Le 22 mars est la date anniversaire de l’assassinat du Cardinal Emile BIAYENDA. « Qui a organisé, planifié et commandité cet assassinat ?
Le khani Dénis Sassou Nguesso, le 22 mars 1977, est-il le principal instigateur de l’assassinat du Cardinal Emile Biayenda, voire son principal commanditaire ?
Monseigneur Ernest KOMBO avant son décès par empoisonnement, sur son lit d’hôpital a brisé les mystères et secrets de cette énigme.
Lorsque je remis ce rapport à Ernest Kombo ce soir là rue de Grenelle, je lui demandais des explications à propos de cet étrange cliché. Pourquoi ce diplomate du Vatican montrait-il au public ce vêtement tel une relique ? Quel en était le sens ? De bonne humeur ce soir là, il me répondit avec sourire :
« – Il s’agit de la soutane miraculeuse que portait le cardinal Biayenda le jour de son assassinat.
– Vois-tu Hervé, comme chacun le sait et comme l’enquête officielle l’a établi au Congo, le cardinal Biayenda a été assassiné d’une rafale de mitrailleuse par l’adjudant Mamoye sur la montagne appelée aujourd’hui Montagne du Cardinal.
Or, comme tu peux le voir, il n’y aucune trace de balle sur cette soutane du cardinal. Voilà le miracle.
– S’agit-il d’un vrai miracle ? » Demandais-je stupéfait.
– « « « Tu es vraiment stupide Hervé, comment veux-tu que cela soit possible ?
– Pourquoi y aurait-il eu un tel miracle ? Crois tu que le Christ lui-même ait effacé les plaies qui lui furent infligées sur la croix ? »
Je mesurais la consternante naïveté d’enfant de chœur que j’eus pendant un instant.
« – Mais alors, comment le cardinal a-t-il été assassiné ? »
Ernest Kombo ne me répondit pas. Son sourire s’était éteint.
J’insistais :
« Où a-t-on retrouvé son corps ? »
Ernest Kombo marqua un silence avant de me répondre à voix basse comme dans un souffle :
« – On a retrouvé son corps deux jours après, enterré au grand cimetière de Brazzaville, le cimetière de Ntchémé Talangaï.
– Celui qui se trouve sur la route qui va vers le Nord ?
– Oui, à cet endroit même »
Je voyais bien ce « grand cimetière sous la lune », devant lequel j’étais passé et qui m’avait impressionné lors de mon retour de nuit à Brazzaville.
« – Mais alors, si il n’y avait pas de trace de balle dans la soutane et si on l’a retrouvé dans cette tombe, c’est qu’il a été enterré vivant ? »
Ernest Kombo ne me répondit pas.
« Pourquoi ont-ils tué le cardinal, insistais-je ? »
Kombo restait silencieux, je sentais qu’il allait s’enfoncer dans les profondeurs de sa forêt congolaise, me laissant seul sur la route, au bord de ce cimetière, avec mes questions. Pour la première fois depuis le début de notre relation, mon ton se fit plus ferme, plus insistant, presque brutal.
« – Ah non, Monseigneur, vous n’avez pas le droit de ne pas m’éclairer plus. Je suis votre fils fidèle, à votre service depuis quatre ans. J’en ai marre que vous me parliez nègre, je ne suis pas nègre, je suis blanc et je ne comprends pas tout ce que vous voulez me signifier. Vous savez parler blanc, alors, s’il vous plaît, parlez moi blanc. Qu’est-il arrivé au cardinal Biayenda, que s’est-il passé cette nuit là ? »
Kombo parut surpris par mon ton Il plongea son regard dans le mien, j’avais stoppé sa fuite. Il me répondit doucement, affectueusement comme un père craignant d’avoir blessé injustement son enfant.
« – Ils ont tué Biayenda parce que c’était un saint. Un homme qui portait l’évangile, un homme qui était l’évangile. Un homme qui transformait les cœurs les plus endurcis. Vois-tu, Hervé, Biayenda a réussi là où moi-même j’ai échoué. En 1977, il avait réussi à toucher le cœur de deux de nos dirigeants d’alors : le président Marien Ngouabi et l’ancien président Massamba Debat. Il avait convaincu en profondeur ces deux chefs du Congo, profondément choqués et perdus par l’échec total des 17 premières années d’indépendance, de se convertir vraiment à Christ. Il les avait convaincus d’abandonner la voie du communisme et du matérialisme dans laquelle s’était engagé le Congo. « Seul Jésus pourra vous permettre de sauver notre peuple » leur avait-il dit avec toute sa foi. Sous le regard du cardinal, Ngouabi et Massamba Debat définirent secrètement une nouvelle constitution qui entendait sortir le Congo de l’impasse du communisme. Le cardinal avait béni ce projet de constitution. Mais au Congo le malin est puissant et il veille. Un homme, le plus fort d’entre nous entretient des relations avec ces puissances du mal ; Cet homme fut informé du projet. Il s’assura du soutien des forces cubaines alors présentes au Congo communiste pour tuer le projet. C’est ainsi que Marien Ngouabi et Massamba Debat furent assassinés par quelques congolais voués aux forces de la mort et du cardinal. Le 17 mars, en fin de matinée, Marien Ngouabi fut rejoint dans l’hôtel où il se trouvait, par une dizaine de militaires, tous sous l’emprise du grand féticheur du Khani. Ils blessèrent à mort le président. Défiguré, mâchoire fracassée, il fut ramené à sa résidence de la présidence de la République, où sa propre garde cubaine l’acheva. On ne sait pas comment fut assassiné Massamba Debat, dont le corps ne fut jamais retrouvé.
– Pourriez-vous être plus précis Monseigneur ? Qui sont ces forces du mal ?
– Ces forces sont celles de la mort. Dans certains de nos rituels africains, des hommes appellent ces forces du mal et de la mort. Et tu peux me croire Hervé, ces forces du mal et de la mort. Et tu peux me croire Hervé, ces forces sont celles du Diable, et elles répondent.
– Il suffit de croire au mal ? Il faut ardemment désirer le mal et la mort. Je n’ai jamais vu Dieu, personne n’a jamais vu Dieu, mais vois-tu, je désire Dieu de toutes mes forces, ce Dieu incarné en Jésus. Le mal, Hervé, je peux te l’assurer, lui je l’ai vu, il existe. Ce mal là, seul Jésus a le pouvoir de l’écarter. Sans lui, il nous emporte.
– Pourquoi les congolais n’ont-ils pas achevé eux-mêmes le président ?
– Parce qu’il s’agissait d’un chef politique. Dans ce crime politique, ces congolais associés au Diable voulaient aussi associer les Cubains. Une sorte de pacte du sang signé avec Cuba, qui mouillait tout le monde.
– Et pour le cardinal, que s’est-il passé exactement ?
– Lui c’était différent. C’était un chef religieux, une affaire strictement congolaise Le chef de la religion du mal devait, pour installer son pouvoir, tuer le chef de la religion du Bien, incarné en la personne de Biayenda. Il ne s’agit pas là d’un assassinat bête et brutal, commis par des soldats ivres à la solde d’un mercenaire. Il s’agit d’un terrible sacrifice humain qui s’inscrit dans des liturgies de l’effroi. Car c’est dans l’effroi que surgit le diable. C’est ainsi que ces hommes perdus appellent les forces du mal à leur service. Dans la nuit du 17 mars 1977, quelques heures après avoir tué Ngouabi, le grand prêtre des forces du mal, le grand Khani, a envoyé des hommes à l’archevêché où dormait Biayenda. Personne ne savait alors que Ngouabi venait d’être assassiné. Le cardinal ne se méfia pas de ces hommes qui venaient le chercher. Le grand chef du Mal, caché derrière son masque rassurant de ministre de la Défense, appelait Biayenda en urgence. C’est dans la confiance qu’il accepta de les suivre. Arrivé à la hauteur du cimetière Ntchémé Talangaï, un barrage arrêta sa voiture. Ayant compris sans doute ce qui se passait là, ce qui qui l’attendait devant ce cimetière, le cardinal réussit à déjouer le barrage et à poursuivre sa route. Quelques kilomètres plus loin, il fit arrêter sa voiture pour s’enfuir dans la brousse vers la montagne appelée aujourd’hui « MONTAGNE DU CARDINAL », mais il fut vite rattrapé par les hommes du Khani. Ils se saisirent de lui et l’emmenèrent jusqu’au cimetière, qui est l’un des lieux privilégié où ils célèbrent et appellent les forces du mal. Ces cérémonies sont toujours nocturnes. Une tombe y était creusée. Le chef des forces du Mal ordonna à Biayenda de s’y coucher. Une rafale de mitrailleuse fut tirée à côté pour l’effrayer et afin qu’il s’exécute, mais le cardinal refusa. Il fut brutalement jeté dans sa tombe, là, il s’agenouilla et pria, tandis que les forces du Mal, sous le regard de leur grand chef, psalmodiaient lentement leurs incantations que le diable entend, tout en remplissant la fosse. C’est deux jours après seulement que le cardinal fut retrouvé dans cette tombe. Il était à genoux, sa main droite loin de son visage, mais à hauteur de son visage.
Je sais qu’en cette dernière qui fut la sienne, il bénissait ces hommes perdus et terrifiés, à qui il fit face jusqu’au bout.
« Seigneur, pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Ce fut la dernière prière d’Emile Biayenda.
– Comment avez-vous appris ce qui s’est passé cette nuit là ?
– A l’époque, j’avais choisi de travailler dans la fonction publique car là se trouvait l’élite du pays. Là je pouvais exercer une pastorale efficace, enracinée au cœur de la pâte humaine qui s’efforçait de construire le Congo moderne. Vois-tu, j’appartiens à une génération qui avait été touchée par l’expérience des prêtres-ouvriers en France. En ma qualité de prêtre, beaucoup d’hommes venaient se confier à moi. Quelques uns de ces hommes perdus, soldats et fonctionnaires, terrifiés par le geste qu’ils avaient commis, bouleversés par la prière du cardinal à genoux dans cette fosse, sont venus me confier leur crime insupportable.
– C’est pour cette raison que Jean Paul II vous a nommé évêque en 1980 ? Pour vous donner du poids et mieux combattre le Khani ?
– Oui, sans doute. Dès que j’ai connu les circonstances exactes de ce crime, je m’en suis ouvert à Monseigneur Firmin Singha, l’ami le plus proche du cardinal. Ils s’aimaient ces deux hommes, ils avaient le même âge, ils étaient l’un et l’autre mes guides, mes pères spirituels, à la source même de ma vocation sacerdotale. Monseigneur Singha a su informer le Vatican. Il y était écouté parce qu’on le savait très proche du cardinal.
– Mais où est Monseigneur Singha aujourd’hui ?
– Il est mort en 1993 alors qu’il était évêque de Pointe Noire.
– Mais de quoi est-il mort ?
– Il est mort empoisonné.
– Empoisonné par les hommes du Khani ?
– Oui, par les hommes du Khani.
– Mais le Khani, il avait été chassé du pouvoir par vous-même en 1991 lorsque vous aviez pris la tête du pays afin d’organiser l’alternance démocratique ?
– C’est exact. Mais le Khani n’était pas mort. Il était là, présent au Congo, et il continuait son œuvre de division et de mort. Il a même réussi à troubler et s’allier certaines consciences sacerdotales. Le Khani m’avait « driblé »….
Photo de Monseigneur Andreas Carrasdosa , nonce apostolique à Brazzaville en 2006 dénonçant l’assassinat du Cardinal Biayenda en brandissant la soutane miraculeuse et immaculée
Extrait des Mémoire du Frère Hervé Zebrowski* LES ASSASSINS DU CARDINAL Terreur sur Brazzaville Hervé Zebrowski Editions du Chercheur d’hommes ANTHROPOLOGIE, ETHNOLOGIE, CIVILISATION HISTOIRE, RELIGION AFRIQUE NOIRE Congo Brazzaville Ce livre raconte l’histoire d’un cardinal du Congo Brazzaville, enterré vivant lors d’un sacrifice rituel qui s’inscrit dans un culte célébré par le pouvoir en place à Brazzaville. Dédié aux forces des ténèbres et de la mort, ce culte instaure un régime de la terreur dans cette région de l’Afrique centrale. L’auteur, de retour dans le bassin du Congo, s’efforce de comprendre les sources et les logiques de la tragédie des Congo.
ISBN : 978-2-7466-0896-2 • juin 2009 • 316 pages
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BIOGRAPHIE DU CARDINALE EMILE BIAYENDA
Le cardinal Émile BIAYENDA est né en 1927, à MalélaBombé,
près de Vinsa, dans le district de Kindamba. Il commence ses études primaires d’abord à Pangala de 1935 à 1937, ensuite à la mission Catholique de Kindamba de 1937 à 1942 ; et enfin, il termine à Boudji à la Mission Catholique de 1942 à 1944. Se sentant appelé à la prêtrise, il entre au petit séminaire Saint Paul de Mbamou, pour ses études secondaires, de 1944 à 1950; puis le Grand séminaire Libermann de Brazzaville (actuel Moyen Séminaire Saint Jean), pour ses études de philosophie et de théologie de 1950 à 1958. Le 26 Octobre 1958, il est ordonné Prêtre par son Excellence Monseigneur Michel BERNARD. Son premier poste est la paroisse Sainte-Marie de Ouenzé où il est nommé Vicaire en Août 1959. Il s’occupe de la paroisse Saint Jean-Marie VIANNEY de Mouléké jusqu’à la construction de l’Église, de Mars 1962 à Juillet 1965. L’Abbé Émile BIAYENDA y sera nommé par la suite Curé. En plus de cette charge, il est responsable Diocésain de la Légion de Marie de 1960 à 1965. Ce mouvement Marial apparaît dangereux à certains politiciens, il est torturé innocemment en même temps que le Père ROBYR de la Congrégation du Saint-Esprit. Pour la première fois, il subit dans sa chair le contrecoup des luttes politiques auxquelles il est totalement étranger. Il portera durement pendant plusieurs Années, les Marques des tortures de la prison du système Marxiste-léniniste. En Octobre 1965, l’Abbé Émile BIAYENDA est envoyé aux études pour compléter sa formation. Il étudie aux Facultés Catholiques de Lyon de 1965 à 1969. Ses études sont sanctionnées par une licence en Théologie et un Doctorat en Sociologie. A la fin de ces études, Il rentre à Brazzaville en Mai 1969. Il est nommé Vicaire à la paroisse Saint-Esprit de Moungali. Le 18 Février 1970 ; il devient Vicaire Épiscopale, Chargé de la coordination entre les Diverses oeuvres D’apostolat et Commissions Diocésaines. Le 7 Mars de la même année, l’Abbé Émile BIAYENDA est nommé Archevêque Coadjuteur de Brazzaville avec droit de succession. Il est ordonné Évêque à Rome le 17 Mai 1970, par Monseigneur PIGNEDOLI, alors Secrétaire Général de la congrégation pour l’Évangélisation des peuples. A la mort de Monseigneur Théophile MBEMBA, le 14 Juin 1971, il occupe le Siège Métropolitain de Brazzaville.
Le vendredi 2 Février 1973, il est crée Cardinal par le Pape Paul VI qui lui imposera « la barrette cardinalice », le 5 Mai de la même année à Rome. Il revient à Brazzaville, le 9 Mai 1973 au cours duquel la Chrétienté lui réserve un Accueil très chaleureux. Le 20 Mai 1973, il célèbre sa messe d’action de grâce au stade Eboué, entouré du Cardinal Joseph MALULA, du Délégué Apostolique; Monseigneur TAGLIAFERRI, des Évêques d’Afrique et du Congo et de nombreux Prêtre. Malgré la grande pluie qui s’était abattue dans la ville, le Stade était plein à craquer des fidèles venus du monde entier.
*** Le mardi 22 mars 1977, une voiture de militaires vint à l’évêché, Monseigneur n’étant pas là. Ils revinrent vers 16h. Ils lui dirent de les accompagner. L’Abbé Louis Badila assistant à la conversation proposa de le conduire lui même. Ce lui fut refusé et Mgr dut monter dans l’auto des militaires envoyés par le Ministre de la Défense. Ils firent une halte à l’état major puis reprirent la route suivis par l’Abbé Louis Badila. Les militaires réussissent à semer celui-ci qui passa ensuite toute la nuit à chercher où retrouver le Cardinal. Le matin du mercredi 23 mars, il sut que c’était fait: le Cardinal avait été assassiné.
A la Conférence nationale le Médécin commandant Dr Nkouka Mbemba qui a examiné le corps du Cardinal Emile Biayenda n’a constaté aucune trace de balle, en dehors d’une écorchure à la jambe gauche. Ce qui confirme la thèse que le Prélat aurait été enterré vivant.
– Pour Hervé Zebrowski le cardinal Emile Biayenda a été enterré vivant
C’est sur une radio congolaise (radio Forum) que M. Hervé Zebrowski s’exprime sur la mort du cardinal Biayenda et de Mgr Kombo…
Sur le site de cette radio on lit que » Monsieur Herve Zebrowski, proche et dernier secrétaire de Mgr Ernest Nkombo, nous livre sa version des faits sur la mort du Cardinal Emile Biayenda et également sur la mort de Monseigneur Firmin Singa, par devoir de mémoire et afin d’édifier les congolais sur cette période tragique de son histoire.
L’auteur de l’ouvrage « Les assassins du cardinal. Terreur sur Brazzaville » , Hervé Zebrowski explique l’assassinat du Cardinal par Denis Sassou Nguesso et la mort suspecte de Monseigneur Ernest Nkombo. « .
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