« Il faut porter le choix sur celui qui limite les catastrophes. J’estime sincèrement que c’est le profil du président Sassou… Moi, je voterai Sassou ! » (Martin Mbéri)
Au début, ou plutôt, dans le prolongement, était prétendument « la troisième voie », noyau dur des fameuses et interminables « Lettres citoyennes » de Martin Mbéri, passées de trois, puis quatre, puis cinq…
Lettres dans lesquelles, promis-juré , la main au cœur, sans sourciller et pas du tout l’ombre d’un sourire, « Martin le terrible » (J. Afrique, 17-23 nov. 1994), fervent défenseur de la révision de la Constitution congolaise de 2002 pour la ‘dé-présidentialiser’, mais opposé au ‘changement’, soulignait clairement que « l’article 185…constitue un barrage infranchissable. Si tous les articles d’une Constitution sont en général révisables, la Constitution congolaise fait exception à cet égard… . Qu’il soit dit une fois pour toute que l’alinéa 1er sur la forme républicaine et le caractère laïc de l’État, l’article 57 sur la limitation à deux du nombre de mandats…ne sont pas révisables »
Non moins explicite : « Nous plaidons…la non-révision des articles 57 et 185 à la fois pour des raisons juridiques, mais aussi pour des raisons d’opportunité politiques… La limitation du ‘nombre de mandats présidentiels’ est un acquis historique, qui tire sa source de la première Constitution post-conférence nationale de 1992. On peut dire aujourd’hui que cette disposition a résisté au temps, qu’elle mérite notre considération et ce n’est pas un hasard si les constitutionnalistes de 2002 l’ont placé à l’abri des prédateurs en édictant l’article 185. Les points de vue des dirigeants du PCT et de certains membres du gouvernement qui prêchent la révision de l’article 57 relèvent du paradoxe. Pour nous l’article 57 est un acquis historique qui doit encore avoir de beaux jours devant lui. Souhaitons-lui une exceptionnelle pérennité » (première Lettre citoyenne)
Plus édifiant, pour l’auteur de « L’an 2016. Au cœur de la politique congolaise » (M. Mbéri, L’harmattan, 2013) « 2016 est une occasion unique…pour pouvoir poser un acte puissamment symbolique cette année-là qui fera entrer le Congo par la grande porte de l’histoire des luttes démocratiques de notre continent ».
Et de préciser, « Pour nous, la Constitution dit qu’il [Sassou] ne peut pas être candidat à la fin de son deuxième mandat… . L’observation, sur le plan international également, nous montre que la thèse d’un troisième mandat que l’on peut réclamer pour un candidat n’est pas compatible avec la culture politique de nos jours… Quant au président de la République, il y a toutes les raisons d’utiliser son expérience au service d’autres grandes causes, le Congo ayant déjà pris ce qu’il a en lui de meilleur » (idem, Lettre Citoyenne).
C’est au nom de cet éclaircissement redondant, de cette apparente mise au point, du choix délibéré pour la révision légale de la Constitution et de l’opposition à son changement que Martin Mbéri invitait la classe politique congolaise au Dialogue national sous le haut patronage du chef de l’État, et ne comprenait pas les tergiversations de l’opposition qualifiée de radicale.
A cela, nous répondions et écrivions ceci, en mars 2015 : « cher Maître, …consciemment ou inconsciemment, en ne revenant pas à la croisée des chemins, c’est-à-dire au contexte d’avènement du régime [pré-1997, c’est-à-dire régime de la Constitution de 1992], et en vous situant plutôt dans le sillage des thèses et préoccupations vacillants du régime, vus participez à son prolongement, à la consolidation de ce qui n’est objectivement qu’une dictature… »
Et nous concluons « …En définitive, le changement et\ou la révision projetés aujourd’hui, ne sont que le prolongement, la modalité génétique de fonctionnement du système restauré en 1997, et dont les compagnons du système, quelles que soient les nuances, tiennent mordicus à pérenniser, même s’il faut pour cela, sacrifier le maître d’œuvre » (cf. Félix Bankounda Mpélé, « Dans l’engrenage du tango politique : l’ambiguë et obscure ‘lettre citoyenne’ de Martin Mbéri », mars 2015, en ligne)
Ces considérations, ces remarques que nous faisions au printemps 2015 viennent d’être formellement confirmées par une interview donnée par l’intéressé à Donatien Ndamba Mwnadza (Portail 242.Info, 16 janvier 2016), après certaines proclamations, certains comportements, contacts et déplacements de maître Martin Mbéri[1], et qui étaient au fond sans ambiguïté pour qui connaît autant les comportements de la classe politique congolaise que la psychologie et les valeurs du précité.
Désormais, « Les lettres citoyennes », « La troisième voie » et « L’an 2016. Au coeur de la politique congolaise », sont renvoyées aux calendes grecques ! A l’image de Sassou[2], « le sens du 20 octobre » (question à lui posée), date où des Congolais ont été confondus au bétail par son ‘ami’ et dictateur-président, « c’est une grande victoire du peuple congolais » ! Mythomane, et par une acrobatie et une référence dont il a seul les termes et le secret, il ajoute que « J’avais dit à une époque sur un média que si la Constitution ne change pas, je n’irai pas voter à la présidentielle. Mais si la Constitution change, je voterais. Moi, je voterai Sasssou ! Je ne vais pas me dédire (!). La Constitution a changé, je vais voter Sassou… » !
A la question de l’interviewer de savoir pourquoi Sassou, c’est auprès du « prophète de l’apocalypse », le colonel Innocent Péa lui-même, théoricien de l’apocalypse dans l’hypothèse du départ de Sassou, que ‘ l’homme de principe… et modèle de fidélité’ autoproclamé va prêcher : « Il faut porter le choix sur celui qui limite les catastrophes. J’estime sincèrement que c’est le profil du président Sassou » !
Ainsi, pour Martin Mbéri, Sassou-Nguesso, l’icône nationale du crime de masses au Congo, le seul homme politique de l’histoire du Congo qui a mobilisé des armées étrangères les plus enracinées dans la guerre pour reconquérir le pouvoir, tuer et humilier ses concitoyens, celui qui a suscité une hémorragie constitutionnelle au Congo depuis 1977, celui qui a réussi à gouverner cinq ans sans mandat là où existait déjà une constitution régulièrement adoptée, non sans endeuiller au passage des milliers de familles congolaises, celui qui est unanimement répertorié et épinglé par toutes les organisations humanitaires ans exception, celui qui a saigné financièrement à son paroxysme le Congo au profit de ses proches et mercenaires de toutes formes et tout acabit, c’est celui-là qui « limite les catastrophes » et à qui il faut encore, une fois de plus, fournir l’alibi démocratique !
On aura, au passage, remarqué, des similitudes de la stratégie de maintenant, avec celle de 2002, c’est à dire la réapparition des deux mêmes acteurs de 2002 ( Mbéri et Kignoumbi) que je n’ai pas manqué de relever, il y a une semaine, dans « L’éternel et invétéré ‘idiot du roi’ » ( 8 janvier 2016,en ligne) où, parlant de Me Martin Mbéri, qui tentait déjà, à cette période, de fournir l’alibi démocratique à Sassou-Nguesso, j’écrivais :« Il finira par jeter l’éponge, sous la pression et le désaveu solennel et répété des ‘dirigeants exilés’, avant d’être remplacé, dans le même jeu, par de jeunes loups du parti, dont le nommé Kignoumbi en 2002, avec le même résultat » (ou, « L’aveu : les édifiants propos de Kignoumbi kia Mboungou », octobre 2012, en ligne)
« Entier » comme il l’affirmait lui-même (Jeune Afrique, numéro 1767, du 17 au 23 novembre 1994, p. 69), jamais assouvi de pouvoir, refusant obstinément d’être « du côté des perdants », et ne faisant jamais les choses à moitié, il termine en soutenant que « Si je suis nommé premier Ministre, je ne le démérite pas. Je suis une des élites du Congo. Avec un demi-siècle de vie politique active et riche, je peux dire sans me tromper que je connais le président Sassou ». Qui osera en douter, avec, manifestement, autant de valeurs partagées… car, dit-on, qui se ressemblent s’assemblent.
Félix BANKOUNDA MPELE