Sassou atomise t-il le Nord ?

Pour ceux qui l’ont peut-être déjà oublié le travail de sape du PCT par Sassou Nguesso a démarré un peu avant 2004 en déclenchant la fausse querelle idéologique ‘ réformatrice et conservatrice’. Cela lui a permis détecter les possibles contradicteurs face à sa démarche de vouloir transformer le PCT en une caisse enregistreuse d’idées du Clan sassou. Comme on pouvait s’y attendre quelques voix se sont levées pour dénoncer cette dérive idéologique face à la philosophie du Parti telle qu’il a été incarné par Marien NGOUABI. LEKOUNDZOU paye les frais de cette opposition à ce conglomérat de « clubs » issus d’une génération spontanée et sans aucune idéologie reconnue sinon que le béni-oui-oui est méprisable a sassou qui se disait « conservateurs ». Ceux qui ont critiqué LEKOUDZOU hier se rendent bien compte que son combat n’était pas aussi simpliste que certains qui le pensaient. Que ce n’était pas non plus une question de poste ou de frustration, mais bien une main mise hégémonique du Parti au profit d’un homme. Au lieu de reformer le PCT, nous sommes arrivés à la naissance aujourd’hui du Parti Congolais des tricheurs à la solde de sassou. Eh oui ce n’est plus que ça, ce Parti ne vit que pour tricher si sassou le veut.

Mais là où le bât blesse, malgré les belles paroles de paix et du dialogue aucune voix ne s’est manifestée au Nord à l’exception de celle de sassou. C’est à croire que Sassou Nguesso est l’homme le plus apte au Nord à briguer le fauteuil présidentiel. Et c’est là le paradoxe : les primaires, ce grand exercice démocratique, cette rencontre du XXIe siècle entre un homme ou une femme et le peuple, cette façon « moderne » et « rénovée » de faire de la politique sont devenues un véritable enjeu politicien, car dans ce débat, chacun se positionne par rapport à ses intérêts personnels ou communs. Il n’y a jamais eu défaut, on vient, on impose un candidat et les autres doivent avaler les couleuvres en silence et surtout en applaudissant ce qu’il est déteste profondément. Sassou n’a jamais eu envie de s’y abaisser, de se rabaisser, lui qui a reçu la sainte onction du Peuple pour siéger 32 ans au palais du Plateau ? .

Mais raconterais-je des histoires dans un Congo fortement ethnisé pourquoi faire des primaires importées tout droit des Etats-Unis ? L’argument est totalement malhonnête. Il est évidemment préférable que la primaire soit la plus large possible au Nord, car le Nord ce n’est pas seulement OYO. On pouvait parier qu’une fois le processus lancé, il y aura très probablement des candidats. Le Nord aurait eu l’intelligence de saisir cette opportunité pour faire progresser leurs idées, et pourquoi pas un autre candidat que sassou pour l’emporter, ou pourquoi pas à des candidatures plus jeunes.

La mise en place de cet échafaudage complexe de fraude électorale montre que le pouvoir de Denis Sassou Nguesso et le PCT savent qu’ils sont devenus exécrables aux yeux de la majorité silencieuse de la population congolaise.

À chaque fois sassou refuse de mettre le débat sur la place publique parce qu’il considère l’ethnie comme le fruit d’une paresse intellectuelle, voire pire. Le mettre en avant, c’est se couler dans le moule d’une société congolaise mystérieuse, le pays des ténèbres, des identités primordiales et fétichistes. C’est une grille d’analyse indissociable d’une vision misérabiliste, primitivisme et archaïque que s’est construite sassou pour mieux atomiser le Nord. C’est une corrélation trompeuse qui navigue entre la manipulation et la corruption. Ce n’est pas la démocratisation actuelle qui a produit une sorte de retour de l’ethnie au premier plan. Le poison, c’est l’utilisation de l’ethnie comme ressource stratégique que manipulent les entrepreneurs identitaires pour se créer une clientèle électorale et mobiliser des troupes.

L’idée d’un débat d’idée est transformée au Congo à protéger le moyen d’accéder aux ressources de l’Etat. Et sassou sait utiliser les moyens de l’Etat pour soir asservir l’homme du Nord ou soit a le soumettre à sa volonté. Autrement dit si tu peux partager le « gâteau national » c’est de se rejoindre des structures de type ethnique, clientélistes par nature, qui permettent d’avoir accès à l’Etat.

En 32 ans du pouvoir sassouiste le sud a connu les MILONGO, LISSOUBA, MABIO, KINFOUSSIA, MUNARI, MPOUELE, KOLELA …Etc. Quoi que l’on dise cela montre une prolifération d’idée même si c’est à connotation partisane. Mais l’on navigue vers une libération de la parole dans la diversité.

C’est à croire que le Nord a cessé de penser qu’une autre réflexion peut-être possible sur la façon dont la démocratie peut s’accommoder de ces diversités ethniques sans le prisme que Sassou en soit le garant.

Que le nord choisisse Sassou comme leader serait-il antidémocratique comme le pensent certains ? Non. Pas du tout. « La démocratie, c’est le pouvoir par le peuple. En matière électorale, cela signifie que les choix agrégés des citoyens électeurs déterminent le vainqueur de la compétition. C’est tout. Les électeurs font ce qu’ils veulent. Ils se décident sur la base de critères dont ils sont les seuls maîtres. Ils sont libres de choisir un candidat parce qu’il est charmant, très connu, leur paraît sage ou compétent, parce qu’il a avancé des idées qui semblent sensées, parce qu’il a la plus belle flotte de véhicules de luxe tout terrain, qu’il a fait imprimer les affiches électorales les plus belles, qu’il a fait commander en Chine des tee-shirts colorés de meilleure qualité que les autres, qu’il a distribué en sous-main plus d’enveloppes garnies de billets aux leaders d’opinion que les autres ou parce qu’il parle la même langue et a été moulé dans les mêmes coutumes qu’eux.

Dans ce dernier cas, les motivations du vote déterminé par l’ethnie ne sont d’ailleurs pas aussi évidentes qu’on peut le penser. On peut voter pour le candidat de sa communauté parce qu’on se sent plus proche de lui que des autres, sans en attendre un avantage personnel. Mais on peut aussi voter pour ce candidat parce qu’on pense qu’on sera plus en sécurité sous un président issu de la même communauté ethnique que soi et/ou qu’on aura marginalement plus de chances d’améliorer sa condition économique sous une telle présidence. Dans le second cas, la motivation est moins ethnique qu’économiquement rationnelle et partagée par les électeurs dans toutes les démocraties. » (1)

A croire que sassou est arrivé à faire croire à l’homme du Nord que voter pour un autre candidat (du Nord ou pas) serait une aberration, une forme de vote stérile qui n’aboutirait qu’à engendrer un drame Nordiste. Le discours d’opposition qu’il a su instituer entre le Nord et le sud-est loin de la vocation du peuple telle qu’elle a été vécue dans les années 1958- 1960. A l’époque Il y a 56 ans le Congo-Brazzaville, en obtenant dans la douleur, le 28 novembre 1958 son indépendance donnait une belle leçon de démocratie avec le président Fulbert Youlou et le vice-président Jacques Opangault , un homme du sud et un homme du Nord uni par la conviction, l’idéal de bâtir un Etat rassemblé.
Que l’homme du Nord ne perçoive pas la manipulation ou l’instrumentalisation des identités ethniques mise en place par sassou consistant simplement à écarter ses adversaires politiques en les réduisant à leur communauté ethnique qu’il attribue les velléités de potentiel danger national est dangereux pour la construction d’une nation congolaise.

En 32 ans de gouvernance quelle leçon peut-on tirer sur le développement du Nord Congo ?
La question centrale est donc celle de la pérennisation au pouvoir d’un homme qui a largement échoué sur les multiples plans. Et non un problème d’ethnication du pouvoir car ce ne sont là que les manœuvres d’un homme en perdition faisant de la politique de caniveau. Alors pourquoi l’homme du Nord adoube-t-il sassou ?

Gaston ONOUGOUA

(1)     : GILLES OLAKOUNLÉ YABI  http://www.afrik.com/article20467.html