Réflexions personnelles : Pourquoi être candidat aux élections présidentielles anticipées au Congo-Brazzaville.

Je commence sans ambiguïté par vous dire que je soutiens l’opposition congolaise dans sa démarche et je reste dans la résistance. Je n’ai pas changé ma position ni mes convictions.

Je précise qu’être candidat ne veut pas automatiquement dire qu’on ira aux élections, faut-il encore réunir les conditions de forme et les conditions de fond portant sur l’organisation de cette élection selon les standards internationaux et que les candidats qui se prononcent remplissent également les conditions de leur éligibilité.

Nous sommes tous d’accord qu’il a violé la constitution du 2 janvier 2002, tout le monde le sait, tout le monde a vu mais celui qui est au pouvoir a donné des chiffres, ses preuves à lui que les congolais ont voté à plus de 92 % le « oui » au changement de la constitution. Et quelles sont les éléments de preuve de l’opposition ? Oui il y a eu la désobéissance civile mais comment prouver avec des chiffres que 95 % des congolais ont dit « Non » à ce changement illégal de constitution ?

De manière générale, dans toute revendication de ses droits, le juge vérifie d’abord si vous avez un intérêt à agir (I) et que vous pouvez prouver le droit que vous revendiquez que cela soit un droit objectif ou un droit subjectif. (II)

La même rigueur juridique s’impose dans le cadre d’une élection toute aussi importante que les présidentielles au Congo Brazzaville. Il ne s’agit plus d’un vote référendaire sur une constitution, un texte régissant la vie d’un pays. Un texte de loi peut être retoqué et révisé par consensus. D’aucuns diront que ce monsieur qui sert de président au Congo Brazzaville ne doit plus se présenter, mais comment faire, il est hyper armé et se maintient par la force. Par principe quelqu’un qui se maintient au pouvoir par la force ne respecte aucun texte si ce n’est par une contrainte nationale et internationale.

Alors la question qui se pose est de savoir comment mettre en place ces contraintes tant nationales qu’internationales ?

C’est là qu’il faut parler de l’intérêt pour agir

I-L ’intérêt pour agir :

L’intérêt à agir ( locus standi en latin) désigne le motif permettant à un individu de se prévaloir d’un intérêt lésé et pour lequel il se pourvoit en justice. Une juridiction peut rejeter l’action d’un justiciable en déclarant qu’il n’a pas d’intérêt (direct ou indirect) à agir.

Dans le cadre des élections présidentielles anticipées organisées au Congo Brazzaville, l’opposition doit créer cet intérêt à agir.

Dans un article précédent, j’avais écrit que l’opposition ne se décrète pas, elle se construit et se consolide par ses actes, aujourd’hui, nous y sommes ; il faut des actes concrets pour créer l’intérêt à agir qui déterminera la suite des évènements.

Comment créer l’intérêt à agir si vous n’êtes pas candidat ? En restant chez soi, en boycottant comment faire pour prouver qu’on vous a volé vos droits, vos voix, votre vote dans le cas du Congo Brazzaville ?

C’est en posant sa candidature que l’opposition congolaise crée l’intérêt à agir pour défendre ses droits

Cet intérêt à agir permet de mettre la pression pour la création d’une commission électorale indépendante (A) et faire la demande pour l’expertise internationale(B)

A-LA CENI : la commission électorale indépendante

Une commission électorale est un organisme chargé de superviser la mise en œuvre des procédures électorales. Le nom exact utilisé varie d’un pays à l’autre, y compris les termes tels que la « commission électorale », la « commission électorale centrale », le « pouvoir électoral » ou encore le « tribunal électoral ». Les commissions électorales peuvent être indépendantes, mixtes, judiciaires ou gouvernementales.

Dans le cadre des élections anticipées au Congo Brazzaville, il est question de la mise en place de cette commission. Je ne reviens pas sur les textes l’instituant mais tout simplement pour dire que si vous n’êtes pas candidat comme moi comment intégrer cet organe très important dans le management de ces élections et celles qui vont suivre comme les législatives etc… ? Si c’est un organe paritaire qui doit être crée, il faut être candidat pour que cette parité s’applique à vous, à vos mandataires (Personnes qui ont reçu mandat pour agir au nom des autres ; les mandants) sinon personne ne vous acceptera à intégrer cette commission.

Les mêmes questions se posent sur le recours des organismes de la communauté internationale Ici je donne l’exemple de l’OIF qui excelle en ce moment dans la prévention des conflits électoraux dans l’espace francophone.

Comment saisir l’OIF si vous n’êtes pas candidat aux élections organisées au Congo Brazzaville ?

B- L’expertise internationale, celle de l’OIF par exemple :

L’OIF, organisation internationale de la francophonie s’est engagée pour le respect des droits de l’Homme, l’enracinement de la démocratie et la consolidation de la paix, à travers l’alerte précoce, la prévention des conflits, elle apporte son appui aux processus de sortie de crise et de transition. Ces actions nécessitent l’implication des gouvernements, des parlements, des appareils judiciaires, des organisations professionnelles, des associations de la société civile et des médias (cf publications de l’OIF)

Le texte à l’origine de cette implication de l’OIF c’est la déclaration de BAMAKO adoptée lors du Symposium International sur les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone (1er-3 novembre 2000, Bamako, Mali), la « Déclaration de Bamako ». Il est le texte normatif et de référence de la Francophonie dans ces domaines et dote la Francophonie de moyens d’action en cas de rupture de la légalité démocratique, ou de violation grave des droits de l’homme dans un de ses pays membres

La « Déclaration de Saint-Boniface » quant à elle, amplifie la dimension politique de la Francophonie. Elle a été adoptée lors de la Conférence ministérielle sur la prévention des conflits et la sécurité humaine (13-14 mai 2006, Saint-Boniface, Canada).

L’OIF dans ses textes site clairement les organismes ayant cette capacité à la saisir en matière de démocratie, le Congo étant membre de cette organisation a le droit de la saisir pour bénéficier de son expertise. C’est pourquoi, les partis politiques doivent s’associer à la société civile congolaise pour faire aboutir une demande d’expertise de cette institution. Si vous rester chez vous comment faire ?

Il faut dire que c’est dans le cadre de ces missions que l’OIF a accompagné le processus de transition au Niger et a évalué la conformité de cette transition avec la déclaration de Bamako sur la démocratie, les droits et les libertés dans l’espace francophone, l’OIF a effectué à Niamey un audit du fichier électoral.

Cette mission technique avait pour objectif de parvenir à un fichier électoral fiable dans la perspective des scrutins à venir. Elle a été effectuée en accord avec les autorités nigériennes, sur demande du Secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, elle a fait suite à la rencontre entre ce dernier et le premier ministre nigérien à Paris, le 27 mai 2010.

Et pourquoi pas une mission pour le Congo Brazzaville ? Comme le pouvoir en place se dit légitime alors il a intérêt à accepter cette mission pour prouver sa légitimité à ce moment-là .Dans ce cas c’est à lui de prouver pourquoi il refuse cette expertise que les autres ont accepté dans le respect de la charte africaine de la démocratie signée par lui.

Une fois que l’opposition arrive à intégrer une CENI indépendante et à bénéficier de l’expertise des organismes internationaux, elle peut avoir les preuves au cas où le pouvoir en place commet une forfaiture en matière électorale

II- La Charge de la Preuve

La preuve est la démonstration de la réalité d’un fait, d’un état, d’une circonstance ou d’une obligation. Elle en incombe à la partie qui se prévaut de ce fait ou de l’obligation dont elle prétend créancière. Elle sert à prouver la forfaiture(A) et organiser la résistance (B)

A -Il faut prouver la forfaiture

Dans le cas du Congo Brazzaville, la charge de la preuve en incombe à l’opposition congolaise et non au président actuel. C’est l’opposition congolaise qui se prévaut d’un droit : celui de détenir la majorité au Congo et de gagner les élections présidentielles. C’est pourquoi, l’actuel président ne se sent pas encore inquiété car il faut prouver son illégitimité tant sur le plan national qu’international.

D’aucuns disent qu’il est à 5% d’électeurs environs, tout le monde le dit, tout le monde le sait mais il faut le prouver. Alors comment prouver les 5 % à 10 % de la majorité actuelle si vous ne participez pas aux élections ? Dire qu’il a violé sa constitution ne suffit pas à faire tomber la dictature, une fois les preuves entre les mains, on peut organiser la résistance intérieure et extérieure.

B-Organiser la résistance intérieure et extérieure

La résistance englobe normalement l’ensemble des mouvements et réseaux clandestins qui poursuivent une lutte contre l’occupant comme cela s’est passé en France pendant la deuxième guerre mondiale

Cette lutte consiste en des actions de renseignement, de sabotage ou des opérations militaires contre les troupes d’occupation. Mais elle englobe aussi des aspects plus civils et non-violents comme l’existence d’une vaste presse clandestine, la diffusion de tracts, la production de faux papiers, l’organisation de grèves et de manifestations, la mise sur pied de multiples filières pour sauver les prisonniers de guerre, les réfractaires, les persécutés d’un régime.

Dans un contexte démocratique, (même si le Congo n’est pas de prime abord une démocratie) si vous prétendiez être une opposition politique, la première arme de contestation dont vous disposez ce sont les urnes. Vous n’avez pas vocation à organiser une insurrection, elle ne se justifie pas légalement.

C’est une fois les preuves entre les mains, et qu’on démontre son intérêt à agir, on peut organiser la résistance légitime et légale comme la désobéissance civile et les villes mortes. Et cela quel que soit le degré de corruption organisée par ceux qui ont des moyens, le cas sera entendu parce que l’opposition aura entre ses mains les éléments de sa légitimité, de son intérêt à agir tant sur le plan national qu’international pour mener à bien ses actions

Je ne m’étalerai pas sur l’organisation de cette résistante qui par ailleurs a déjà pris de l’avance !

En conclusion, je termine par cette compilation de citations : « Qui trop se hâte reste en chemin. D’un petit gland sourd naît un grand chêne. La patience vient à bout de tout ».

A bon entendeur Salut !

ALPHONSINE MIKOUIZA