De l’argent d’assurances-vie envolé au Liban, du cash qui arrive à San Marin ou de Malte : le fric du clan à la tête du Congo intéresse l’enquête des « biens mal acquis ».
Ils ont bon dos, les petits-enfants de Denis Sassou Nguesso. On blanchit du fric sur leur dos et ils n’en savent rien, les bouts de chou. Que diront-ils à leur papa, Denis Christel, le fils du potentat du Congo, lorsqu’ils seront en âge de comprendre que des assurances-vie à leur nom ont servi, soupçonne Tracfin (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits FINanciers clandestins), à blanchir de l’argent ? Le service anti- blanchiment de Bercy, une structure qui ces temps derniers était plus loquace quand il s’agit de taper sur les dictateurs africains que sur les politiques français, a en effet pondu en avril 2002 une note passée inaperçue jusqu’à présent, mais qui vaut son pesant d’euros, à défauts de francs CFA.
Tout jeune député, Denis Christel, donc, le fiston de Sassou – surnommé le prince héritier -, est, par la grâce de son papa, numéro deux officiel de l’entreprise pétrolière d’État, mais patron officieux de cette machine à cash. L’or noir devenu la ressource du clan Sassou…
De San Marin aux Seychelles
De quoi peut-être lui occasionner quelques soucis à Paris, où l’enquête sur les « biens mal acquis » vise l’autocrate congolais, comme ses homologues du Gabon et de Guinée équatoriale. Denis Christel Sassou a en effet attribué à ses trois enfants, Ilona-Anaëlle (née en 2004), Lily-Anne (2006), et Denis-Ylan (2008), des contrats d’assurance-vie ouverts dans la filiale de Barclays, Barclays-Vie, et les a tous rachetés fin janvier 2012. Les montants de rachat (brut) ne sont pas négligeables : 358 000 euros pour la première, 354 000 euros pour la seconde et 248 000 pour le dernier. Et, comme le signale Tracfin, les fonds se sont envolés. Pas au Congo, mais au Liban. Le pays du secret bancaire où les banques ressemblent à des citadelles inviolables. Voilà encore un bon million qui échappe au peuple congolais.
Depuis que Sassou est l’une des cibles des juges, c’est toute la famille qui déguste. Pas moyen de dépenser tranquillement ses millions en France. Regardez une autre de ses filles, la pauvre Julienne. Avec son mari, Guy Johnson, ils ont acheté un hôtel particulier à Neuilly en 2006, pour 3,2 millions d’euros. Le parquet de Paris a demandé une enquête, le 9 septembre 2011, après que Tracfin a signalé les faits et surtout pointé du doigt le financement de la demeure.
La note de six pages du service anti-blanchiment, que Charlie a pu consulter, détaille « le financement d’un bien immobilier avec des fonds susceptibles de provenir de corruption ou de détournements« , c’est-à-dire l’achat par le couple Sassou-Johnson, via une SCI, de la bâtisse de Neuilly et la rénovation royale à laquelle il s’est livré, pour un montant astronomique de 5,3 millions. Investissement total : 8,5 millions d’euros, et zéro emprunt. Que du cash viré depuis plusieurs banque du San Marin (une micro-principauté européenne longtemps considérée comme un paradis fiscal), du Congo et encore d’un établissement de Malte.
Les comptes bancaires, détaille le document, appartiennent à Johnson, à Mme Sassou ou encore à une mystérieuse société, la Maritex, immatriculée aux Seychelles, ce petit paradis pour touristes. Cette structure étant visiblement propriété de la dame. « Selon une attestation produite par le directeur de cette société, le compte de la société a été alimenté par le produit de la vente des parts détenues par Mme Johnson dans la société Orascom Télécom Congo, écrit Trafin. Il semblerait qu’elle puisse être liée à des opérations de corruption entre le président et un homme d’affaires égyptien Naguib Sawiris. » Soupçonner de corruption la fifille à son papa ? Quelle insolence !
Les carottes sont cuites, ou presque. « L’urgence, c’est que Manuel Valls réponde à la demande de l’organisation Transparency International d’affecter à ces enquêtes un nombre de policiers suffisant pour cette affaire complexe. Jusqu’à présent, il n’y avait qu’un seul OPJ », explique William Bourdon, l’avocat de l’association. En attendant, il ne reste aux Sassou qu’une seule chose à faire, prendre vite comme Depardieu, le chemin de la Belgique!