Prélude à sa conférence de Paris dans quelques jours, sous les auspices d’un célèbre organisme, Félix BANKOUNDA MPELE a accordé, auprès de la Radio Africa 1, le mardi 21 juillet une interview relative exclusivement aux conclusions du monologue de Sibiti, dit Dialogue national.
C’est Stéphanie Hartmann, la journaliste-animatrice du célèbre JDA (le Journal Des Auditeurs) de la chaîne africaine qui, en trente minutes chrono, méticuleusement et de façon haletante, a fait ‘accoucher’, a poussé l’invité à anticiper sur certainement une des grandes lignes de sa conférence programmée sur « Les fondamentaux de la démocratie au Congo », qu’il s’est cependant gardé de développer.
A la question préalable de savoir pourquoi le choix de la ville de Sibiti, l’invité, qui a précisé que si l’on est passé d’abord d’une programmation d’une région du nord comme lieu du dialogue à Sibiti, « cela relève d’une stratégie politique comme tout relève de la stratégie politique au Congo où plus rien ne se fait sur des bases rationnelles »
Que pèsent ou quelle valeur faut-il accorder aux conclusions de ce dialogue, Félix BANKOUNDA MPELE, avec illustrations sur plusieurs faits politiques depuis le retour catastrophe de Sassou Nguesso en 1997, a répondu qu’il faut classer ces conclusions comme relevant d’une part de la ‘spirale du coup d’État’ inaugurée depuis 1997, et, d’autre part, du ‘daltonisme politique‘ qui fait que le PCT et le pouvoir en place donnent toujours l’impression de voir le contraire de ce que tout le monde voit. Ainsi, sur ce dernier point, a-t-il argumenté que si la lecture de l’histoire politique du Congo depuis l’indépendance impose impérativement le maintien de la limitation des mandats pour assurer une sortie honorable des présidents dont jusque-là Sassou, qui s’est empressé de donner tout de suite des coups de canif aux valeurs et principes de la Conférence nationale qui l’avait pourtant sauvé, constitue l’exception, voilà que les détenteurs du pouvoir viennent de retenir l’effacement de la limitation des mandats pour que la conquête et l’exercice du pouvoir restent un Far-west.
Sur le premier point, la spirale du coup d’État, il a argumenté en disant que dès le renversement du régime, Sassou et les siens ont octroyé le 24 octobre 1997 un Acte fondamental (régime provisoire) avant de convoquer, quatre mois après, le Forum national pour l’avenir du pays qui n’a rien enlevé, même pas une virgule, à ce qu’un petit groupe d’individus avait décidé. C’est devenu ainsi la règle de fonctionnement des institutions et, c’est ainsi qu’il faut regarder les décisions de Sibiti qui relèvent exactement de la même stratégie. Ces dernières n’avaient-elles pas déjà été annoncées par le dernier congrès du PCT en décembre 2014 ! Quant aux autres propositions de cette rencontre comme le statut de l’opposition et le réaménagement institutionnel, c’est, selon l’invité, « la carotte pour appâter les Congolais et qu’on avait pas besoin d’un dialogue pour cela … un peu comme la Constitution de 2002 a constitué un simple marketing politique auprès de la communauté internationale et ne s’est pas du tout appliquée. Je disais déjà dès 2001, à la lecture du projet de ce texte que ce sera une Constitution mort-née. On y est ».
Quelle doit-être, en définitive, la stratégie de l’opposition, face à cette position du pouvoir, a martelé la journaliste ! On se doute bien qu’on est là au coeur du sujet et que l’invité ne pouvait, à ce niveau, développer, sans court-circuiter sa propre conférence et donner déjà certaines clés au pouvoir de Brazzaville. Aussi, a-t-il, de façon globale et solennelle, noté qu’ « aujourd’hui, c’est clair, pour ceux qui en doutaient encore, nous sommes là dans la répétition du coup d’État. La question du Congo relève du sauvetage national et démocratique. Tout le monde doit s’y mettre pour assurer un terme à ce chantage, à ce cynisme, à ce harcèlement politiques… Tous les moyens de droit, de la raison, de la légitimité doivent être utilisés. Si les institutions fonctionnaient normalement, parce que ce projet contient une disposition qui est insusceptible de soumission à référendum, à savoir la mise en cause de la limitation des mandats selon les articles 86 et 185 alinéa 3 du texte en vigueur, la Cour constitutionnelle, la juridiction constitutionnelle ne devrait pas autoriser ce référendum ».
Félix Bankounda Mpélé n’a pas manqué de souligner sa thèse classique relative à la Constitution de 2002 : « selon les critères classiques d’appréciation de tout acte juridique – fort politique soit-il – , les critères organique, formel et matériel, cette constitution est de nature autocritique et ne saurait régir un nouveau régime de nature démocratique. Le prochain départ de Sassou-Nguesso doit être confondu avec la fin de ce texte. Ce qui impose objectivement une transition après son départ »
D’habitude critique à l’endroit de l’opposition, et face à la critique en ce sens d’un auditeur de l’émission, Félix Bankounda Mpélé s’est, cependant, cette fois-ci, montré assez compréhensible, en soulignant que le pouvoir dictatorial au Congo, détenant toutes les manettes du pouvoir, « a instauré un couvre-feu sur la politique…et instauré une jungle. Il faut donc être réaliste ». Cependant, a t-il conclu, « on ne peut plus continuer à recourir aux arguments classiques, …aux boucs émissaires comme la France et l’Occident qui soutiendraient les dictatures, puisque aussi bien Obama, Hollande, l’ONU et la plupart des dirigeants de la communauté internationale ont été on ne peut plus clair sur ces questions, même si l’union africaine, elle, comme d’habitude, n’arrive pas à imposer ses engagements auprès de ses dirigeants et à anticiper certaines situations. La balle est donc désormais dans notre camp, du côté des patriotes, pour démontrer que ces gens-là n’ont pas leur place à la tête de l’État »
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Dans le Journal Des Auditeurs, Dialogue national au Congo…
Au Congo-Brazzaville, sans surprise, les conclusions du dialogue de Sibiti sur les institutions appellent à un changement de constitution, sans pour autant qu’un consensus soit dégagé entre les participants. Ce qui laisse la porte ouverte à l’organisation d’un référendum.
Que pensez-vous des conclusions de ce dialogue ? Le changement de Constitution est-il désormais inévitable ?
Nous en parlons avec
Félix Bankounda-Mpele,
Juriste et politologue. Membre de l’Association française de droit constitutionnel.
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SOURCE : AFRICA N°1