-ci. Dans le cas du projet de création d’un Etat du Sud Congo, celui-ci relève de l’éclatement d’un Etat préexistant ici La République du Congo.

Il faut noter que la pratique confirme le désengagement du droit international en matière de sécession, elle se contente d’entériner les conséquences lorsqu’elle aboutit à la mise en place d’autorités étatiques effectives et stables. Nous avons le cas de la tentative de la sécession du Katanga province minière du Zaïre. De 1960 à 1961 le Conseil de sécurité des Nations unies a dénoncé ces activités sécessionnistes menées par l’administration provinciale du Katanga. En 1968-1969, la sécession du Biafra au Nigeria n’a pas trouvé d’appui politique aux Nations Unies. Dans le cas du Bengale oriental (Bangladesh) le silence de l’ONU et les vétos successifs ont conduit à la création de cet Etat.

Le cas du Soudan Sud doit nous interpeller car elle est récente et je pense que c’est celui qui inspire et motive certains congolais à prôner la création du Sud Congo.

Les raisons sont identiques à certains points.

La répartition des richesses largement en défaveur des soudanais du sud a été à l’origine de la révolte c’est sur ce problème que portaient les principales revendications et négociations même si d’autres motivations se sont greffées comme l’application de la charia ou des raisons ethnico-religieuses et certains enjeux géopolitiques occidentaux.

Il faut noter que John Garang le leader charismatique du sud soudan, militait pour des réformes en faveur d’une meilleure équité entre toutes les composantes de la population, ce qui était largement admis par une bonne partie des arabo-musulmans, il était néanmoins pour le maintien de l’unité du Soudan, ce qui n’était pas dans les objectifs de certaines puissances étrangères.

Au Congo Brazzaville nous avons les mêmes motivations : la répartition et la confiscation des richesses par un clan et une ethnie dans un système de dictature répressive et sanguinaire, l’absence d’équité entre toutes les composantes de la population, la gabegie, les détournements en tous genres, la corruption, l’impunité, la mauvaise gouvernance, le désengagement du pouvoir dans des secteurs vitaux pour la population comme la santé, l’éducation, l’emploi, l’économie…

La création d’un Etat du Sud Congo suppose que les congolais sont prêts à se lancer dans une guerre civile longue et coûteuse à l’instar de celle menée par le sud du soudan pour aboutir à l’indépendance du Sud Soudan.

Il faut rappeler à tous les congolais que la seconde guerre civile soudanaise qui a abouti à l’autodétermination a commencé en 1983, même si elle est une suite de la Première Guerre civile soudanaise de 1955 à 1972. Elle s’est déroulée principalement dans le Soudan du Sud et fut l’une des guerres les plus longues et les plus meurtrières du XXe siècle. En effet, le bilan s’évaluait à 2 millions de morts, les rebelles séparatistes du Sud s’étant opposés au gouvernement central, et plus de 4 millions d’habitants du sud ont été forcés d’abandonner leur maison. Le nombre de victimes civiles est l’un des plus élevés de toutes guerres, depuis la Seconde Guerre mondiale. Le conflit a officiellement pris fin avec la signature d’un accord de paix en janvier 2005. Puis un référendum sur l’indépendance en janvier 2011 a donné naissance à l’Etat du Soudan du Sud.

Mais après cette autodétermination, le Soudan du Sud a replongé en décembre 2013 dans une guerre civile aux racines politico-ethniques, marquée par d’innombrables atrocités.

Les combats ont éclaté à Juba entre unités rivales de l’armée sud-soudanaise, minée par des antagonismes politico-ethniques alimentés par les dissensions à la tête du régime entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, respectivement dinka et nuer, les deux principales ethnies du pays.

Le conflit s’est rapidement propagé dans le pays. Des groupes armés et milices ethniques, dont une partie échappe à tout contrôle, sont venus épauler chacun des deux camps. Les combats n’ont jamais cessé, malgré plusieurs cessez-le-feu et un accord de paix signé en août, sous fortes pressions internationales.

Aucun bilan officiel du conflit n’existe. En novembre 2014, le centre de recherches International Crisis Group estimait qu’environ 50.000 personnes avaient péri dans les combats et les atrocités qui les ont accompagnés. Les combats qui n’ont pas baissé d’intensité depuis, la faim et les maladies ont continué d’alourdir le bilan.

La famine a été évitée de peu courant 2014, grâce à des distributions de nourriture, notamment par les airs. Les organisations humanitaires ont encore tiré la sonnette d’alarme. Les seuils techniques marquant l’état de famine ne sont pas encore franchis, même si le nord et l’est du pays, principaux champs de bataille, en sont très proches.

La faim – entièrement due au conflit et non à des phénomènes climatiques – est néanmoins bien là: plus de 2,2 millions de personnes ont été chassées de chez elles. Certaines sont réfugiées dans des marais où les racines sont la seule nourriture, les semailles ont été perturbées, des marchés détruits et des greniers à grains pillés.

Les deux-tiers des quelque 12 millions d’habitants ont besoin d’aide – alimentaire, médicale… – pour survivre.

Le choléra, endigué l’an dernier grâce à une campagne de vaccination et des mesures de prévention, menace à nouveau les camps de déplacés surpeuplés aux équipements sommaires. Plus de 1.500 cas ont été recensés, dont une quarantaine de décès, à Juba et à Bor (est). Les services de santé, déjà extrêmement rudimentaires avant l’actuel conflit, sont désormais en ruines. Les installations de plusieurs organisations humanitaires, dont Médecins Sans Frontières (MSF), ont été attaquées et pillées dans certaines zones, où elles sont vitales pour la population.

Le conflit est caractérisé par un catalogue d’atrocités commises par les deux camps : massacres ethniques d’hommes, femmes, enfants, hommes châtrés, femmes et filles enlevées, réduites en esclavage et systématiquement violées, enfants égorgés ou jetés vivants dans des cases en feu. Plus de 13.000 enfants ont aussi été enrôlés dans les rangs des différentes forces Ouvertes en janvier 2013 à Addis Abeba, les négociations de paix se sont éternisées des mois sans avancée, coûtant des millions de dollars. L’ONU a sanctionné huit chefs militaires – quatre de chaque camp – et continue d’agiter la menace de nouvelles sanctions, sans succès.

Une vingtaine de forces locales ou étrangères prennent part au conflit. Des troupes ougandaises et leurs hélicoptères de combat sont venues prêter main-forte à l’armée sud-soudanaise, ainsi que des rebelles de la région du Darfour (ouest du Soudan), qui combattent traditionnellement Khartoum.

Au milieu, 12.000 Casques Bleus tentent de maintenir la paix dans un territoire grand comme la péninsule ibérique, dépourvu de routes et où les pistes sont impraticables en saison humide. Ce rappel de la situation du Soudan Sud, doit interpeller tous les congolais qui prônent la séparation. Sont-ils prêts à se lancer dans cette entreprise périlleuse rien que pour déloger un dictateur sanguinaire du Congo ou doit-on travailler ensemble pour déboulonner le tyran ?

Attendez-vous à être dénoncés par l’ONU et le Conseil de Sécurité qui ne cautionnent pas les successions et prône l’intangibilité des frontières et plus particulièrement de la France qui avec son droit de veto peut tout bloquer, car elle est durablement et confortablement installée au Congo. Une guerre d’autodétermination cause également des victimes et martyrs et une grande extermination des populations du Sud Congo et du nord qui va s’en suivre.

L’entreprise de la sécession n’est -elle pas plus dure et difficile à faire aboutir tant sur le plan interne que sur le plan international que celle de mettre hors d’état de nuire le dictateur sassou ngesso et son clan mafieux ?

La sécession du Sud Congo ne va-elle pas plus exposer ces populations à la même situation que celle vécue et subie par les soudanais du Sud ?

Pourquoi cette fuite en avant ? Ne devons-nous pas tout simplement travailler ensemble du nord au sud, de l’est à l’ouest d’autant plus que ce n’est pas tout le nord du pays dans son ensemble qui confisque les richesses du pays mais simplement un clan très minoritaire au Congo ? Devant une dictature féroce et hyper-armée, inspirons-nous de Gandhi et la non-violence et travaillons à son application de manière efficace.

Réfléchissons plutôt ensemble à une véritable décentralisation, à une gestion économique rigoureuse de ce que le colon nous laisse, à la mise en place des outils de contrôle et à l’élaboration de véritables instruments de lutte contre le tribalisme pour conforter l’unité nationale et la démocratie pour les générations futures.

Vive l’alternance démocratique !!!

Par ALPHONSINE MIKOUIZA