Je suis opposé au régime présidentiel en Afrique en général et au Congo en particulier. Ceci pour plusieurs raisons, dont les principales sont que :
– Le régime présidentiel a servi la plupart du temps à justifier le pouvoir personnel et personnifié, avec le culte de l’homme fort, du paternalisme et du népotisme qui l’accompagne; – il favorise des durées trop longues au pouvoir, et le verrouillage de toutes les institutions à celui qui est censé les incarner, y compris les institutions garantissant l’alternance (les commissions électorales), et les contre-pouvoir (cours constitutionnelles); – il nuit à la séparation des pouvoirs, du fait que l’assemblée élue sous contrôle présidentiel (avec des moyens plus accessibles par le camp au pouvoir) est de sa coloration et lui obéit à l’œil, autant que le pouvoir judiciaire dont il nomme les dirigeants; – l’élection présidentielle cristallise les passions ethniques et les guerres civiles pour défendre un homme;
– le fait d’avoir un seul chef qui inspire la marche de tout l’État et décide au final de tout en premier et/ou en dernier ressort nuit à la démocratie, au foisonnement des centres de décisions et d’intérêts l’opinion des composantes devenant secondaire ou simplement consultative si bien qu’à la fin une mauvaise orientation donnera un échec généralisé, impossible à limiter. Bref, il rompt l’équilibre du pouvoir.
Le régime parlementaire a toute ma sympathie pour nos pays, le Congo en tête. Parce que:
– Pour nos pays, mosaïques de peuples, il permet une réelle composition et une représentation sociologique du pouvoir; – le premier ministre y est un serviteur de compromis, toujours à cause de la coloration plurielle du parlement qui doit lui accorder sa confiance. – la durée au pouvoir du chef de l’exécutif est limitée: le renversement du premier ministre est plus facile ici que dans le régime présidentiel (ou souvent il n’ y a pas moyen) puisqu’il suffit d’une majorité faisant un vote de défiance au parlement. Ce qui n’empêche pas la stabilité ni la continuité puisque les mêmes constitueront la nouvelle alliance.
– le gouvernement lui-même sera forcément une coalition, incitant à la recherche d’équilibres permanents dans son fonctionnement, donc favorisant la démocratie, le partage et l’équilibre. Le gouvernement de coalition est son propre premier contre-pouvoir.
Au Congo je ne vois aucune exception aux dérives des régimes présidentiels à devenir des autocraties indéboulonnables autrement que par la violence. Youlou, Massamba-Débat, Ngouabi, Yhombi, Sassou, Lissouba et encore Sassou ont tous abusé de ce pouvoir vite devenu personnel (sauf chez M-Débat sur ce dernier point) et totalitaire (ici M-Débat compris). Je ne choquerai personne en affirmant que seul le régime parlementaire de transition de Milongo permit une vraie démocratie et une composition des équilibres nationaux, se taillant même le luxe d’organiser une élection que le tout puissant chef de l’exécutif a perdu (sans doute pour beaucoup parce que organisée sous l’autorité d’un parlement qui échappait au contrôle du PM).
Je ne crois pas à l’idée que l’Afrique seule aurait dévoyé en présidentialisme le régime présidentiel qui serait à la base sain. C’est le régime le plus favorable à la concentration du pouvoir tout simplement. Le régime présidentiel réel ne fonctionne en équilibre qu’aux États Unis. Mais cela tient beaucoup de la sociologie politique de ce pays qui n’est pas transposable ailleurs, notamment le bipartisme, l’autonomie des États fédérés,l’indépendance des sections locales des partis qui conduit à l’indépendance réelle des parlementaires, l’élection de certains personnels du corps judiciaire (procureurs, shérifs…). Quant au régime semi-présidentiel c’est un leurre. Les pouvoirs en France par exemple ne sont pas partagés avec le parlement, mais reste largement en faveur de l’exécutif, ce qui fait de la France un présidentialisme comme un autre, modéré par la coutume démocratique du pays. Une France où d’ailleurs pour son cas, je soutiens fortement son régime institutionnel qui lui est adapté à elle.
Alors, va pour le régime parlementaire au Congo?
Par : HERVE MAHICKA