Par : Jean-Richard Amédée SAMBA DIA NKOUMBI
Le jour présent doit se vivre à la dimension des tâches et obligations, en faisant un clin d’œil pour hier et avec une programmation pour le jour d’après, en d’autres termes le présent mérite d’être vécu avec un regard d’autocritique du passé et une programmation pragmatique pour l’avenir.
Devoir de mémoire
Aux activistes congolais des temps présents, chacun ou chacune selon la ligne éditorialiste qu’il s’est assigné, je vais vous raconter un épisode d’un passé peu glorieux de l’histoire de la gouvernance du Congo, afin que vous vous instruisez, que vous n’oubliez point, et qu’à votre tour vous transmettez aux générations futures, à la postérité une histoire sans tâches possibles, et que le Congo s’en souvienne à tout jamais.
Un homme politique des temps nouveaux a dit : « Quand l’on ne sait pas d’où l’on vient, l’on se perd en chemin ».
7 février 2018- 7 février 1978, jour pour jour, 40 ans se sont écoulés, depuis que les 10 condamnés à la peine capitale, sur les 11, au procès dit »Procès sur l’assassinat du Président Marien NGOUABI », sont assassinés, sont « passés au petit matin ».
Selon la chronique du journal Etumba, organe du Comité Central du Parti Congolais du Travail, n° 476 du 11 février 1978, édition spéciale, il s’agit de :
1-DOUDY GANGA Jean-Pierre,
2-KINKOUBA Etienne,
3-SAMBA DIA NKOUMBI Dominique,
4-KIANGUILA Daniel,
5-KANZA Daniel
6-KOUBA Grégoire,
7-MIZELE Germain,
8-KONDA Albert,
9- DIANZENZA Pierre
10- SISSOULOU Simon.
Le weekend précédant cette tragique semaine, qui s’achèvera avec l’assassinat du capitaine Barthélemy KIKADIDI, l’atmosphère était morose à Brazzaville et probablement sur l’ensemble du territoire congolais, car le peuple vivait dans l’attente du verdict du fameux procès. Tout était gris. Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Et le lundi 6 février, jour ordinaire pour les uns, mais jour anniversaire de son premier fils pour l’un des suppliciés. Ce frère deviendra mon premier instructeur en politique. La tragédie va frapper onze des présumés accusés de ce sordide assassinat. En plus des dix qui passeront au « petit matin », il faut ajouter André HOMBESSA, ministre de l’intérieur sous la présidence MASSAMBA DEBAT, condamné par contumace.
Le peuple n’en croit ni ses yeux, ni ses oreilles. La rue n’en revient pas. Ce n’est pas passible. Jamais dans l’histoire politique contemporaine de l’époque, une telle tuerie de masse n’avait été opérée au grand jour. Les événements de 1970 liés au coup d’État manqué du capitaine SIROKO et ceux liés au Mouvement du 22 février 1972 avec Ange DIAWARA BIBIE et ses compagnons, refont brusquement surface dans l’inconscient collectif. Là aussi, il y eut bain de sang.
Tout de même, le peuple se met à espérer. Dans l’après-midi, la rumeur court que les avocats vont être reçus en audience par le Président du Comité Militaire du Parti pour demander la grâce. Mais c’était mal connaitre Joachim Yhombi Opango. L’on apprend alors que le Président va prononcer une allocution radiotélévisée.
Qu’il avait été lourd ce temps d’attente !
Mais faisons court. Le soir de ce lundi 6 février 1978, l’information tombe, couteau très tranchant : la grâce est refusée, avec interdiction aux parents de revoir les leurs, pour un ultime au revoir. Pire : refus de remettre les dépouilles mortelles aux familles.
Pour les besoins de l’histoire, je donne la possibilité aux vivants en ce jour de la commémoration du 40e anniversaire et à ceux qui viendront sur cette terre des hommes, je donne la possibilité d’écouter les mots de Joachim-YHOMBI-OPANGO fondés sur la langue de bois des révolutionnaires marxistes.
L’intégralité de ce discours qui se trouve en pleine saisie informatique sera publiée sous peu sous le label « Devoir de mémoire du Congo Brazzaville »
Écoutons :
« Voilà pour la tenue de ce procès et la façon humaine dont elle doit que nous devons en tirer sur le plan international. Pour ce qui est des sanctions prononcées par la Cour Révolutionnaire d’Exception, je dois dire le plus clairement possible, sans équivoque aucune, que les sentences seront intégralement exécutées. Il n’y aura pas de clémence pour les accusés du complot ayant abouti à l’assassinat du Chef de la Révolution. Au demeurant, certains de ces accusés sont des comploteurs invétérés. On les retrouve dans toutes les tentatives de coups d’État portés directement contre la Révolution. Les Révolutionnaires congolais ont longtemps pardonné. Ils ont excusé tout le temps. Cette force de caractère a été considérée par la réaction comme une faiblesse. Maintenant il n’y aura ni grâce ni pardon, il y aura seulement la justice révolutionnaire. Dans cette douloureuse affaire, on n’accuse et ne juge pas n’importe quel congolais, il s’agit de ceux qui ont mené une guerre sourde, longue et stérile contre la Révolution, à côté du langage révolutionnaire, il faut aussi des attitudes, des comportements révolutionnaires. Et il n’est pas normal de subir les coups de la réaction sans riposter. A la violence réactionnaire, il faut nécessairement opposer la colère du Peuple, la violence révolutionnaire. La lutte des classes est bien une lutte, c’est à dire quelque chose de concret, de risquant, de difficile. Ainsi donc les révolutionnaires congolais ont à être de plus en plus durs, fermes et énergiques, et cela chaque jour qui arrive. Je me resserve de revenir plus loin sur cette question urgente, capitale.
Il est clair et définitivement acquis, établi que le très lâche assassinat du Président Marien Ngouabi a été conçu, préparé dans le menu détail, par Massamba Débat, depuis 1969 et finalement exécuté par ses hommes de main, le 18 mars 1977. Voilà la vérité éclatée au grand jour. »
En rapport direct avec ce passé douloureux, le présent se vit par la définition du concept « Le Devoir de Mémoire ». Le sang des héros et des martyrs de la république réclame vérité, justice et réparations pour une nation réconciliée, et se traduit littéralement en kikongo « Nsimou ni Mayela »
Plusieurs objectifs forment les fondements de ce vocable, et l’on peut citer quelques-uns, à savoir :
– La thérapie individuelle, familiale collective et citoyenne, en faveur de la nation congolaise, qui est une entité à construire dans l’amour du prochain.
-L’application des actes de la Conférence Nationale Souveraine en rapport avec les états des héros et martyrs de la République pour la période allant de 1958 à 1991, et une analyse républicaine des crimes de sang de la période allant de 1992 à nos jours.
Sur le plan politique, ce concept voudrait impacter dans l’alternance de gouvernance du Congo-Brazzaville qui doit nécessairement passer par la chute de la barbarie installée dans la gouvernance du pays et qui s’éternise au pouvoir.
Jean-Richard Amédée SAMBA DIA NKOUMBI
2e du nom
Communicant et Leader d’opinions