D’un constat général, lorsque nous sommes promus à des postes de direction ou plus simplement nous avons à notre charge une équipe à diriger, la première réflexion (ce qui est plus ou moins légitime) est d’abord à notre avantage. En ce sens que nous nous demandons de quelles manières procéder, pour se faire la part belle au sortir des responsabilités qui sont les nôtres.
Dans l’exultation de nos nouvelles fonctions de leader, manager, chef d’entreprise, nous appuyant sur le proverbe qui dit: «La charité bien ordonnée commence par soi-même», nous nous attelons, au prime abord, à mettre en place des stratégies dont l’objectif est de gagner en termes de succès, mais surtout et essentiellement (pour la plupart), en bien matériels. Et, pour une bonne instrumentalisation de ces stratégies, nous nous entourons des meilleurs alliés possibles, qui sont des personnes de confiance, car n’est-ce pas que la confiance est un critère des plus importants dans la mise en place d’une quelconque relation?
Malheureusement et généralement, il est des têtes de file, des dirigeants faisant preuve de jusqu’au-boutisme pour arriver à leurs fins, font fi de toute déontologie, de toute éthique professionnelle. Sous prétexte d’une autorité irréfragable, forts d’une immunité de circonstance et limitée car due à leurs statuts, ils se comportent en potentats et font, disent la loi du travail à leurs manières. Ainsi, imposant leurs diktats, ils élaborent des règlements intérieurs, des conventions d’entreprises taillés sur mesure. S’en suivent le clientélisme avec son lot d’injustice, de jurisprudence, de délits d’initiés cautionnés et tant d’autres vices de procédure. Ils se soucient peu d’obtenir des résultats contribuant à grossir les chiffres d’affaires de la structure dont ils ont la charge, mais plutôt s’évertuent-ils à effectuer des tractations financières tendant à renflouer leurs comptes en banque. De surcroît, lorsqu’il s’agit d’entreprises publiques, la gestion en est, le plus souvent, hasardeuse, car la tendance est de se dire que ce n’est que la chose de l’État.
Cette dernière a, donc, perdu son caractère communautaire, car elle est dorénavant personnalisée. C’est à se poser la question si le développement durable n’est qu’un slogan ou il est réellement un programme élaboré et même institué qui vise atteindre des objectifs s’inscrivant dans le cours du temps. Alors dans cette façon de gérer tant scabreuse, le subjectivisme est la base de tout jugement. La raison à laquelle on apporte du crédit est celle du plus fort. C’est ainsi que la corruption et la compromission s’étant installées, font leurs jeux. De ce fait, le succès est réservé à celui qui sait se vendre le mieux, en sachant vendre l’autre par l’intrigue, la traîtrise. Celui-ci s’est spécialisé dans le sapement et le boycottage des efforts fournis par ceux qui n’ont recours qu’à leurs potentiels intellectuels, de manière loyale. Ces derniers, qui croient encore en la raison sous sa forme la plus platonique, en la justice et au succès mérité de façon honorable, ne se relâchent nullement dans leurs idéaux d’avant-gardistes, car sachant qu’au bout du compte, ils sont plus ou moins les meilleurs.
En outre, de ces managements inorganisés, inappropriés qui se démarquent des différents autres genres de management classique et requis, violant toutes les lois et règles légiférées en la matière, nous en nommerons quelques uns:
Le management familial
En premier lieu, il y a le management familial que nous appelons également gestion sentimentale. Dans ce management, la primauté est donnée aux femmes, aux enfants, aux parents, beaux-parents…
La qualification et la compétence ne sont pas des exigences et sont alors incontournables. Les intérêts de la famille sont primordiaux;
La gestion clanique
Après, vient la gestion clanique où un groupe d’amis sortis des mêmes écoles, issus des mêmes groupes sociaux ou pas formant des clans, font la loi selon que cela leur convient et en tirent profit au maximum.
Il faut être comme «eux» ou avec «eux» pour espérer trouver une issue de sortie favorable à un mieux-être, à un avenir tant soit peu brillant. La gestion clanique, à l’instar de la gestion familiale, ne s’en tient pas qu’aux considérations intellectuelles. Ce qui importe, c’est d’adhérer et se faire partisan des idées prônées par le clan, être prêt à les défendre en toutes circonstances.
Plus vous êtes fidèle et dévoué à la cause du clan, mieux richesse et gloire vous sont servies sur un plateau d’argent. C’est à se demander s’il y a de la conviction dans tout cela.
Néanmoins, il n’est pas dit que les non partisans au clan n’avancent pas. Ils avancent, mais à pas de canards boiteux: clopin-clopant, souvent avec les risques de laisser leurs plumes et peut-être ne plus se relever, lorsqu’ils font preuve de plus de témérité, d’intransigeance à camper sur leurs positions. Les intérêts du clan sont de premier ordre, valorisant ainsi les concepts d’amitié, de fraternité, de confrérie… N’est-ce pas qu’il faut rester solidaire jusqu’au bout de la chaîne?
Le management tribal
S’en suit le management tribal, plaçant aux premières loges, les personnes issues d’une même contrée, d’un même groupe ethnique, d’une lignée commune… Cette forme de gestion, une fois de plus, ne fait pas des qualifications professionnelles un visa pour l’excellence. Que vous soyez à la hauteur ou pas, que vous le méritiez ou pas, vous êtes favorisés. Rares sont ceux de la tribu qui ne sont pas propulsés. Une fois encore, le rendement positif et productif est placé au second plan. Les résultats, s’il peut y en avoir, doivent forcer le passage à l’implacable réalité des considérations ethniques.
Dans le management tribal, l’obligation est, pour celui qui est à la tête, de ne pas laisser en marge les frères du coin. Ce qui veut dire: leur donner l’opportunité de tirer profit, autant que faire se peut, de sa position sociale. Bref, éviter de s’attirer les griefs de la parenté est la motivation première de cette attitude. Enfin, la liste n’est, sans nul doute, pas complète. De même, loin de nous la prétention de nous établir juges des pratiquants de ces modèles de gestion.
Néanmoins, quelque soit l’option retenue par les managers, ce qui doit les préoccuper, par-dessus tout, c’est la survie de l’entreprise .Or, l’on ne peut parler de survie de l’entreprise qui passe par son entretien, sans pour autant parler de la mise en valeur du capital humain. Capital humain, facteur fondamental et déterminant dans la gestion d’une entreprise.
Pour ce faire, ne pas tenir compte du critère essentiel qu’est la qualité, dans laquelle on retrouve la qualification et la compétence, conduisant à la performance et à l’excellence, avec pour point de chute le mérite et la reconnaissance, c’est aller droit vers un échec notoire. Il est vrai que certaines contraintes sociétales empêchent nombre de managers à faire preuve d’objectivité, mais quand il est question d’honneur à défendre, il est impérieux de faire valoir, avec poigne, le formalisme administratif.
Ce qui est la preuve irréfutable que l’on est possesseur de certaines valeurs morales qui, elles, finissent toujours par justifier ceux qui les mettent en exergue. Il est prouvé que la raison, tant bien que mal, triomphe toujours. La crainte d’être démis de leurs fonctions ne devrait pas faire perdre, aux dirigeants, le sens de toute éthique. Et, comme l’a préconisé le philosophe Emmanuel Kant, le progrès de l’homme passe par la vertu individuelle. Vous œuvrez pour votre ascension, vous aspirez à grimper les échelons, dites-vous que cela passe par ce que vous êtes et par ce que vous faites.
Certes, il n’est pas prohibé d’avoir des préférences. Le népotisme en soi n’est pas mauvais, notamment lorsqu’il est pratiqué dans le cadre de la charité, de l’humanitaire. Pourtant, ce qu’il y a de judicieux à retenir et exercer, c’est savoir mettre de la mesure dans toutes actions humaines, quelques soient les circonstances dans lesquelles on se retrouve. Ne dit-on pas que tout excès est nuisible?
Ensuite, il y a deux points importants à souligner: primo, la chose de l’État doit être respectée par tous. Ceci est un impératif, car il est une action noble que de penser au legs fait aux générations futures; secundo, le travail est censé être pour l’homme une source d’épanouissement. C’est le moyen de prédilection pour tout être humain de s’exprimer, donc de se mettre en valeur, se développer tout en contribuant au développement de son entreprise, de son pays et par là mettre sa touche à la construction du monde. Par essence, chaque être a la faculté d’exprimer sa nature humaine. Aussi, ces entreprises, dans laquelle la gestion n’est pas faite dans les règles de l’art, la marginalisation et l’exclusion devenant monnaies courantes, freinent tout développement. Ce qui est inhumain et devrait être punissable.
Le harcèlement sous toutes ses formes (professionnel, moral, sexuel…) bat son plein. La pression est d’une telle intensité que même la santé physique, voire psychique des victimes va en se détériorant. D’ailleurs, elles se sentent prises en otage par leurs hiérarchies et perdent les repères qui devraient être les leurs. Se remettant en question, elles en arrivent à se sous-estimer et à perdre confiance en elles.
C’est, inexorablement, la psychose arrivée au summum de l’explosion. Par ailleurs, il est d’autant plus vrai qu’en matière de législation du travail, les travailleurs n’ont pas que des droits à revendiquer, mais ils ont, également, des devoirs à faire. Seulement, c’est aux hiérarques de donner la pulsion nécessaire.
Ainsi, à ces derniers d’arrêter de surestimer certains de leurs collaborateurs, et sous-estimer d’autres, simplement à cause de considérations personnelles précarisant les entreprises, car tous sont, en réalité, les membres d’une même équipe. Pouvez-vous dire duquel de vos doigts vous seriez prêt à vous séparer?
Aussi, les différents hiérarques, entourés de l’ensemble de leurs collaborateurs, doivent travailler à trouver des solutions au dysfonctionnement et à la disharmonie (causes de multiples déviations et échecs) rongeant leurs structures. La prémisse est que la primauté doit être donnée aux résultats probants, en vue du développement durable de nos entreprises, donc de nos États.
Enfin, nous adressant principalement aux managers, dirigeants, têtes de file du Congo, nous leur demandons plus d’objectivité et moins de partialité. La justice n’est peut-être pas du domaine des hommes, mais une répartition équitable des devoirs et droits est encore possible, selon ce que valent les uns et les autres. La vie est faite de revers, et vous ignorez la personne à qui vous serez obligé de manifester de la révérence dans le futur.
A bon entendeur, salut. Que Dieu bénisse le Congo; qu’il bénisse le peuple congolais.
Itoua EKAMBA ELOMBE – © La Semaine Africaine