Réponse à Monsieur Félix BANKOUNDA MPELE

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Monsieur Mpele,

Merci pour votre papier en réponse au mien sous le titre « le Président congolais (Denis Sassou Nguesso) relèvera-t-il les défis qu’il a fixés » publié dans le Huffington Post du 29 avril 2016.

Je vous remercie parce que, dans notre pays, nous n’avons pas encore l’habitude du débat contradictoire entre nous, Congolais, qui avons la prétention de nous caractériser comme intellectuels alors que chacun de nous n’avons pas encore une œuvre reconnaissable par d’autres.

Je vais tout de suite rassurer certain de mes compatriotes qui, me regardant comme éditorialiste sur Africa 24, peut-être à cause de mon aisance à l’antenne, ont pensé que je n’étais pas congolais : ils ont cru que j’étais gabonais ou camerounais. Je suis congolais, vili, de père et de mère, et né à Diosso au Congo-Brazzaville (Pointe Noire).

Je reconnais à mes contradicteurs la qualité de contradicteur utile comme je le fais ici et maintenant pour Monsieur Félix Bankounda. En revanche, à ceux qui me demandent de trahir mon intégrité intellectuelle et d’accuser sans preuve des présidents africains en exercice aux motifs que cela leur apporterait une aura pour leurs chaines de télévision, je dis non et vous comprenez pourquoi certains d’entre vous ne me voient plus sur Africa 24 en tant qu’éditorialiste, car je ne suis pas un traître et je n’ai pas la prétention de faire plaisir aux responsables politiques des médias qui m’emploient en critiquant les Présidents africains dont Denis Sassou Nguesso. Assez paradoxalement ces mêmes Présidents de chaînes qui me demandent de critiquer le Président Sassou sont largement rétribués par le Congo lorsque leurs chaînes font des reportages sur le Congo-Brazzaville ou couvrent des évènements concernant ce pays. J’ai un travail en France, j’ai passé des concours dans l’Education Nationale (ceux qui veulent les connaître peuvent fouiller ma bibliographie car elle est libre et ouverte), je suis fonctionnaire de l’Etat français. J’ai créé le CRAN (Conseil représentatif des Associations Noires de France) avec d’autres Africains comme Patrick Lozes franco-béninois j’y ai assumé les fonctions de Premier Secrétaire général. Je suis parti de l’organisation et les faits m’ont donné raison après, car je ne sais pas trahir, ni travestir la vérité. Lozes, à la tête de la direction, a perdu son poste et a été remplacé par Louis Georges Tin pour les raisons de trahison de la cause initiale pour laquelle nous avons créé le CRAN.

Cette mise au point faite, revenons à l’essentiel de l’apostrophe épistolaire de Monsieur Mpele.

Monsieur Mpele, vous avez raison de m’apostropher comme vous l’avez fait car nous traitons d’un même sujet, le Congo, Denis Sassou Nguesso et les pouvoirs politiques au Congo Brazzaville, mais nous n’adoptons pas la même méthode. Vous appartenez à l’élite engagée, vous êtes un intellectuel congolais engagé (même si, pour moi, les intellectuels africains appartiennent plus à la catégorie de manieurs d’idées, de mots et de paraphrases, sans en comprendre souvent le sens historique, situationnel). Vous dites que j’appartiens à la catégorie des théoriciens et militants du rôle positif de la dictature et du crime de masse. C’est une jolie formule de-contextualisée et sans doute apprise dans des bréviaires de tonalité marxisante, voire trotsky-léninistes. Je vous laisse le soin de me démontrer le contraire. Vous avez le droit d’attaquer le Président Sassou en fonction de vos lectures et de la problématique des biens mal-acquis, mais vous ne pouvez pas dire, comme auraient aimé certains responsables de la chaîne Africa 24, que j’accuse le Président Denis Sassou Nguesso sans preuves.

Vous êtes subtil car, sans le dire, vous insinuez dans votre réponse que c’est une faute politique de ma part car j’avais simplement dit, au cours d’une émission sur les biens mal-acquis, qu’il fallait laisser la justice faire son travail, et, pour l’avoir dit, vous m’assimilez aux hommes politiques français qui (je reprends vos mots) sont plutôt en faveur de la protection des dictateurs et présumés voleurs. Vous revenez ensuite sur l’affaire dite Panama-papers, qui n’a pas épargné ni le Congo, ni les proches du Président Denis Sassou Nguesso, ni son fils Denis Christel Nguesso.

Monsieur Mpele, je ne suis pas sur votre ligne intellectuelle qui est celle du militant engagé. Je suis un enseignant, éditorialiste, qui s’appuie sur des faits concrets, validés par la justice, avant de porter des accusations gratuites et toutes faites. Ne pas désigner le Président Sassou et sa famille sans preuves dans le domaine des biens mal-acquis comme dans celui des Panama-papers, est-ce devenir un traître à son pays, le Congo, et devenir complice des agissements du chef de l’Etat et de sa famille ? Soyons sérieux Monsieur Mpele, c’est avec des accusations comme les vôtres que le débat intellectuel ne peut pas s’organiser réellement dans notre pays, le Congo. Vous êtes trop dans une situation d’empathie, comme le sont souvent la plupart des élites africaines et surtout congolaise, clanistes et tribales, quand elles parlent de leur pays et du Congo dans le cas qui nous concerne vous et moi.

Ce qui m’intéresse Monsieur Mpele, au-delà de vos états d’âme personnels, c’est la situation du Congo au moment où je décris une situation. Il y a eu le référendum constitutionnel, l’adoption de la Constitution et l’élection présidentielle. Sassou a gagné les élections. Que puis-je dire ou faire, moi Lucien Pambou, en tant qu’intervenant dans l’espace politique intellectuel du Congo ? Je prends acte des résultats et je fais des propositions intellectuelles en matière de politique économique. Que dis-je ? « Monsieur le Président Sassou, après les infrastructures, voici venue l’heure de la construction du Congo sur le plan économique et social. » Vous dites que j’appartiens à la classe des rares économistes ou politistes congolais à croire à la main invisible et à penser que l’on peut encore penser que le Président Sassou peut tenir ses engagements. Vous me demandez d’être sérieux et honnête. Vous convoquez Bachelard pour approuver votre raisonnement que vous pensez scientifique dans sa démonstration, alors que le mien ne le serait pas. C’est dommage parce que la matière (la société congolaise) que nous traitons est sociale et humaine (et j’accepte de me tromper, ce qui n’est pas votre cas). Vous estimez que le peuple congolais doit trouver les moyens d’en finir avec Denis Sassou Nguesso, l’éternel despote.

Vous avez vos raisons, elles sont respectables, mais, comme je l’ai dit sur le plateau de l’émission de RFI sur le Congo Brazzaville avec Alain Foka (http://www.rfi.fr/…/20160424-le-climat-post-electoral-congo…) , je prends acte de la nouvelle République advenue après l’élection présidentielle et j’analyse les faits et les actes de cette nouvelle République sur une méthode de la Science politique qui tient compte des acteurs et des structures tels qu’ils se présentent à vous, et non d’une approche partisane. Si tel doit être le cas à l’avenir, je prendrais ma carte de militant dans un parti politique congolais reconnu par les structures de la République et je ferais la différence entre m’exprimer en tant qu’intellectuel (au sens de celui qui manie les idées mais pas qui a une œuvre derrière lui) et dire les choses en tant que militant engagé. Au fait, Monsieur Mpele, toute votre déclamation contradictoire est engagée contre le Président Sassou et sa famille. C’est votre droit, vous faites ce que vous voulez, mais à quel parti politique appartenez-vous ?

Lucien Pambou